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Les achats compulsifs : Le CHU de Tizi-Ouzou se penche sur une addiction méconnue

Les marchés et espaces commerciaux grouillent de monde et les ventes vont bien, particulièrement en ce mois de Ramadan et surtout à l’approche de l’Aïd El Fitr, ce qui est un comportement normal, mais qui peut cacher une addiction lorsqu’il est excessif et qu’il n’y a pas de contrôle vis-à-vis des achats et des dépenses effectués, selon des psychiatres. « Acheter pour acheter », ou trouble des achats compulsifs, appelé aussi fièvre acheteuse, est le fait d’acheter des choses dont on n’a pas spécialement besoin, un comportement qui traduirait, selon des spécialistes, un mal-être et une addiction, et ceux qui en souffrent ressentent un certain bien être après avoir effectué un achat. Une étude réalisée par une équipe de psychiatre du Centre hospitalo-universitaire (CHU) Nedir Mohamed de Tizi-Ouzou, composée des Pr. Abes Ziri et Ouramdane Toudert, ainsi que des Dr. Sofiane Zeggane, Kamel Benour et Amel Moukah, présentée au 22e congrès national de psychiatrie (2 mars dernier), explique que les addictions comportementales (ou addiction sans substance) se caractérisent par « l’impossibilité de contrôler un comportement et sa poursuite malgré la survenue de conséquences négatives ». Les addictions comportementales sont d’origine multifactorielle. « Il existe des facteurs de prédispositions génétiques (héritabilité estimée de 40 à 60% pour les troubles addictifs), mais aussi d’autres facteurs de risque individuels (sexe, âge, traits de personnalité, notamment), selon la même étude. L’étude cite aussi l’échec scolaire, les événements de vie stressants, les traumatismes physiques et psychiques et la violence familiale. A ce propos, Pr. Abes Ziri, chef de service psychiatrie-addictologie du CHU Nedir Mohamed a expliqué que, dans le cas de l’oniomanie, le besoin irrésistible de faire des achats, qui est d’essence pathologique, la tension interne ressentie par l’individu ne s’atténue qu’après la réalisation de l’achat, qui s’accompagne d’un soulagement, même si l’acte d’achat lui-même est peu ou pas nécessaire à la personne ». Interrogé sur l’augmentation de l’activité commerciale à certaines périodes de l’année tel que le Ramadan, cet enseignant chercheur Hospitalo-Universitaire à la faculté de médecine de l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, a souligné l’absence de rapport entre les achats compulsifs et les habitudes d’achats durant le mois du jeûne. « Durant le mois de Ramadan, on observe un certain nombre d’habitudes qui rentrent dans le cadre de comportement socioculturel et gastronomique. Les citoyens en jeûnant cèdent à leurs envies, ce qui explique certains écarts et liberté d’achats en augmentant les quantités et en variant les produits », a-t-il expliqué. Et d’ajouter: « tant que ses achats ne nuisent pas au fonctionnement familial, professionnel et personnel, ils sont considérés comme normaux ». Les achats compulsifs, par contre, se voient tout au long de l’année. Il s’agit d’un comportement qui n’est pas spécifiquement lié aux occasions festives ou foires ou aux anniversaires, a insisté Pr. Ziri. ==L’oniomanie touche plus les femmes que les hommes== L’étude sur les troubles comportementaux révèle que cette pathologie psychiatrique touche beaucoup plus les femmes que les hommes, le sexe ratio étant de 9/1 (9 femmes affectées contre un homme seulement dans un groupe de 10). La prévalence de la maladie au sein de la population est de 5% et elle affecte beaucoup plus les jeunes, notamment ceux âgés entre 30 et 40 ans, selon la même étude selon laquelle, la prise en charge de ce trouble exige des psychothérapies individuelles, des groupes de soutiens et un accompagnent de l’entourage du patient. Pour le traitement de l’oniomanie, les spécialistes préconisent également l’utilisation d’anti dépresseurs si cette addiction est liée à une dépression ou à une forte anxiété, ainsi que le recours à la psychothérapie classique, ou à la Thérapie congnitivo-comportementale (TCC), à des séances de relaxation et à la thérapie de groupe. Ces thérapies permettent à l’individu d’identifier les causes qui sont à l’origine de ses achats incontrôlables et le « manque » qu’il cherche à combler à travers ce comportement, a-t-on fait savoir. Des activités alternatives telles que le sport et la pratiques d’autres loisirs, se faire accompagner par un proche pour son shopping, sont aussi conseillés. Le chef de service psychiatrie a observé que « les méthodes de marketing ont pour but de produire et d’agir sur le comportement des consommateurs », ce qui encouragent parfois les achats excessifs. Il a ajouté que « les gens se rendent compte de leurs comportements d’achats excessifs par leurs dépenses élevées et non vitales et leurs conséquences sur leur équilibre budgétaire qui peut se répercuter sur le fonctionnement de la famille ». « Le gaspillage peut être engendré par ces achats excessifs, inconsidérés, voire inutiles, d’où l’importance de gérer les dépenses avec rigueur, nécessité et utilité », a-t-il noté.

APS

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