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Dépénalisation de l’acte de gestion : La concrétisation ?

Très attendu, le processus de dépénalisation de l’acte de gestion pourrait connaître un début de concrétisation dès les prochaines semaines.  La première étape relative à la refonte de certaines dispositions du Code pénal est d’ailleurs sur la table de l’Exécutif.

Le ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Abderrachid Tabi, a, en effet, présenté hier lors de la réunion hebdomadaire du Gouvernement un avant-projet de loi modifiant et complétant l’ordonnance N 66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal. Un texte qui a été examiné en première lecture et qui prévoit plusieurs nouveautés. Ce texte doit permettre à l’Exécutif d’opérer un tour de vis en ce qui concerne certaines dispositions pénales. Selon un communiqué de la Primature qui a sanctionné les travaux de la réunion, « ce projet de texte vise notamment à renforcer la protection de la société et de certaines catégories vulnérables, à améliorer la performance du service public de la justice et à désengorger le tribunal criminel par la correctionnalisation de certains crimes et l’aggravation d’autres crimes ».

En ce qui concerne le second volet relatif à la dépénalisation de l’acte de gestion, la même source souligne que le texte « vise également à protéger et à accompagner les gestionnaires et les investisseurs, à travers notamment la dépénalisation de l’acte de gestion et l’incrimination de l’entrave à l’acte d’investir ». Il est vrai que la dépénalisation de l’acte de gestion suscite le débat depuis de nombreuses années et notamment depuis la fameuse affaire Sider qui avait conduit injustement plusieurs cadres de l’entreprise devant les tribunaux et derrière les barreaux. Les dispositions sanctionnant pénalement « la mauvaise gestion » sont depuis une épée de Damoclès suspendue au-dessus des têtes des gestionnaires publics et entravent ainsi les initiatives des managers publics, en sus de faire obstacle à l’investissement et au développement au niveau local. Il est vrai qu’il y a quelques années, une première tentative de traiter la problématique avait conduit à un premier amendement du code pénal qui a empêché les autosaisies de la Justice et  accordé le privilège exclusif d’engager des poursuites pour les actes délictuels au seins des entreprises publics aux seuls organes de gestion de ces entreprises, autrement-dit leurs conseils d’administration. Ce qui a contribué à instaurer une forme d’impunité qui a conduit aux dérives que l’on connaît aujourd’hui. Or, au lendemain du Hirak, ces dispositions ont été annulées et une réflexion a été lancé sur la réforme de la gouvernance des entités publiques pour y asseoir plus de transparence. Or, entre-temps, les mêmes craintes ont ressurgi pour les managers publics, qui risquaient de faire face à des dénonciations calomnieuses anonymes. Ce qui a d’ailleurs nourrit un climat de peur et d’inertie. Une situation qui avait poussé le président de la République à très vite réagir pour remédier à la situation. C’est ainsi que dès la tenue de la Conférence nationale de la relance économique en août 2020, il s’était engagé à engager une réforme du code pénal et du code de commerce pour dépénaliser les actes de gestion et faire le distinguo entre les actes délictuels et les situations issues de simples erreurs. Il avait également adressé une instruction à tous les démembrements de l’État afin d’interdire d’engager des poursuites sur la base de lettres anonymes. Cependant, il manquait un cadre légal qui permettrait de protéger les managers et gestionnaires publics, tout autant que les opérateurs économiques, afin de libérer les initiatives et l’actes d’investir et de permettre un réel développement, notamment au niveau local.  Le défi était aussi d’engager un processus de dépénalisation de l’acte de gestion sans instaurer une situation d’impunité. C’est dans ce sens que la Haute Autorité de transparence et de lutte contre la corruption a été installé à l’été dernier laquelle déploie actuellement son réseau de veille.

Il va sans dire que la révision du code pénal n’est que l’une des étapes de ce processus. Il y a quelques mois, le ministre de la Justice et Garde des Sceaux a indiqué que la dépénalisation de l’acte de gestion repose sur la révision de plusieurs textes. Il avait ainsi évoqué la refonte de l’article 119 du Code pénal, certaines dispositions du Code du commerce et encore d’autres dispositions du Code de procédures pénales, ainsi que de l’article 2 de la loi sur la lutte contre la corruption. C’est dire que le processus risque encore de durer.

Hocine Fadheli

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