Actualité

Les lois sur l’information, la presse écrites et électroniques ainsi sur l’audiovisuelle transmises au Parlement : De nouvelles règles pour les médias

Trois projets de loi relatifs au secteur des médias, celui sur l’information, la presse écrite et électronique, ainsi que celui dédié à l’audiovisuel, ont atterri à l’Assemblée populaire nationale (APN).

L’exécutif a finalement adressé à l’APN les trois projets de loi relatifs au secteur des médias. Le principal, la Loi organique relative à l’information, comporte plusieurs changements par rapport au code en vigueur depuis 2012. De primes abords, il met en conformité la loi avec les dispositions de la constitution de 2020 notamment son article 54 qui évoque « le droit de fonder des journaux et toute autre publication sur simple déclaration » et « le droit de créer des chaînes télévisuelles, radiophoniques et des sites et journaux électroniques dans les conditions fixées par la loi ». A cet effet, selon l’article 6 du projet de loi relatif à l’information, « l’activité de presse écrite ou électronique est soumise à une déclaration déposée auprès du ministre chargé de l’information ». Par contre, la création d’une chaîne de télévision ou service radiophonique passe par un « agrément » délivré par le même ministère (article 8). Cette disposition (agrément) concerne également les « services audiovisuels via internet », en d’autres termes les web TV. Dans le présent projet, l’exécutif a fait en sorte pour « protéger » le secteur de l’influence de l’argent en y fixant les règles de financement.

Financement et gestion

Un aspect qui a déjà été partiellement pris en charge dans la loi en vigueur. Ainsi, selon l’article 9, « les publications sont tenues de déclarer et de justifier, auprès du ministre en charge de l’information ou de l’autorité de régulation de l’audiovisuel, selon la nature de l’activité, leur disposition d’un capital exclusivement national, l’origine des capitaux investis et les fonds nécessaires à leur gestion, selon législation et à la réglementation en vigueur ». Un léger changement par rapport à la loi de 2012 qui énonce que « les publications périodiques sont tenues de déclarer et de justifier l’origine des fonds constituant leur capital social et ceux nécessaires à leur gestion ». Cependant, le chapitre 10 relatif à l’ « aide et à la promotion de la presse », avec son article 127 stipulant que « l’Etat octroie des aides à la promotion de la liberté d’expression notamment à travers la presse de proximité et la presse spécialisée », présent dans le texte de 2012, a été supprimé. Les dispositions liées aux « aides matérielles » et « financement étranger » ont été par contre reprises avec un léger renforcement. A cet effet, « tout organe d’information bénéficiant d’une aide matérielle de quelque nature qu’elle soit doit être liée organiquement à l’organisme donateur ». Par ailleurs, « tout financement ou aide matérielle directe et indirecte de toute partie étrangère est interdit » (dans la loi de 2012, il était question seulement d’aide matérielle étrangère).

Contrôle renforcé

Sur un autre plan, les trois projets de loi renforcent le poids de l’exécutif dans le secteur. A cet effet, le texte relatif à l’information prévoit, dans son article 34, la mise en place d’un « Conseil supérieur de l’éthique et de la déontologie du journalisme » composé de 12 membres. Six d’entre eux sont désignés par le président de la République alors que les six autres sont élus par leurs pairs parmi les journalistes éditeurs adhérents des organisations professionnelles agréées ». Dans la loi de 2012, il est mentionné, dans son article 94, qu’ « il est créé un Conseil supérieur de l’éthique et de la déontologie du journalisme, dont les membres sont élus par les journalistes professionnels ». Un Conseil qui, néanmoins, n’a jamais été mis en place. Idem pour ce qui est de l’Autorité de régulation de la presse écrite (jamais instituée aussi) qui est, selon la loi de 2012, composée de 14 membres, dont trois désignés par le Président de la République, deux (non parlementaires) proposés par le président de l’APN, deux (non parlementaires) proposés par celui du Conseil de la nation et sept « élus à la majorité absolue parmi les journalistes professionnels justifiant d’au moins quinze (15) ans d’expérience dans la profession ». Dans le projet de loi relatif à la presse écrite et presse électronique, il est question d’une autorité de régulation composée de neuf membres, désignés par le Président de la République sur proposition du Premier ministre, tout comme c’est le cas pour l’autorité de régulation de l’audiovisuel.

Journaliste et journaliste professionnel

Certains autres aspects sont nouveaux par rapport au texte en vigueur. Si la loi de 2012 évoque seulement le « journaliste professionnel », l’actuel projet de loi relatif à l’information énonce deux statuts, celui de « journaliste », disposant d’une carte de presse qui lui sera délivrée par son employeur, et de « journaliste professionnel », qui, lui, sera muni de la « carte nationale de journaliste professionnel ». Ce dernier doit disposer d’un diplôme d’étude supérieur en relation avec le journaliste et trois années d’expérience, ou un diplôme supérieur autre, mais avec une formation dans le journalisme et une expérience de cinq années. La différence entre les deux statuts n’a pas été précisée, le législateur s’étant contenté de renvoyer à un texte futur, le statut du journaliste qui sera promulgué ultérieurement. Autre disposition non moins vague et qui peut être interprétée différemment celle relative à la clause de conscience. Il est stipulé dans l’article 26 que « en cas de changement d’orientation de l’organe de presse, le journaliste professionnel peut rompre le contrat.Ceci est considéré comme un licenciement abusif ouvrant droit aux indemnités prévues par la législation et la réglementation en vigueur ». Une disposition destinée à préserver le journaliste et sa liberté d’expression et d’opinion. Cependant, l’article en question reste trop vague sur le sens du concept de « changement d’orientation » qui n’est pas explicite et ne reprend pas les définitions et précisions faites par bon nombre de pays et d’organisations ou de fédérations de journalistes à travers le monde. Point positif le texte intègre des dispositions relatives au renforcement de la protection des journalistes dans l’exercice de leurs missions, notamment contre les atteintes physiques et morales auxquelles ils pourraient être exposés. Cependantil y a lieu de noter que ce projet de loi, comme d’ailleurs la loi en vigueur datant de 2012, même s’il dispose de tout un chapitre relatif à la protection du journaliste (articles 23 à 33) ne reprend pas la disposition constitutionnelle stipulant que « le délit de presse ne peut être sanctionné par une peine privative de liberté » (article 54). Par ailleurs, un changement a été apporté par rapport au « secret professionnel ». Si la loi de 2012 énonce que « le secret professionnel constitue un droit pour le journaliste et pour le directeur responsable d’un média, conformément à la législation et à la réglementation en vigueur », le présent projet « lève » ce secret devant le juge. Pour finir, pour ce qui est des « des infractions commises dans le cadre de l’exercice de l’activité journalistique », les montants des amendes a fortement augmenté, passant d’un maximum de 500 000 dinars, pour les infractions relatives à des opérations de « prête-noms », dans la loi en vigueur, à 2 000 000 de dinars, pour la même infraction et également celle relative à des aides matérielles et financement étranger dans ce projet présenté à l’APN.

Elyas Nour

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *