Plafonnement des prix du pétrole russe : Va-t-on vers un nouveau choc pétrolier ?
S’achemine-t-on vers un baril à 380 dollars ? La décision prise vendredi par le G7 concernant un plafonnement des prix du pétrole russe ressuscite les pires craintes quant à l’avenir du marché pétrolier, fortement déstabilisé par de nombreux facteurs, à l’approche d’une réunion cruciale de l’Opep+.
Les facteurs géopolitiques continuent de lourdement peser sur les marchés pétroliers. Déjà minés par l’exclusion d’une partie de la production en raison de conflits qui minent certains pays, comme c’est le cas en Libye ou de l’Iran, soumis aux sanctions occidentales, l’approvisionnement du marché pétrolier risque d’être soumis à de plus grandes pressions en raison de la récente décision du G7 de plafonner le prix du pétrole russe. Si le débat est d’ores et déjà ouvert sur l’applicabilité d’une telle mesure, les craintes grandissent quant à l’impact d’une décision qualifiée par les Russes « d’absurde », surtout si ces derniers décident de prendre des contre-mesures qui pourraient affecter le marché pétrolier.
Pour l’heure les marchés pétroliers semblent ne pas encore avoir pleinement absorbé l’effet de l’annonce. Mais cela pourrait vite évoluer en raison de nombreux facteurs.
Les cours ont fini en petite hausse vendredi, malgré les craintes grandissantes quant à une récession induite par le resserrement monétaire opéré par les grandes banques centrales. Le fait est que le blocage du dossier relatif au nucléaire iranien par Washington alimente les inquiétudes des marchés sur les approvisionnements, à deux jours de la réunion de l’Opep+ prévue demain et qui pourrait aboutir, si ce n’est à un maintien des quotas actuels, à une décision pour la baisse de la production. Il est vrai que l’Opep a affiché ses craintes quant à une dégradation des perspectives économiques mondiales et donc une baisse de la demande de brut. Aussi, les membres de l’organisation basée à Vienne n’ont pas caché leur prédisposition à prendre les mesures nécessaires pour s’adapter aux fondamentaux du marché quitte à réduire la production.
Un baril à 380 dollars ?
L’annonce du G7 intervient donc à un moment où le marché est soumis à de nombreuses incertitudes et risque de n’ajouter de l’incertitude sur la direction que ce dernier prendra au cours des prochains mois. Mais ce qui suscite le plus les interrogations, ce sont les contre-mesures que la Russie pourrait prendre pour contrer le plafonnement des prix qui doit prendre effet dans le cadre du 6e paquet de sanctions occidentales. D’ailleurs, l’effet de ces sanctions sur le marché gazier et des contre-mesures prises par Moscou n’est pas sans rappeler l’effet boomerang des sanctions occidentales.
Dans ce sens, la banque d’affaires américaine JP Morgan a averti au mois de juillet dernier contre l’effet d’une telle mesure. Elle avait ainsi indiqué que « si le G7 parvenait effectivement à plafonner le prix du pétrole russe, comme il le souhaite, Moscou, en représailles, est tout à fait en capacité de réduire sa production de pétrole de 5 millions de barils par jour sans que cela ne provoque de dommages excessifs sur son économie », mais pourrait pousser les cours vers des niveaux inédits.
JP Morgan a également averti que ce nouveau plan de sanction contre la Russie pourrait se retourner contre eux et qu’il s’agit-là du risque « le plus évident et le plus probable. » Et d’avertir qu’une riposte du Kremlin provoquerait un emballement historique des prix du pétrole qui pourraient atteindre le niveau « stratosphérique » de 380 dollars le baril, selon les calculs de la banque, qui ne croit pas à une récession mondiale.
En attendant, Moscou a averti contre l’impact des mesures de rétorsion dans le secteur de l’énergie. Le ministre russe de l’Énergie, Nikolaï Choulguinov a indiqué vendredi que les restrictions unilatérales que les pays occidentaux ont imposées à la Russie provoquent des perturbations de l’approvisionnement énergétique et des hausses des prix de l’énergie dans le monde. M. Choulguinov a noté qu’il ne serait possible de surmonter la crise qu’en éliminant ses causes profondes, ce qui nécessitera de restaurer les chaînes d’approvisionnement énergétique et d’établir une politique énergétique et climatique équilibrée. Il a indiqué que son pays ne livrerait pas de pétrole et de produits pétroliers aux pays soutenant ce plafonnement, la Russie n’entendant pas en fournir dans des conditions hors marché. La messe est dite …
Samira Ghrib