Salaires, recrutements, transferts sociaux, et mesures de soutien au pouvoir d’achat : Ce qui vous attend en 2024
La commission des finances et du budget de l’Assemblée populaire nationale a lancé hier le cycle d’examen du projet de loi de finances pour 2024 avec l’audition du ministre des Finances, Laâziz Faïd, lequel a présenté un projet de budget caractérisé par une hausse des dépenses publiques, motivée notamment par une évolution des dépenses de personnel et des transferts sociaux.
Le ministre des Finances a présenté hier devant la commission des finances et du budget de l’APN, le projet de loi de finances pour 2024. C’est le second projet de budget qui intervient dans le cadre de l’application des dispositions de la nouvelle Loi organique des lois de finances, assise notamment sur un cadrage budgétaire à moyen terme, mais aussi des budgets programmes. Un contexte dans lequel les orientations qui ont présidé à l’élaboration de ce projet de budget pour le prochain exercice ont mis l’accent sur la nécessité d’élargir l’assiette fiscale pour améliorer le niveau de recouvrement des recettes, mais aussi sur la rationalisation et l’optimisation des dépenses de l’État. Des orientations qui n’ont pas pour autant affecté le niveau des dépenses publiques qui sont en évolution en 2024, et qui le seront aussi en 2025 avant de légèrement reculer en 2026. Une évolution clairement reflétée dans le cadrage à moyen terme de cette loi de finances, lequel table sur des dépenses budgétaires records de 15.105,8 milliards de dinars en 2024 puis à 15 575,9 Mrds DA en 2025, avant de refluer à 15 381,1 Mrds DA en 2026. Une augmentation justifiée par « une conjoncture marquée par un retour à une situation économique stable, se traduisant par l’amélioration des indicateurs macroéconomiques et budgétaires », comme le note le rapport de présentation du projet de Loi de finances pour 2024. Une augmentation des dépenses motivée également par les mesures prises en vue de préserver le pouvoir d’achat des ménages et l’amélioration des revenus dans un contexte marqué par les tensions inflationnistes dans le monde et ce, malgré une légère baisse des recettes budgétaires prévues l’année prochaine. Dans ce contexte le rapport de présentation du PLF2024 précise que les recettes budgétaires en 2024, s’établiraient à 9036,6 Mrds DA, en baisse de 2,1% par rapport aux recettes prévues en clôture de l’année 2023, sous l’effet de la baisse de la fiscalité des hydrocarbures budgétisée qui devrait atteindre 3512,3 Mrds DA en 2024, en baisse de 8,9% par rapport à l’année 2023. A contrario, les recettes hors fiscalité des hydrocarbures prévues pour l’année 2024 devraient augmenter de +2,9% par rapport à celles prévues en clôture de 2023, pour atteindre 5524,3 Mrds DA.
De leur côté, les dépenses budgétaires en 2024 s’établiraient à 15 105,8 Mrds DA, en hausse de +2,7% par rapport au PLFR 2023 qui établit les dépenses à 14 706,8 Mrds DA.
Une hausse du budget alimentée par une augmentation substantielle des dépenses de fonctionnement en 2024, année marquée par l’entrée en vigueur de la deuxième tranche de hausse des salaires dans le cadre de la révision de la grille indiciaire de la Fonction publique, par l’ouverture de nouveaux postes budgétaires dans plusieurs secteurs, mais aussi la nécessité de couvrir les dépenses liées notamment à l’organisation des festivités liées à la célébration du 70e anniversaire du déclenchement de la Guerre de libération nationale en novembre 2024 et les élections présidentielles à la fin de l’année prochaine.
