Dessalement : Un savoir-faire algérien est né
L’Algérie franchi une étape décisive dans sa quête d’indépendance hydrique grâce à une stratégie ambitieuse de dessalement d’eau de mer.
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a inauguré hier l’usine de dessalement « Cap Djinet 2 » dans la wilaya de Boumerdes, marquant ainsi la concrétisation d’un programme national d’envergure destiné à renforcer la sécurité hydrique du pays. Une nouvelle réalisation qui s’inscrit dans le cadre d’une série d’inaugurations d’infrastructures stratégiques de dessalement initiée depuis le 20 février dernier, lorsque le président avait démarré sa tournée par l’usine de Cap Blanc dans la région d’Aïn Kerma à Oran, suivi de celle de Fouka à Tipaza et De Koudiat Eddraouech dans la wilaya d’El Tarf.
Lors de la cérémonie d’inauguration, le président Tebboune a exprimé sa fierté devant cette réalisation nationale : « Nous ne pouvons qu’être fiers et nous enorgueillir de ce que nos filles et nos fils ont accompli en Algérie. En peu de temps, ce projet a été réalisé par des mains algériennes et je les remercie… Les remercier ne suffit pas pour ce qu’ils ont accompli, comme je remercie tous les responsables de ces projets et ils ont fondé une véritable école algérienne dans le domaine du dessalement de l’eau de mer. » Après avoir suivi des présentations techniques sur le déroulement et la réalisation de l’usine de dessalement de Cap Djinet 2, le président Tebboune a affirmé : « Je répète ce que j’ai déclaré récemment lors de l’inauguration des trois usines de dessalement qui ont précédé celle de Cap Djinet 2, c’est un sentiment extraordinaire alors que nous accomplissons un devoir pour lequel nos martyrs bien-aimés se sont sacrifiés pendant la révolution de libération. Aujourd’hui, nous concrétisons leurs rêves, surtout en ce mois de mars, le mois des martyrs durant lequel la plupart des dirigeants de la glorieuse révolution sont tombés en martyrs. » Le président a poursuivi : « Comme nous sommes dans le contexte des célébrations commémorant le 70e anniversaire du déclenchement de la glorieuse révolution de libération, nous devons lier les événements et les réalisations pour nous rappeler ce qu’ont fait nos vertueux prédécesseurs qui ont affronté les armées les plus puissantes pendant la révolution de libération. Nous ne pouvons — Dieu merci — qu’être fiers et nous enorgueillir de ce qu’ont accompli les bras de nos fils et filles de notre noble pays. » Le président de la République a salué à cette occasion « la réalisation purement nationale » des usines de dessalement d’eau de mer, affirmant à cet égard que « l’étude est algérienne, la réalisation est algérienne, et les techniciens, les cadres et les travailleurs sont tous algériens », soulignant que cette réalisation, achevée dans un délai record (26 mois), est « le rêve de tout Algérien ». Le chef de l’État a également souligné que le lancement des usines de dessalement d’eau de mer et leur concrétisation sur le terrain « ont fondé une école algérienne dans la réalisation de projets », ajoutant dans le même contexte que ces projets stratégiques qui voient le jour aujourd’hui constituent un modèle à suivre « dans la réalisation de grands projets ». À cette occasion, le président de la République a adressé ses félicitations aux citoyens pour cette réalisation colossale, réaffirmant que la satisfaction des besoins des citoyens à travers tout le territoire national est sa « préoccupation principale ». Il a rappelé dans ce contexte que la réalisation des usines de dessalement d’eau de mer est venue pour éviter les conséquences de la rareté des pluies et des eaux souterraines, indiquant que la wilaya de Boumerdes, qui « a souffert d’une sorte de retard pendant la période de la tragédie nationale dans les années 1990, commence aujourd’hui à bénéficier de différents projets de développement ». En conclusion, le président de la République a renouvelé ses remerciements à tous les cadres et travailleurs pour « tout ce qu’ils ont fait » dans la concrétisation de ce projet, affirmant que « c’est là le chemin que nous avons tracé dès le début, consistant à rattraper le déficit enregistré dans tous les domaines afin de rejoindre les pays émergents et développés, et nous sommes sur la bonne voie. »
L’Algérie en tête des pays africains
L’usine de Cap Djinet 2 représente la cinquième installation de dessalement d’eau de mer inaugurée par le président Tebboune depuis mi-février. Cette infrastructure, qui s’étend sur une superficie de 18 hectares, est dotée d’une capacité de production de 300 000 mètres cubes par jour et permettra d’assurer l’approvisionnement en eau potable non seulement des habitants de la wilaya de Boumerdes mais également des wilayas limitrophes. La cérémonie s’est déroulée en présence de plusieurs hauts responsables, notamment le ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale, Chef d’État-major de l’Armée nationale populaire, le Général d’Armée Saïd Chanegriha, le ministre d’État, ministre de l’Énergie, des Mines et des Énergies renouvelables, Mohamed Arkab, ainsi que d’autres ministres et autorités locales. Ce vaste programme national de dessalement, décidé par le président de la République, comprend au total cinq grandes stations réparties dans les wilayas d’El Tarf (Koudiet Eddraouche), de Béjaïa (Tighremt-Toudja), de Boumerdes (Cap Djinet), de Tipasa (Fouka) et d’Oran (Cap Blanc). Chacune de ces installations dispose d’une capacité de production identique de 300 000 mètres cubes quotidiens, pour un investissement global avoisinant les 2,4 milliards de dollars.
