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Taïwan : Washington ouvre la boîte de Pandore

 «Laissez donc la Chine dormir, car lorsque la Chine s’éveillera le monde entier tremblera», aurait conseillé Napoléon en 1816. Ce conseil a été malheureusement ignoré par les États-Unis malgré les avertissements du président chinois Xi Jinping qui a pourtant recommandé la semaine dernière à son homologue américain Joe Biden de ne pas jouer avec le feu. Le « mal » est désormais fait. La visite, mardi, de la présidente de la Chambre des représentants américaine Nancy Pelosi à Taïwan va certainement provoquer dans un proche avenir un changement d’approche de la part de Pékin des relations sino-américaines qui aura des conséquences géopolitiques importantes et surtout imprévisibles.

Même si des responsables américains se rendent régulièrement sur l’île, la Chine juge en effet que le déplacement de Mme Pelosi, responsable de haut rang, est une provocation majeure dans la mesure où elle remet en cause le principe de la Chine unique sur lequel Pékin et Washington s’était pourtant mis d’accord durant les années 70. Il n’est pas faux de penser, donc, que l’entêtement de la numéro 3 du pouvoir américain à vouloir se rendre coûte que coûte sur l’île chinoise va aggraver les tensions dans la région. Les premiers qui en payeront le prix sont bien évidemment les Taïwanais.   

Pékin compte d’ores et déjà punir Taïwan sur le plan économique. Le ministère chinois du Commerce a ainsi annoncé des sanctions, dont une suspension de l’exportation vers Taïwan de sable naturel – un composant clé dans la fabrication de semi-conducteurs, l’une des principales exportations de l’île. Les douanes chinoises ont suspendu aussi l’importation des agrumes et de certains poissons de Taïwan. Pékin ne compte bien évidemment pas en rester là. Les Chinois compte vraisemblablement placer l’île sous embargo jusqu’à l’étouffement.

Le ministère chinois de la Défense a ainsi promis des « actions militaires ciblées », avec une série de manœuvres militaires autour de l’île qui commenceront aujourd’hui, dont « le tir à munitions réelles de longue portée » dans le détroit de Taïwan, qui sépare Taïwan de la Chine continentale. Ces exercices « constituent une mesure nécessaire et légitime afin de répliquer aux graves provocations de certains politiciens américains et des indépendantistes taïwanais », a déclaré à la presse Hua Chunying, une porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Selon les coordonnées publiées par l’armée chinoise, une partie des opérations militaires doivent avoir lieu à 20 kilomètres des côtes de Taïwan. « Certaines des zones des manœuvres de la Chine empiètent sur (…) les eaux territoriales de Taïwan », a déclaré le porte-parole du ministère taïwanais de la Défense, Sun Li-fang. Mais la Chine « répliquera avec vigueur » si l’armée taïwanaise cherche à perturber ses exercices militaires, a déclaré hier soir à la presse une source anonyme au sein de l’armée chinoise. «  Si les forces taïwanaises viennent volontairement au contact de (l’armée chinoise) et viennent à tirer accidentellement un coup de feu, (l’armée chinoise) répliquera avec vigueur et ce sera à la partie taïwanaise d’en assumer toutes les conséquences », a-t-elle précisé. Le ton est donc donné par Pékin qui aura à cœur de montrer que l’on ne joue pas avec sa souveraineté nationale et l’intégrité territoriale.  

Dans son bras de fer avec les États-Unis, la Chine peut compter sur le soutien de son allié russe. Moscou estime que la Chine a le droit de prendre les « mesures nécessaires pour protéger sa souveraineté », qualifiant de « provocation évidente » la visite à Taïwan de la présidente de la   Chambre américaine des représentants. « La partie chinoise a le droit de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa souveraineté et son intégrité territoriale concernant le problème de Taïwan », a déclaré Sergueï Lavrov, le ministère russe des Affaires étrangères. Il a qualifié la visite de Mme Pelosi à Taïwan de « provocation évidente » visant à contenir la Chine. « Nous exhortons Washington à s’abstenir d’actions qui sapent la stabilité régionale et la sécurité internationale et à reconnaître la nouvelle réalité géopolitique, dans laquelle il n’y a plus de place pour l’hégémonie américaine », a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères. Sergueï Lavrov n’a pas tort de dire qu’en se rendant à Taiwan, Nancy Pelosi à ouvert la boîte de Pandore. Désormais tout est possible.

Khider Larbi

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