Culture

La diva du Tindi Badi Lalla s’éteint à l’âge de 88 ans: La gardienne éternelle du patrimoine musical targui nous quitte

C’est avec une profonde tristesse que le monde de la culture a appris la disparition de Badi Lalla, icône majeure de la musique targuie et ambassadrice infatigable du patrimoine immatériel du Sahara algérien. Décédée lundi à Tizi-Ouzou à l’âge de 88 ans des suites d’une longue maladie, celle que l’on surnommait affectueusement « la diva du Tindi » laisse derrière elle un héritage musical inestimable et un vide immense dans le paysage culturel national. La dépouille de l’artiste sera rapatriée vers Tamanrasset, sa ville natale, où elle reposera dans cette terre du Hoggar qu’elle a tant chantée et fait découvrir au monde entier à travers son art. Née en 1937 à Ain Guezzam sous le nom de Badi Lalla Bent-Salem, cette figure emblématique du Grand Sud aura consacré plus de sept décennies de sa vie à la préservation et à la promotion du Tindi, cette expression musicale ancestrale qui constitue l’une des manifestations les plus authentiques de la culture touarègue. Initiée dès l’âge de 10 ans aux secrets de cet art traditionnel, elle en est rapidement devenue l’une des interprètes les plus respectées, avant d’en révolutionner la pratique en introduisant des instruments modernes tout en préservant l’essence spirituelle et l’authenticité de cette tradition séculaire. Le ministère de la Culture a tenu à saluer la mémoire de cette artiste d’exception dans un communiqué officiel, soulignant son parcours remarquable et son rôle déterminant dans la sauvegarde du patrimoine musical targui : « Badi Lalla est considérée comme l’une des figures les plus marquantes de la musique touarègue, ayant combiné le tindi traditionnel et moderne, et est devenue une ambassadrice de cet art sur la scène mondiale. Elle a apporté de nombreuses contributions qui ont aidé à mettre en lumière le patrimoine touareg, et a voyagé à travers l’Europe pour participer à des spectacles avec les artistes de « Tinariwen » et des musiciens touaregs ».

Considérée comme une pionnière du genre Tichoumaren, communément appelé « Blues Touareg », Badi Lalla a su transcender les frontières des genres musicaux, créant des ponts entre tradition et modernité. Son premier album, publié tardivement en 2017 alors qu’elle avait déjà 80 ans, témoigne de cette vision novatrice qui lui a permis d’élargir l’audience de cette musique tout en préservant son âme profonde. Véritable passeuse de mémoire, elle a contribué à transmettre aux jeunes générations un patrimoine musical qui, sans elle, aurait risqué de sombrer dans l’oubli.

Sa voix, à la fois suave et rocailleuse, était devenue l’incarnation sonore du désert algérien, portant jusqu’aux scènes internationales les plus prestigieuses la poésie ancestrale touareg. Reconnue bien au-delà des frontières nationales, celle que beaucoup considéraient comme la « mère spirituelle des Touaregs » a marqué les esprits lors de collaborations mémorables, notamment avec le célèbre groupe Tinariwen lors d’un concert inoubliable à Paris. Toujours vêtue du Tisseghnest traditionnel, elle incarnait avec une dignité et une fierté remarquables l’identité culturelle de son peuple.

Le wali de Tamanrasset, Mohamed Boudraâ, a tenu à adresser ses condoléances aux proches de la défunte ainsi qu’à toute la famille artistique de la wilaya, reconnaissant l’immense perte que représente la disparition de cette figure tutélaire pour la région et pour tout le pays. Car au-delà de sa dimension artistique, Badi Lalla était également une ambassadrice culturelle qui a fait rayonner le patrimoine algérien à travers ses nombreux voyages et participations à des festivals internationaux, contribuant ainsi au dialogue des cultures.

L’Algérie perd aujourd’hui non seulement une grande artiste, mais aussi une gardienne vigilante et passionnée d’un art traditionnel que ses voyages et ses prestations ont fait connaître au monde entier. Son engagement sans faille pour la préservation du legs artistique séculaire targui et sa capacité à le faire évoluer tout en respectant son essence profonde font de Badi Lalla une figure dont l’influence continuera longtemps à inspirer les nouvelles générations d’artistes algériens.

Mohand S.

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