Grâce à ce programme ambitieux, l’Algérie se positionne comme le premier pays africain et le deuxième dans le monde arabe après l’Arabie Saoudite en termes de capacités de production d’eau dessalée. La capacité totale nationale atteindra 3,7 millions de mètres cubes par jour, couvrant ainsi 42% de la demande nationale en eau potable. Dans un entretien accordé au magazine « El Djeich » publié en mars 2025, le ministre d’État, ministre de l’Énergie, des Mines et des Énergies renouvelables, Mohamed Arkab, a détaillé la vision stratégique algérienne dans ce domaine : « La stratégie de l’Algérie dans le domaine du dessalement d’eau de mer vise à localiser les principaux composants des stations de dessalement au niveau national, ce qui permettra à l’Algérie d’atteindre l’indépendance technologique et industrielle dans ce domaine. »
Souveraineté hydrique
Le ministre Arkab a précisé que cette vision, inspirée des orientations du président Tebboune, s’articule sur le long terme autour de « la réalisation d’une souveraineté hydrique complète » grâce notamment à « la localisation de la fabrication des membranes d’osmose inverse qui permettra à l’Algérie d’atteindre l’indépendance technologique et industrielle dans ce domaine stratégique. » La stratégie nationale ne s’arrête pas à la simple production d’eau, mais intègre une approche globale visant à maximiser les retombées économiques et environnementales. Ainsi, l’Algérie prévoit d’augmenter l’utilisation des énergies renouvelables dans le fonctionnement des stations de dessalement, avec un objectif d’atteindre 30% d’énergie solaire, ce qui contribuera à réduire les coûts énergétiques et l’empreinte carbone. Un autre aspect innovant concerne l’exploitation de la saumure résultant du processus de dessalement dans les industries minières, notamment pour l’extraction du lithium utilisé dans les batteries de véhicules électriques. Cette approche s’inscrit dans une logique d’économie circulaire et d’intégration dans l’économie verte à travers la production d’hydrogène vert à partir d’eau dessalée, renforçant ainsi la transition énergétique du pays. Pour concrétiser cette vision d’indépendance technologique, la Société Algérienne de l’Énergie (filiale du groupe Sonatrach) a entamé des pourparlers avec de grandes entreprises internationales pour la localisation des composants des stations de dessalement. Des accords de partenariat ont déjà été signés avec des acteurs internationaux, notamment la société allemande « Port Energy Logistic » pour la production locale de membranes d’osmose inverse. Le ministre Arkab a également souligné l’importance de la dimension académique de cette stratégie, avec la signature d’accords de partenariat avec les universités et centres de recherche nationaux pour développer des solutions innovantes et former des compétences spécialisées dans le domaine du dessalement d’eau de mer. L’objectif est de développer des technologies adaptées aux spécificités algériennes et de préparer une nouvelle génération d’experts. Ces projets d’envergure, réalisés en un temps record grâce à des compétences nationales, reflètent un exploit sans précédent dans l’histoire du pays. Comme l’a affirmé le ministre Arkab, le dessalement d’eau de mer est devenu « un pilier fondamental » de la stratégie gouvernementale visant à garantir la sécurité hydrique nationale, où « le ministère de l’Énergie, des Mines et des Énergies renouvelables, en collaboration avec diverses instances, joue un rôle central dans la mise en œuvre de cette vision. » La mise en service des cinq nouvelles stations portera le nombre total d’installations de dessalement dans le pays à 19, augmentant la capacité productive nationale de 2,2 millions à 3,7 millions de mètres cubes d’eau par jour. Cet accomplissement démontre l’engagement de l’Algérie à assurer une gestion durable et souveraine de ses ressources hydriques et à consolider sa position parmi les pays leaders mondiaux dans l’industrie du dessalement d’eau.
Samir Benisid