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Terrorisme, conflits, insécurité alimentaire et trafic de drogue : La bombe sahélienne

La situation au Sahel se complique au regard de la propagation des activités des groupes terroristes sur fond d’instabilité chronique. 

Il est loin le temps où le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et le l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), les deux principales organisations terroristes qui sèment actuellement le chaos au Sahel, voulaient travailler de concert pour instaurer un califat dans la région, sur le modèle de celui mis en place pendant un temps en Irak et en Syrie par l’Etat islamique de Abou Bakr Al Baghdadi. Depuis quelques mois, leurs éléments respectifs se livrent une guerre de territoire sans merci en Afrique de l’Ouest. Des accrochages entre les deux groupes terroristes ont lieu régulièrement au Mali, au Burkina Faso et dans le nord du Nigéria. L’organe de propagande de l’Etat islamique dans le Grand Sahara diffuse régulièrement ces derniers jours des vidéos montrant des éléments du  Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, dirigé par le targui Iyad Ag Ghali, faire allégeance à Abu al-Bara al-Sahraoui, le chef de l’EI.

Bien évidemment, la lutte se joue avant tout sur des enjeux locaux (Contrôle des territoires et des populations). Cependant, elle est également portée par la rivalité mondiale entre les maisons mères des deux groupes terroristes : celle créée par Abou Bakr Al-Baghdadi et celle héritée par Ayman Al-Zawahiri, le successeur de Ben Laden. Cette guerre ouverte va de fait aggraver la situation des populations du Sahel déjà grandement éprouvées par une multitude de facteurs.  

Cette année, la région est confrontée simultanément à des conflits, au climat, à l’impact économique de la Covid-19 ainsi qu’à la montée en flèche des prix des denrées alimentaires et du carburant. Au moins 12,7 millions de personnes souffrent gravement de la faim dans le G5 Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Mauritanie et Tchad). Selon le Programme alimentaire mondiale (PAM), il s’agit de trois fois plus qu’en 2019. Parmi ces plus de 12 millions de personnes menacées par la faim, 1,4 million sont en situation d’urgence (IPC4). De plus, six millions d’enfants devraient souffrir de malnutrition aiguë cette année et des millions d’autres sont menacés. Tout cela a lieu au moment où de nombreux pays connaissent un important boom démographique comme c’est le cas du Niger.

En plus de ces nombreuses crises, la région est devenue une véritable plaque tournante du narcotrafic. Les récentes et colossales saisies de cocaïne en Côte d’Ivoire, au Cap-Vert, au Sénégal, en Gambie, en Guinée-Bissau ou au Bénin, plus aucun pays côtier d’Afrique de l’Ouest ne semble épargné par le  trafic de drogue massif. Mais il n’y a pas que ces pays qui sont touchés par le narcotrafic. Le Mali, le Burkina Faso et les Niger en souffrent également dans la mesure où les principales routes de la drogue en Afrique les traversent.  Des plus alarmants, ce constat fait du Sahel une  véritable bombe à retardement sécuritaire, démographique et économique.

C’est un fait, le démantèlement par les Occidentaux du régime de Mouammar El Gueddafi explique pour beaucoup la situation que connaît aujourd’hui le Sahel. La destruction de la Libye a provoqué un   vide sécuritaire qui a permis la prolifération de groupes terroristes et installé le Sahel dans une instabilité durable. La région est même  devenue au fil du temps l’un des plus importants foyers de terrorisme dans le monde, surclassant ainsi en termes d’attentats terroristes l’Irak ou la Syrie. Une situation contre laquelle la France et ses alliés occidentaux n’ont rien pu faire, même avec leurs armées  suréquipées.   Le fait que l’EIGS, l’GSIM, Boko Haram parviennent aujourd’hui à mener des opérations dans le nord du Togo et au Cameroun confirme l’idée que le terrorisme progresse. Si au nord du Sahel des pays comme l’Algérie ont les moyens de faire face à la menace, ce n’est pas le cas des pays de l’Afrique de l’Ouest ou de l’Afrique centrale où l’Etat islamique a d’ailleurs aussi installé des cellules. Une situation qui impose de fait de changer d’approche et de dépasser l’approche du tout sécuritaire. La prise en compte des facteurs liés au traitement de l’instabilité politique et du sous-développement économique est plus que jamais de mise. 

Khider Larbi

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