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Ali Mokrani, sociologue des organisations et membre de la famille El Mokrani : « La déportation a entrainé un déracinement et une fracture extrêmes »

Propos recueillis par ChokriHafed

Quel a été l’impact de cette déportation sur les familles et leurs descendants ?

L’année de Mokrani « comme la qualifie l’historien Louis Rhin  » qui correspond à sa révolution en 1871 a marqué l’histoire de la déportation en Nouvelle Calédonie, de part le nombre et les personnalités déportés. Le chef de la révolution Sidi Ahmed Boumezrag El Mokraniainsi que d’autres personnalités importantes étaient dans le lot à destination du bagne àl’issue des cours d’assises à Constantine en 1874.

Contrairement à ce que pense les Algériens, Sidi Boumezrag El Mokrani n’a pas laissé une descendance en Nouvelle Calédonie.Je crois que la question de l’impact de cette déportation sur les familles et leurs descendants sera essentiellement celle d’une fracture qui a entrainé un déracinement d’une extrémité primitive entre la mère patrie et son peuple.Séparation, déracinement, éloignement représentent une situation terrible qu’ont vécu les déportés algériens en Nouvelle Calédonie.

Il faut savoir que les conditions de déportation étaient diaboliques. Un itinéraire 21.000 KM pour environ 06 mois de bateau représentaient une double peine. Certains y perdaient la vie, sans oublier les maladies et notamment la santé morale à partir du moment oùl’inconnu les attendait.

Je crois que la déportation n’a pas eu un impact réel sur les familles des déportés restés en Algérie et de ce fait échappées de la déportation puisqu’il s’agit selon mon point de vue d’un fort instinct de survie qui peut nous laisser à un moment de faiblesse indifférent même pour les personnes qui nous sont chères.D’autant que ces même familles des déportés ont été déportées à leur tour au sein de l’Algérie suivant une mobilité géographique qui tentait de réduire ce qui restait des résistants.

A titre d’exemplema famille a été exilée de Bordj Bou-Arréridj à la zaouia d’El Hamel près de Boussada.On parlera dans l’histoire du recueil du Chikh Mohamed Ben Belkacem El Kacimi El Hamili dequelque 70 familles des Mokrani. J’aurai le plaisir de rebondir sur cette déportation importante puisqu’il s’agit principalement des fils de l’émir des moudjahidine Mohmed el Mokrani et d’une partie de leurs cousins.J’attire l’attention des lecteurs que la loi du Sénatus consulte du 22 Avril 1863 a servi comme étant une feuille de route afin de procéder à l’éloignement des populations résistantes ou de leurs alliés, autrement dit les recaser sur des terres arch spoliées justement au nom de la loi suscitée.

A contario, les descendants de la déportation en général ont eu à subir un impact négatif relatif essentiellement à la problématique identitaire.Ils sontnés déboussolés et sans repère. Ils ont grandi en observant leurs parents et grands parents pour certains, disparaître en silence, sans doute de l’amertume de la déportation.

Cette descendance a résisté contre vents et marées. En effet, malgré les mariages mixtes ainsi que les différents programmes de socialisation qui accélère le phénomène d’acculturation, certains ont réussià conserver leur religion ainsi que leurs traditions et leur culture.On peut voir des mosquée, des cimetières et des mariages selon la tradition musulmane.

Y a-t-il eu des démarches pour retrouver les déportés et leurs descendants à travers le monde ?

Malheureusement je ne pourrai être exhaustive et claire quant aux efforts fournis pour retrouver les déportés de la colonisation.D’abord, il est presque quasi impossible de retrouver des déportés de par leur âge.Je peux citer, dans ce sens, l’expérience du sociologue algérien, Hadj sadok, en 1984.Les difficultés sont liées principalement à l’éloignement du lieu de la déportation.

Que peut-on faire à haut niveau pour accompagner les démarches pour renouer avec les enfants de ces déportés ?

Je crois qu’il y a une bonne volonté de la part des autorités du pays puisque nous avons assisté récemment au rapatriement des cranes de résistants algériens. J’aimerais que les hautes autorités du pays mettent en place une équipe de recherche chargée de faire un état des lieux sur les descendants des déportés afin de les recenser dans un premier temps et de leur octroyer pourquoi pas la nationalité algérienne dans un second temps. L’idée est celle relative à traiter la problématique des déportés algérienspar la science et avec méthode.

Vous entreprenez de créer une fondation, pouvez-vous nous en dire un peu plus notamment sur ses objectifs ?

Actuellement, entre membres de la famille et quelques amis , le projet de créer une fondation El Mokrani est en phase de maturation.L’idée est portée essentiellement par des jeunes.J’ai l’intention personnellement d’inscrire dans l’avenir dans les priorités de ce nouveau né la question des déportés de la colonisation.

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