Ouverture de plus de 37.000 postes budgétaires supplémentaires
Les mesures sociales restent cependant au cœur du projet de budget pour le prochain exercice. Une centralité illustrée aussi bien par la hausse substantielle de la masse salariale dans la Fonction publique, celle des transferts sociaux, et les mesures législatives devant permettre d’améliorer le pouvoir d’achat. Le rapport de présentation de la LF2024 note ainsi de 15,1% des dépenses de personnel à la charge de l’État. Le document précise que ces dépenses atteindront 5155,67 Mrds de DA en AE et en CP, représentant 34,13 % du total des crédits pour 2024,avec une augmentation de 674,59 Mrds DA, soit +15,1%, comparativement aux crédits PLFR pour 2023. Une hausse importante motivée par la hausse des salaires au profit de 2,86 millions fonctionnaires et agents publics, pour une enveloppe globale évaluée à 578 Mrds DA dans le cadre de la deuxième phase de révision de la grille indiciaire de la Fonction publique, auxquels il faut ajouter l’incidence financière de l’ouverture de 26.475 postes décidées par les pouvoirs publics en 2023 auxquels il faut ajouter l’ouverture de 37.252 postes budgétaires supplémentaires, dans les secteurs de la santé, l’éducation nationale, l’agriculture, la solidarité et les affaires religieuses. Le prochain exercice budgétaire doit également prendre en charge le recrutement prévisionnel sur postes vacants de 20.509 fonctionnaires et contractuels, ainsi que l’incidence de la levée de gel des promotions sur examens professionnels.
Des mesures pour soutenir le pouvoir d’achat
La hausse du budget également expliquée par une évolution des transferts divers et notamment des transferts sociaux. Le document précise que le budget des transferts atteindra 4078,74 Mrds DA en autorisation d’engagements et 4146,52 Mrds DA en crédits de paimenet, représentant une part de 27,5 % du total du budget de l’Etat pour 2024, soit une une augmentation de 114,52 Mrds de DA en AE (soit +2,9%) et 164,10 Mrds DA en CP (soit +4,1%) comparativement au PLFR pour 2023. Ainsi, les dépenses liées à l’intervention économique et sociale de l’Etat et notamment les subventions aux produis de large consommation pour 644,26 Mrds DA, de dotations au profit de l’OAIC de l’ONIL au soutien du prix de l’eau dessalée, de l’énergie et à la stabilisation des prix du sucre et de l’huile. Au-delà des subventions destinées à soutenir les prix des céréales, du lait, de l’huile, du sucre et de l’énergie, d’autres transferts concernent l’allocation chômage et l’aide à l’emploi, ainsi que l’accès au logement social, le logement promotionnel aidé, ou encore l’habitat rural.
Le texte prévoit aussi une batterie de mesures législatives destinées à lutter contre l’inflation et préserver le pouvoir d’achat. Le projet de loi de finances 2024 prévoit ainsi
une exonération temporaire de la TVA, aux stades de production et de commercialisation gros et détail, jusqu’au 31 décembre 2024 du poulet de chair, de la dinde, des œufs de consommation, des fruits et légumes frais, produits localement et des légumes secs et riz, produits localement ou importés. Il s’agit aussi de l’institution d’une allocation forfaitaire de solidarité pour les catégories sociales sans revenus notamment, les chefs de familles, les familles, les personnes, les personnes âgées de plus de 60 ans et les personnes à besoins spécifiques. Le PLF propose également l’ouverture d’un compte d’affectation spéciale n 302-154 intitulé « Fonds de la pension alimentaire », à travers duquel l’Etat paiera les pensions alimentaires attribuées aux bénéficiaires et le ministère de la Justice percevra ces sommes sur les débiteurs. Dans le domaine du logement, le texte propose un abattement de 10%, calculé sur la base du reste à payer des loyers, octroyé aux bénéficiaires de logements AADL, ayant honoré le paiement des 25% du prix du logement et désirant solder, par anticipation, le reliquat de ce prix. Le PLF introduit une prise en charge par le Trésor, des intérêts pendant la période de différé et la bonification du taux d’intérêt des prêts accordés par les banques publiques, à hauteur de 100%, dans le cadre de la réalisation de la tranche additionnelle de 50.000 logements de type location-vente, au titre de l’année 2024. En outre, une prorogation jusqu’au 31 décembre 2025, au lieu le 31 juillet 2023, du délai accordé aux occupants des logements publics locatifs (logement social), désirant acquérir leurs logements, pour introduire leurs demandes d’acquisitions, a été proposée. Il est également proposé la mise à la disposition de la Banque nationale de l’habitat (BNH), en lieu et place de la Caisse nationale du logement (CNL), du financement des programmes de logements publics locatifs, des voiries et réseaux divers primaires et secondaires, ainsi que des aides frontales et les contributions de l’Etat pour l’accès aux logements. Le PLF propose aussi d’introduire la possibilité donnée à l’Entreprise nationale de la promotion immobilière (ENPI), de commercialiser en vente libre, les Logements promotionnels publics (LPP) invendus, sous réserve du remboursement de l’aide indirecte de l’Etat.
