Inflation et mesures publiques pour préserver la cohésion sociale
Par Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités, expert international.
L’ONS , organe officiel du gouvernement, a dans son dernier rapport de septembre 2023 établi l’évolution de l’indice des prix de certains biens de consommation entre août 2001 et août 2023 sur une période d’environ 20 ans.
Les deux maladies apparentes du corps social sont l’inflation et le chômage que l’on ne combat par des mesures administratives bureaucratiques, alors que l’on doit s’attaquer à l’essence : le fonctionnement de la société. Comprendre le processus inflationniste en Algérie implique, à la fois, de le relier à l’inflation mondiale, aux équilibres macro-économiques et macro- sociaux internes, selon une vision pluridisciplinaire dynamique, à la répartition du revenu par couches sociales, l’évolution des salaires et traitements pour déterminer le pouvoir d’achat réel. C’est un problème complexe face auquel chaque gouvernement essaie de concilier l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale. Un problème qui ne touche pas seulement l’Algérie mais la majorité des pays comme en témoignent les nombreuses revendications salariales à travers le monde. Mais il existe une loi économique universelle, une Nation ne peut distribuer plus que ce qu’elle produit quitte à aller vers une dérive sociale et politique.
Évolution des prix
L’évolution de l’indice des prix à la consommation se calcule par rapport à la période précédente : à titre d’exemple un taux d’inflation, de 7% en 2023 rapporté à un taux d’inflation de 10% en 2022 donne un taux cumulé de 17 %. Selon l’ Office National des Statistiques, l’indice brut des prix à la consommation de la ville d’Alger enregistre une hausse de 2,2% en août 2023 par rapport à juillet, soit une variation légèrement supérieure à celle observée au même mois de l’année écoulée (+1,9% en août 2022 par rapport à juillet 2022). Entre août 2001 et aout 2023 , selon l’ONS dans son rapport de septembre 2023, nous avons l’évolution suivante de l’indice des prix à la consommation. Pour les viandes et poissons devenu incessible pour le revenu entre le SMIG qui est 20.000 et même la tranche 50.000 80.000 dinars net par mois nous avons l’évolution suivante de l’indice,( en kg) – la viande de mouton est passé de 501,33 DA à 2520,73 DA soit une croissance de 503% ; le foie de mouton de 905,75DA à 4752,44DA soit une croissance de 525% ; le poulet évidé entier de 190,37 à 467,44 DA soit une croissance de 246%; œuf ( unité) de 6,30 à 20,02 DA soit une croissance de 307%. ; toujours en kg le prix en détail de la sardine fraiche passe de 88,16 DA à 653,77DA soit une croissance de 743% ; le rouget de 462,10 à 2380,55 DA soit une croissance de 515%; le merlan de 468,43 à 2262,47DA soit une croissance de 483%; la crevette rouge de 607,52 à 3818,82DA soit une croissance de 608% Pour les légumes nous avons l’évolution suivante : en kg, l’oignon sec l’indice passe de 14,72 à 53,48 DA soit une croissance de 360% ; la tomate normale de 23,39 à 140,13DA soit une croissance de 608% ; la salade laitue de 42,45 à 231,40 DAsoit une croissance de 545%; la courgette verte de 43,68 à 155,45 soit une croissance de 357%; l’haricot vert de 50,59 à 296,01 soit une croissance de 580% ; le poivron long vert de 47,03 à 172,49 soit une croissance de 367% ; le concombre de 30,43 à 141,63 soit une croissance de 467%; l’auberge longue de 21,81 à 125,74 soit une croissance de 572% Pour les fruits devenus inaccessible pour le faible et moyen revenu nous avons : en kg, l’indice du raisin blanc passe de 48,42 à 202,90 soit une croissance de 419% ; le raison gros noir de 57,99 à 285,99 soit une croissance de 493% ; la poire muscade de 48,08 à 388,47 soit une croissance de 595% ; les figues fraiches de 76,45 à 409,65 soit une croissance de soit une croissance de 538% ; la pastèque verte gros calibre de 22,93 à 111,206 soit une croissance de 485% Pour les autres produits en kg dattes déglet nour l’indice passe de 171,40 à 908,91 soit une croissance de 