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Face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales : Les huit axes de la transition énergétique en Algérie

Par Dr. Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international, directeur des étudesau ministère de l’Énergieet à la Sonatrach (1974/1979-1990/1995-2000/2008-2013/2005) et président de la commission de la transition énergétique des 5+5+ Allemagne de la société civileen2019.

Quels sont les neufdéterminants du cours des hydrocarbures ?

Aucun expert ne peut prévoir au-delà de 2025 l’évolution des cours, du fait des importantes nouvelles mutations du modèle de consommation énergétique lesquelles sont l’élément central de la détermination des cours.Le second déterminant que l’on peut citer c’est le respect des accords de l’OPEP sur l’offre de pétrole. Pour ce qui est du gaz, il est utopique pour l‘instant de parler d’un marché mondial de gaz, plus de 65% étant des marchés régionaux segmentés se faisant par canalisation. Au sein de l’OPEP,l’Arabie Saoudite est le seul pays producteur au monde actuellement qui est en mesure de peser sur l’offre mondiale, et donc sur les prix, tout dépendant d’une ententeentre l’Arabie Saoudite et la Russie dans le cadre de l’OPEP+ pour déterminer le prix plancher.Troisièmement: l’un des plus grands producteurs mondiaux d’hydrocarbures grâce au pétrole et gaz de schiste, sontles USA oùdu côté de l’offre, nous assistons à une hausse plus rapide que prévu de la production de pétrole (non conventionnel)qui a bouleversé toute la carte énergétique mondiale, étant passé de 5 millions de barils/jour de pétrole à un niveau fluctuant entre 8,5 et plus de 10 millions de barils jour entre 2018/2021. Les Etats-Unis, importateur par le passé, sont devenus le plus grand producteur de pétrole brut (tenant compte de la consommation intérieure) devant l’Arabie Saoudite et la Russie. Selon The Telegraph, les Etats-Unis devraient pénétrer fortement le marché mondial avec des quantités sans précédent de gaz naturel liquéfié (GNL) 30 projets sont en cours de réalisation, grâce au gaz et le pétrole de schiste pesant ainsi sur le marché mondial du GNL. Quatrièmement: l’on doit tenir compte du conflit en Ukraine qui a bouleversé toute la carte énergétiqueavec la décision du G7 plus l’Australiede plafonner prixdu pétrole russe transporté par voie maritime à60 dollarsle baril depuis décembre 2022 et ainsi que des prix des dérivéesde pétrole russe à compterde février 2023, ainsi quela décision récente de la commission européenne de plafonner le prix du gaz à180 dollars le mégawattheure. Certes ces plafonnements n’ont de chance de succès que si ces prix se rapprochent de ceux du marchémais cela remet en causela stratégie expansionniste russe avant ces conflits,à travers le North Stream et le South Stream d’une capacité de plus de 125 milliards de mètres cubes gazeux pour approvisionner l’Europe, représentant plus de 45%de la demande européenne avant les tensions.Avec le conflit actuelces canalisations fonctionnent en sous capacités,, la demande européenne ayant fortement baissé en 2022, plus de 46% , expliquant d’ailleurs les tensions énergétiques en Europe,la Russiese tourne actuellementvers l’Asieet cède son gaz à laChine et l’Inde à des prix préférentiels ,le projet canalisation Sibérie Chinedevant mettre plusieurs années avant son exploitation . Cinquièmement: il faut prévoir le retour à terme, sur le marché de la Libye, sous réserve d’une stabilisation politique , avec ses réserves de 42 milliards de barils de pétrole etplus de 1500 milliards de mètres cubes gazeux, pour une population ne dépassant pas 6,5 millions d’habitants, pouvantfacilement produireplusde 2 millions de barils/jour ;le retour de l’Irak,pouvant aller vers plus de 7 millions/jour etde l’Iran, s’il y a accord sur le nucléaireayant des réserves de 160 milliards de barils de pétrole lui permettant d’exporter entre 4/5 millions de barils jour, sinon pluset possédantle deuxième réservoir de gaz traditionnel mondial, plus de 35.000 milliards de mètres cubes gazeux, derrière la Russie 45.000 et avant le Qatar20.000.Sixièmement: les nouvelles découvertes dans le monde en offshoreen Méditerranée orientale (20.000 milliards de mètres cubes gazeux expliquant en partie les tensions au niveau de cette région,et en Afrique dont le Mozambique ( plus de 4000 milliards de mètres cubes gazeux)qui pourrait être le troisième réservoir d’or noir en Afrique.Septièmement: les politiques de la transitionénergétique seront déterminantes pour un nouveau modèle de consommation énergétique mondial qui influera sur les prixdes hydrocarbures transitionnels.D’ici 2030/2035, les investissements prévus dans lecadre de la transition énergétiqueUSA/ Chine/Europe/Inde devraient dépasserles 4000 milliards de dollarsetles grandes compagnies devraient réorienter progressivement leurs investissements dans ces segments rentables à terme. Les USA/Europe représentent actuellement plus de 40% du PIB mondial qui dépasse le seuil des 100.000 milliards de dollars en 2022,pour une population inférieure à un milliard d’habitants. Et siles Chinois, les Indiens et les Africains avaient le même modèle de consommation énergétique,il faudrait cinq fois la planètepour couvrir la demande. Huitièmement, : l’évolution des cotations du dollar et l’euro, toute hausse ou baisse du dollar, pouvant entraîner un écart de 10/15% dans les prix des hydrocarbures.Neuvièmement les stocks américains et souvent oubliés les stocks chinois pèsent sur l’évolution des cours.