Baisse des dépenses d’investissements
Côté dépenses d’investissements, le budget pour le prochain exercice prévoit des dépenses d’investissement en baisse de 18,6% en autorisation d’engagement et de 8,8% en crédit de paiement comparativement aux crédits PLFR 2023. Cette diminution s’explique principalement par l’inscription des grands projets structurants au cours de l’exercice 2023, notamment le programme de renforcement des capacités de stockage national des céréales, à travers la réalisation de 30 silos de stockage de longue durée et 350 centres de proximité pour le stockage intermédiaire des céréales et des s opérations liés au Projet Phosphate Intégré (PPI) et de la ligne minière Béchar-Tindouf (Gara Djebilet). Il s’agit aussi de l’inscription du programme lié à la sécurisation de l’alimentation en eau potable pour faire face à la problématique du stress hydrique, pour la réalisation des travaux de raccordement des stations de dessalement d’eau de mer (SDEM) de Béjaia et El Tarf.
Ce budget prévoit une enveloppe pour l’inscription des nouvelles opérations de 2.006,09 Mrds de DA en AE et 1.317,62 Mrds de DA en CP dans les secteur de l’Habitat (34,8%), travaux publics (16,6%), hydraulique (10,4%), éducation (9,9%), santé(4,6%), justice (3,8%), enseignement supérieur (3,3%),transports (3,2%) et agriculture (3,0%). Les crédits prévus pour 2024 prévoit également que la réévaluation des opérations en cours de réalisation s’accapareront à 488,49 Mrds DA en AE et 396,07 Mrds DA en CP, l’année prochaine.
Des mesures en faveur de l’investissement
Au volet législatif, le texte des mesures en faveur de l’appui à l’investissement. Il s’agit notamment de la suppression de la taxe sur l’activité professionnelle (TVA) conformément aux instructions du président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, et la possibilité pour les projets d’investissement structurants, financés par un prêt du Trésor, de bénéficier des conditions de financement spécifiques. Il prévoit aussi la réouverture du compte d’affectation spéciale intitulé « Fonds spécial pour la promotion des exportations » (FSPE), afin d’encourager les exportations hors Hydrocarbures, conformément aux orientations du président de la République. Plusieurs avantages fiscaux ont été proposés également dans le PLF, dans l’objectif d’encourager les activités économiques, à l’instar de l’exemption de la TVA des opérations de réassurance et de Retakaful, l’exonération de l’impôt forfaitaire unique (IFU), des chiffres d’affaires réalisés issus des activités de collecte et de vente du lait cru, et l’extension de l’application du taux réduit de TVA de 9%, actuellement applicable aux déchets d’aluminium, de fer, de bois, de verre, de carton et de plastique, papier, aux déchets de caoutchouc, pneus hors d’usage, huile moteur, boîte de vitesses et de lubrification usagées, huiles et matières grasses alimentaires et accumulateurs au plomb. S’agissant des mesures en faveur de l’entreprenariat et des startups, le PLF propose une révision à la baisse du taux d’imposition de l’IFU de 5 à 0,5%, applicable aux activités exercées sous le statut d’auto-entrepreneur. Le projet de loi prévoit une reconduction pour une durée de cinq ans, à compter du 1er janvier 2024, de l’exonération de l’import sur le bénéfice des sociétés (IBS) et de l’import sur le revenu global (IRG), des produits et des plus-values de cession des obligations, titres et obligations assimilés du Trésor, cotés en Bourse ou négociés sur un marché organisé, d’une échéance minimale de cinq ans, de même que les droits d’enregistrement, des opérations portant sur les valeurs mobilières cotées en Bourse ou négociées sur un marché organisé. Dans le cadre de la numérisation, le PLF a introduit une série de mesures qui concerne la déclaration en douane, notamment l’obligation faite au déclarant de souscrire la déclaration par voie électronique, sur la base des documents numériques et d’effectuer la signature électronique de la déclaration, conformément à la législation en vigueur.
Samira Ghrib