Visite du président du Rwanda en Algérie : Une totale convergence de vues
Dans un contexte géopolitique africain marqué par de multiples défis sécuritaires et économiques, la visite officielle du président rwandais Paul Kagame en Algérie, les 3 et 4 juin 2025, illustre la volonté des deux pays de consolider leurs relations bilatérales et de peser davantage sur les questions continentales. Cette rencontre au sommet, qui fait suite aux discussions entamées en décembre 2024 à Nouakchott en marge d’un sommet mauritanien, s’inscrit dans une dynamique de rapprochement entre l’Algérie et les pays d’Afrique de l’Est, particulièrement avec le Rwanda qui s’est imposé comme un modèle de stabilité et de croissance économique sur le continent.
Au terme de leurs entretiens au siège de la Présidence de la République à Alger, les deux chefs d’État ont présidé la signature de plusieurs accords et mémorandums d’entente couvrant un large éventail de secteurs stratégiques. Ces accords concernent notamment les télécommunications, l’entrepreneuriat, l’innovation, la communication numérique, la promotion de l’investissement, l’industrie pharmaceutique, la formation professionnelle, l’agriculture et l’élevage, l’enseignement supérieur, la recherche scientifique, les services de transport aérien, la coopération judiciaire et policière, ainsi que l’exemption de visa pour les détenteurs de passeports diplomatiques et de service.
Lors de la déclaration conjointe à la presse, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a mis en avant « la convergence de vues entre les deux pays sur plusieurs questions régionales et internationales, ainsi que leur attachement au principe de règlement pacifique des conflits et leur rejet des ingérences étrangères dans les affaires du continent africain ». Le chef de l’État a précisé avoir eu de « riches » entretiens avec son homologue rwandais concernant plusieurs domaines, dont « la coopération politique, sécuritaire et culturelle et les mécanismes de promotion des échanges commerciaux entre les deux pays ».
Sur le plan des questions régionales brûlantes, les deux dirigeants ont affiché une position commune sur plusieurs dossiers sensibles. Concernant le Sahara occidental, le président Tebboune a déclaré : « Nous avons échangé les vues sur les zones de tensions et de conflits en Afrique et souligné notre soutien au peuple sahraoui et à son droit à l’autodétermination à travers un référendum libre, régulier et juste, conformément aux décisions de la légalité internationale ». S’agissant de la question palestinienne, autre cause chère à la diplomatie algérienne, le président Tebboune a exprimé les préoccupations communes des deux pays : « Nous avons fait part de notre profonde inquiétude concernant la situation dans la bande de Ghaza et souligné la nécessité de mettre fin immédiatement à l’agression perpétrée contre le peuple palestinien et de garantir l’acheminement des aides humanitaires dans les plus brefs délais, outre le droit du peuple palestinien à l’établissement de son Etat indépendant sur les frontières de 1967 avec El-Qods comme capitale ».
La situation dans l’Est de la République démocratique du Congo, théâtre de tensions persistantes impliquant notamment le Rwanda, a également fait l’objet d’échanges entre les deux présidents. Le chef de l’État a souligné que sa rencontre avec son homologue rwandais a été l’occasion d’échanger les vues sur cette question sensible, précisant : « Nous avons réitéré notre plein soutien aux efforts en cours pour parvenir à une solution politique globale ». Cette approche diplomatique privilégiant le dialogue politique témoigne de la maturité des relations entre les deux pays, malgré les positions parfois divergentes sur certains aspects de la crise congolaise.
La crise soudanaise, qui déstabilise toute la région du Sahel et de la Corne de l’Afrique, a également été abordée. Le président Tebboune a évoqué « la nécessité d’activer le rôle de l’Union africaine pour parvenir à la solution escomptée », rappelant au passage la contribution significative du Rwanda aux efforts de maintien de la paix avec la participation de 6.000 éléments de l’Armée rwandaise à la mission de maintien de la paix au Soudan.
Sur le plan économique, le président de la République a salué les performances remarquables du Rwanda, soulignant « les efforts colossaux » déployés par ce pays pour relancer son économie, avec « une forte croissance de 8,3% l’année dernière et de 7,8% cette année », faisant du Rwanda « un modèle pour de nombreux pays africains », notamment « grâce à sa stabilité et à la préservation de la sécurité dans toute la région, malgré les souffrances endurées par le peuple rwandais, notamment durant les massacres ». Cette reconnaissance publique des performances économiques rwandaises illustre la volonté algérienne de s’inspirer des bonnes pratiques de développement sur le continent.
Les deux dirigeants ont également mis l’accent sur l’importance de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), instrument clé de l’intégration économique continentale. Le président Tebboune a souligné le soutien des deux pays à l’activation de cette zone, mettant en avant le rôle du Rwanda et l’importance de l’activation de l’Agence africaine du médicament, dont le siège est à Kigali. Cette coopération dans le domaine pharmaceutique revêt une importance particulière dans le contexte post-pandémique où l’autonomie sanitaire de l’Afrique est devenue un enjeu stratégique majeur.
De son côté, le président Paul Kagame a exprimé la satisfaction de son pays quant à l’évolution des relations bilatérales, indiquant avoir eu « des entretiens constructifs avec son homologue algérien, basés sur une amitié solide et profonde ». Il a particulièrement mis l’accent sur la dimension économique de cette coopération, précisant que « la présence diplomatique que nous souhaitons établir prochainement en Algérie, nous permettra de créer des opportunités pour consolider nos liens économiques et encourager un engagement accru de la part de notre communauté notamment d’hommes d’affaires ».
Le président rwandais a également salué le soutien de l’Algérie aux étudiants rwandais dans des domaines avancés telle que l’intelligence artificielle, remerciant le président Tebboune pour cette initiative qu’il a qualifiée de « véritable succès ». Cette coopération dans le domaine de l’enseignement supérieur et des nouvelles technologies témoigne de la volonté des deux pays de construire un partenariat tourné vers l’avenir et l’innovation.
Cette visite officielle, qualifiée de précieuse par le président Tebboune, s’inscrit dans une stratégie plus large de diversification des partenariats de l’Algérie sur le continent africain. Elle témoigne également de la reconnaissance croissante du rôle du Rwanda comme acteur incontournable de la stabilité et du développement en Afrique de l’Est. Les accords signés lors de cette visite ouvrent de nouvelles perspectives de coopération dans des secteurs clés de l’économie moderne, notamment les télécommunications, l’innovation technologique et l’industrie pharmaceutique, secteurs dans lesquels le Rwanda a développé une expertise reconnue.
Chokri Hafed