Politique de transition énergétique 2023/2030

Face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales, il s’agit pour l’Algérie d’avoir une stratégie d’adaptation autour de huit axes.Le premieraxeest l’amélioration de l’efficacité induisent une forte consommation d’énergie dans le segment résidentiel, alors que les techniques modernes peuvent permettre d’économiser de40 à 50% de l’énergie consommée. Une nouvelle politique des prix s’impose renvoyant à une nouvelle politique dessubventions avec un ciblage qui remplacera les subventionsgénéralisés, injustes, occasionnantun gaspillage des ressources. Le deuxième axe est relatif à l’investissement en amont pour de nouvelles découvertes d’hydrocarbures traditionnels, tant en Algérie que dans d’autres contrées du monde,Sonatrach ayant une expérience internationale. Cela implique la débureaucratisation pourl’attrait de l’investissement étranger dans le cadre d’un partenariatgagnant- gagnant à des coûtscompétitifs.Le troisième axe, est lié au développement des énergies renouvelablesdevant combiner le thermique et le photovoltaïque, le coût de production mondial ayantdiminué de plus de 50% et il le sera plus à l’avenir.Avec plus de 3 000 heures d’ensoleillement par an, l’Algérie a tout ce qu’il faut pour développer l’utilisation de l’énergie solaire.Mais le soleil tout seul ne suffit pas. Il faut la technologie et les équipements pour transformer ce don du ciel en énergie électrique.Le programme algérienconsiste à installer une puissance d’origine renouvelable de près de 22 000 MW, dont 12 000 MW seront dédiés à couvrir la demande nationale de l’électricité et 10 000 MW à l’exportation, d’ici 2030, l’objectif étantde produire40% desbesoins internesen électricité à partir des énergies renouvelablesalors qu’en 2021, cela représenteseulement1% donc nécessitentd’importants financements etune nette volonté politique de développer cette filière.Le quatrième axe, selonla déclaration de plusieurs ministres de l’Énergie entre 2013/2021, selon laquellel’Algérie compte construire sa première centrale nucléaire en 2025 à des fins pacifiques, pour faire face à une demande d’électricité galopante. Les réserves prouvées de l’Algérie en uranium avoisinent les 29 000 tonnes, c’estde quoi faire fonctionner deux centrales nucléaires d’une capacité de 1 000 Mégawatts chacune pour une durée de 60 ans.Le cinquième axe est lié aux hydrocarbures non conventionnels. Selon les études américaines,l’Algérie possède le troisième réservoir mondial de pétrole-gaz de schiste, environ 19 500 milliards de mètres cubes gazeux.Maiscelanécessite, outre un consensus social interne, de lourds investissements, la maîtrise des nouvelles technologies et des partenariats avec des firmes de renom.L’Algérie est un pays semi-aride, le problème de l’eau étant un enjeu stratégique, les autorités doivent opérer un arbitrage pour garantir la protection de l’environnement et la consommation d’eau douce, sachant que la production d’un milliard de mètres cubes gazeux nécessite 1 million de mètres cubes d’eau douce. Par ailleurs, l’on doitforer plusieurs centaines de puits pour 1 milliard de mètres cubes gazeux en tenant compte de la courte durée de vie d’un puits qui est de 5 années maximum.Le sixième axe, consiste en la redynamisation du projet GALSI, Gazoduc Algérie-Sardaigne-Italie, qui devait êtrereliéà la Corse etqui devait être mis en service en 2012, d’une capacitéde 8 milliards de mètres cubes gazeux d’un coût estimationde 2010 de 3 milliards de dollars, (voir conférence du Pr Mebtoul àla chambre de commerce en Corse reproduite par la télévision française France 3 où j’avais lors d’un déplacement en Sardaigne défendu ce projet ) . Le septième axe, estla réalisation du gazoduc Nigeria-Europe via le Niger et l’Algérie,les réserves duNigeria avoisinant 5000 milliards de mètres cubes gazeux,d’une capacité de 33 milliards de mètres cubes gazeux d’un coût estimé parune étude de 2020 de l’Union européenne, à 20 milliards de dollars.Le huitième axe, est le développement de l’hydrogène vert où l’Algérie présente des avantages comparatifs, en attendantl’opérationnalité des techniques qui ne sont pas encore mises au point , les Allemandsétant en avance dans larecherche. L’hydrogène vert reste l’énergie de l’avenir entre 2030/2040.

En conclusion, la future stratégie énergétique mondiale, à laquelle l’Algérie doit être attentive, étant une question de sécurité nationale, affecte les recompositions politiques à l’intérieur des États comme à l’échelle des espaces régionaux.

*Cette présente contribution, actualiséestune brève synthèsede la conférence que j’aidonnée le 08 juin 2021 à Alger, devant les représentant des pays de l’Union européenne –ambassadeurs, attachés économiques et politiques-qui est le prolongementde laconférence donnéele 19 mars 2019 à l’invitationde l’Ecole supérieure de guerre (MDN), et le même jourà l’invitation de l’ambassade des Etats Unis d’Amérique à son siège, Alger,de devant les attachés économiques de la majorité des ambassades accrédités à Alger,sur le thème l’impact du coursdes hydrocarbures sur les équilibres macroéconomiques et macro- sociaux de l’Algérie.

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