531% . Pour d’autres produits recensés entre 2001/2023 par l’ONS nous avons , en kg , la figue sèche en vrac de 171,40 à 2113,70 soit une croissance de 1235% ; la pomme de terre blanche de 27,36 à 66,04 soit une croissance de 242% , la pomme de terre rouge de 24,11 à 57,50 soit une croissance de 238% ; la farine lactée Bc de 250 grammes de 145,00 à 373, 64 soit une croissance de 258% ; le biscuit sec de 330 grammes de 37,43 à 120,23 soit une croissance de 374%. Pour les produits du textile, électroménagers, pièces détachées, produits informatiques (uniquement entre 2001/2023 entre 100 et 300% ) sans compter les produits scolaires qui connaissent la même tendance haussière à titre d’exemple cité par l’ONS le slip de coton (unité), l’indice passe de 92,25 à 261,67, soit une croissance de 284%, le moulin à café électrique de 917,14 à 3943,48 soit une croissance de 430% ; pour l’énergie dont les factures d’ électricité et de gaz ont plus que triplé durant cette période la bouteille de gaz de 13 kg est passé de 1700,00 à 5500,00 soit une croissance 323% de et pour terminer la rétrospective de l’ONS, la tasse de café à table, l’indice est passé de 14,17 à 50,20 soit une croissance de 292% . Pour le FMI après correction des données algériennes tenant compte des prix réels sur le marché de 1970 à fin 2022, la moyenne de l’inflation a été de 8,8% par an et durant cette période le taux d’inflation aurait été de 6969,61% où un bien de consommation qui coûtait 100 dinars en 1970 ,à fin décembre 2022 coûte 7069,01 dinars. En plus des factures d’électricité, de l’eau, du loyer, on peut se demander comment un ménage qui perçoit un revenu qui varie entre 30.000/50.000 dinars, peut-il survivre, s’il vit seul, en dehors de la cellule familiale, qui, par le passé, grâce au revenu familial, servait de tampon social ? La question du pour voir d’achat se pose donc avec acuité. Mais attention à la vision populiste : doubler les salaires sans contreparties productives entraînera une dérive inflationniste, un taux supérieur à 20% qui pénaliserait les couches les plus défavorisées, l‘inflation jouant comme distributeur au profit des revenus spéculatifs.
Mesures pour améliorer les revenus
Le décret présidentiel n° 21-137 fixe le salaire national minimum garanti à 20.000 dinars mensuel depuis le 1er juin 2021. En fonction du cours moyen de l’année, euro/dinar nous avons l’évolution suivante du Smig en Algérie : 2001- 8000 dinars représentant 117 euros ; 2005, 10.000 dinars soit 101 euros ; 2010 – 15.000 dinars soit 145 euros ; 2015 -18.000 dinars soit 168 euros ; 2022 -20.000 dinars soit 127 euros (source country economy.com). Mais ce montant a une signification limitée car il faudrait pour avoir le salaire réel introduire le montant des transferts sociaux : exemple avoir un logement social est à 3 millions de dinars alors que le prix sur le marché est de 7/8 millions de dinars constituant une rente pour les bénéficiaires ,expliquant les corruptions. Afin de préserver le caractère social de l’Etat , il a été prévu une augmentation moyenne des salaires de la Fonction publique de 4.470 dinars, touchant 2,8 millions de fonctionnaires et contractuels, l’incidence financière étant de de 340 milliards de dinars, le ministre des Finances ayant donné la masse salariale globale qu’il a estimé à 4.629 milliards de dinars représentant 47,39% du budget de fonctionnement. Par ailleurs, il y a eu l’exonération de l’IRG (Impôt sur le revenu global) de tous les salaires de moins de 30.000 dinars ayant bénéficié selon l’APS à 6,5 millions de citoyens. Toujours pour assurer la cohésion sociale , le gouvernement a consacré pour 2023 un montant de transferts sociaux non ciblés et généralisés , estimés à 5000 milliards de dinars , l’équivalent de 36,49 milliards de dollars, soit 28,24% du PIB mais des subventions non ciblées injustes, celui qui perçoit 200.000 dinars par mois bénéficiant de ces subventions au même titre que celui qui perçoit 20.000/30.000 dinars. Pour l’emploi contrairement à certains discours, le défi est là. Selon la