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Menaces d’intervention militaire au Niger : L’avertissement d’Alger

L’Algérie a averti hier contre la possibilité d’une intervention militaire au Sahel, rappelant que cela ne fera qu’aggraver la crise, ainsi que l’insécurité qui règne dans la région. Alger, qui affiche son attachement à un retour à l’ordre constitutionnel au Niger, après le coup d’État de mercredi dernier, souligne que ce retour doit se faire par des moyens pacifiques.

Les derniers développements dans la région du Sahel et particulièrement au Niger suscitent de réelles inquiétudes. L’évocation par la France d’une possible intervention militaire laisse planer le spectre d’une déstabilisation globale dans la région du Sahel, déjà minée par l’insécurité et la prolifération du terrorisme.

C’est dans ce contexte que l’Algérie, par le biais du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale de l’étranger, a averti contre les dangers de ce type d’interventions. Dans un communiqué le MAE a souligné que si l’Algérie réaffirme son attachement au retour de l’ordre constitutionnel au Niger après le coup d’État qui a renversé le président Mohamed Bazoum mercredi dernier, ce retour devra se faire par des moyens pacifiques. « Le retour à l’ordre constitutionnel doit impérativement s’accomplir par des moyens pacifiques qui éviteront au Niger frère et à l’ensemble de la région un surcroit d’insécurité et d’instabilité et à nos peuples un surcroit d’adversité et d’épreuves », indiqué le communiqué du MAE.

« En conséquence, l’Algérie met en garde et appelle à la prudence et à la retenue face aux intentions d’interventions militaires étrangères qui sont, malheureusement, considérées comme des options envisageables et utilisables alors qu’elles ne sont que des facteurs de complication et d’aggravation de la crise actuelle », ajoute le communiqué.

Il faut dire que l’Algérie a toujours plaidé pour des règlements politiques aux conflits sur le continent, en sus de privilégier des solutions africaines, rejetant toute forme d’interventionnisme étranger qui ne fait qu’alimenter les tensions et les faiblesses structurelles des pays du continent. Une position d’ailleurs réaffirmée hier par le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, lors de la tenue de la session de la commission algéro-tanzanienne à Alger.

Au-delà, les faits démontrent bien que les interventions militaires ont aggravé le climat d’insécurité en Afrique. Le cas libyen en est d’ailleurs la parfaite illustration. L’intervention militaire « multinationale » menée contre la Libye en 2011 sur instigation de la France, a abouti à l’assassinat du dirigeant libyen Mouamar El Gueddafi, mais aussi sur la déstabilisation totale de la Libye. Un pays miné par les divisions depuis plus de 12 années, et qui s’est transformé en un espace où les activités de mercenariat, de trafic d’armes et de terrorisme prospère. C’est la déstabilisation de la Libye qui a permis au groupe Daech de prendre pied en Afrique et aux autres groupes terroristes de se développer dans l’ensemble de la région du Sahel au point où la région est devenue le point focal du terrorisme international. Un développement favorisé aussi par les difficultés économiques et sociales que connaissent l’ensemble des pays de la région à l’ombre d’États faillis. Et à bien regarder la carte de la région de plus près l’on se rend compte que du Soudan à la Guinée, en passant le Tchad, le Niger, le Burkina Faso et le Mali, ont connu des coups d’État militaires, ont mis en place des autorités de transition et vivent une instabilité politique chronique.

Une situation explosive

Les craintes de l’Algérie qui partagent des frontières avec certains pays du Sahel sont justifiées. C’est ainsi qu’elle œuvre avant toute chose à l’apaisement à la stabilisation politique dans ces pays. Cela s’est illustré dans le cadre dans sa médiation dans le dossier malien, mais encore plus aujourd’hui à travers l’action diplomatique intense menée ces derniers jours dans le cadre du dossier nigérien. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, est d’ailleurs intervenu plusieurs fois cette semaine dans le cadre de ce dossier et réaffirmer l’attachement de l’Algérie au retour à l’ordre constitutionnel. Un attachement réaffirmé hier par le MAE qui a souligné que l’Algérie « renouvelle son profond attachement au retour à l’ordre constitutionnel au Niger et au respect des exigences de l’Etat de droit. Dans cet esprit, le gouvernement algérien réaffirme son soutien à Monsieur Mohamed Bazoum comme Président légitime de la République du Niger », note la même source.

Il faut noter que sur le terrain, la situation reste tendue. Dimanche, le président français Emmanuel Macron a averti qu’il «  ne tolèrera aucune attaque contre la France et ses intérêts » au Niger et Paris répliquera « de manière immédiate et intraitable ». Lundi, les militaires au pouvoir à Niamey ont accusé la France de vouloir mener une intervention militaire au Niger. Pour leur part, le Mali et le Burkina Faso ont averti dans un communiqué commun » que toute intervention militaire contre le Niger entraînerait un retrait du Burkina Faso et du Mali de la Cédéao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), ainsi que l’adoption de mesures de légitime défense en soutien aux forces armées et au peuple du Niger ». Ils « mettent en garde contre les conséquences désastreuses d’une intervention militaire au Niger qui pourrait déstabiliser l’ensemble de la région ». Ils ajoutent qu’ils « refusent d’appliquer » les « sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le peuple et les autorités nigériens » décidées à Abuja.

Pour sa part, la France a annoncé hier l’évacuation de ses ressortissants du Niger. Cependant, Paris qui conserve 1.500 militaires au Niger dans le cadre de la Force Barkhane ne semble pas avoir l’intention de les retirer. Les craintes pour l’uranium nigérien, semble l’avoir emporter. L’évacuation annoncée par Paris est argumentée par les risques encourus après les manifestations qui ont ciblé l’ambassade de France à Niamey. Depuis, les médias français tentent d’entretenir l’idée d’une implication de la Russie dans le coup d’État au Niger. Pour leur part, les Etats-Unis qui détiennent une base militaire au Niger ont écarté une telle possibilité. La Maison blanche a déclaré mardi ne disposer d’aucune indication selon laquelle la Russie est derrière le coup d’Etat survenu la semaine dernière au Niger, ajoutant que les Etats-Unis n’ont pas changé de position sur leur présence dans le pays, n’ayant pas constaté de menace pour leurs ressortissants.

Lyes Saidi

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