majorité des organisations internationales et de experts nationaux et internationaux, (pas les experts organiques vivant de la rente, rappelons-nous leurs discours triomphants sur l’adhésion de ‘l’Algérie aux BRICS ) l’Algérie soit avoir un taux de croissance sur plusieurs années de 8/9% par an largement supérieur à la croissance démographique pour créer 350.000/400.000 emplois nouveaux/an pour les cohortes de nouveaux demandeurs d’emploi qui s’ajoute à ceux qu’il faut créer pour absorber letaux de chômage. Le Directeur général de l’emploi et de l’insertion au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, a fait savoir, le 01 mai 2023 que le nombre total des bénéficiaires de l’allocation chômage dont le montant a été revu à la hausse 15.000 dinars à compter du 01 janvier 2023, a atteint 1.929.000 à avril 2023 et la banque mondiale pour 2022 estimait le taux de chômage à 14,9% contre 14,5% en 2021 .On ne crée pas d’emplois par décret ou des décisions administratives pouvant conduire à une grave dérive sociale à terme, car ce taux de chômage inclut les emplois rente et les sureffectifs dans les administrations et entreprises publiques. Opter pour la solution de facilité pour calmer le front social étant la création d’emplois dans les administrations ne contribue pas à la croissance économique. Le pouvoir d’achat dépend avant tout de la production et de la productivité. Selon les données contenues dans la Déclaration de politique générale du Gouvernement, l’Algérie connaît une relative stabilisation financière grâce au cours élevé des hydrocarbures qui représentent avec les dérivées ( comptabilisées à 67% dans la rubrique hors hydrocarbures en 2022 selon les statistiques douanières) 98% des recettes en devises, et un endettement extérieur relativement faible moins de 3 milliards de dollars , un endettement public global en croissance d’ environ 60% du PIB , des réserves de change d’environ 73 milliards de dollars qui pourrait atteindre à fin 2023 et 82/83 milliards de dollars y compris les 173 tonnes d’or, dont l’once connaît d’importantes fluctuations. Les importations de biens de bon nombre de produits biens finis et biens intermédiaires connaissent des tensions, accroissant le processus inflationniste , sont estimées pour 2023 à 41,5 milliards de dollars non compris les services qui ont fluctué entre 2021/2022 de 6/7 milliards de dollars/an, nous approchant de 50 milliards de dollars, À une moyenne de 80/85 dollars le baril et 11/12 dollars le MBTU du gaz, les recettes d’hydrocarbures devraient fluctuer entre 47/53 milliards de dollars fin 2023 contre 60 en 2022 année au cours de laquelle le cours du pétrole avait atteint 106 dollars et 15/16 dollars le MBTU pour le gaz. Sur le plan macroéconomique, le gouvernement prévoit une croissance de plus de 5% en 2023,et pour les organisations internationale BM/FMI, «le PIB devrait s’établir à 200 milliards de dollars en 2023, le gouvernement donnant un autre montant 233 milliards de dollars et le taux de croissance réel devrait croître, selon le FMI de 3,8% en 2023 (3,1% en 2024) contre 2,3% en 2023 pour la Banque mondiale dans leurs derniers rapports ,un écart de 1,7% entre les deux institutions .
En conclusion, de nombreux défis attendent l’Algérie avec l’accroissement de la population algérienne qui a évoluée ainsi :1960 11,27, – 1970 14,69, -1980 19,47, -1990 26,24, -2010 à 37,06, au 01 janvier 2023 plus de 45 millions et d’ici 2030 serait de 51,026 millions d’habitants. ( voir étude pour la présidence de la république sous la direction du Pr Abderrahmane Mebtoul Pression démographique , inflation et évolution salariale (4 volumes 560 pages .2008) L’Algérie a d’importantes potentialités pour faire face tant aux besoins internes qu’ aux tensions géostratégiques entre 2024/2025/2030. Aussi, pour son développement, s’impose la concrétisation des réformes institutionnelles et économiques, nécessitant une mobilisation générale, un large front national, tenant compte des différentes sensibilités et un discours de vérité pour un sacrifice partagé.