Face à l’hégémonie du dollar : Quelle stratégie pour la Banque des BRICS ?
Par Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités, expert international
Le prochain sommet des BRICS, est prévu du 22 au 24 août 2023 en Afrique du Sud qui exerce la présidence tournante.
Un sommet durant lequel sera décidé l’élargissement du groupe à de nouveaux membres, soit comme membres à part entière soit comme observateurs. Et contrairement à certaines supputations des réseaux sociaux, aucune décision n’a été prise. Un élargissement qui devra éviter, du fait des systèmes politiques et économiques différents des cinq pays des BRICS, de privilégier l’idéologie et le politique , ce qui ne pourrait qu’ entraîner des divergences, voire une dislocation des BRICS, mais s’appuyer sur des critères économiques et sociaux objectifs avec un système de pondération, selon le PIB avec la structure des importations et exportations et les destinations par zones géographiques le PIB par tête d’habitant tenant compte de la pression démographique, le classement de l’Indice du développement humain du PNUD, les réserves de change et le niveau de l’endettement et pour l’ équilibre régional, des candidats par grands continents( voir le professeur Abderrahmane Mebtoul 21 juillet 2023 Dakar/Paris Financial Afrik). La puissance et les impacts dans les relations internationales se mesure au poids de l’économie, d’où l’importance de la stratégie future de la Nouvelle banque de développement (NBD), ou Banque des BRICS.
Lors du sixième sommet annuel, en 2014, les fondateurs des BRICS, la Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil et l’Afrique du Sud ont officialisé la création d’une banque commune la NDB, dont le siège est à Shanghai d’un fonds de réserve, visant à s’affranchir de la tutelle du dollar et des institutions de Bretton Woods mises en place après la deuxième Guerre mondiale (Fonds monétaire international et Banque mondiale), banque qui est dirigée actuellement par l’ex-présidente brésilienne, Dilma Rousseff. Lors de sa visite en Chine, le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a fait savoir que l’Algérie avait demandé officiellement à rejoindre la Nouvelle Banque de développement des BRICS, avec une première contribution à hauteur de 1,5 milliard de dollars. Cette banque avait été dotée d’un capital initial de 50 milliards de dollars, capital qui a ensuite été porté à 100 milliards de dollars dont la Chine détient plus de 40% du capital social . En février 2023, les réserves de change des BRICS est, selon les données du FMI, sont ventilées de la manière suivante : Chine 3133 milliards de dollars, Russie 1226 milliards de dollars, Inde 572 milliards de dollars, Brésil 344 milliards de dollars et Afrique du Sud 61 milliards de dollars soit au total 5336 milliards de dollars, la part de la Chine étant de 59,11%. Pour d’autres pays candidats au prochain sommet des BRICS soit comme membres ou observateurs les réserves de change sont pour : l’Arabie Saoudite de 458 milliards de dollars, l’Argentine 275 milliards de dollars ; le Mexique 206 milliards de dollars ; l’Indonésie 140 milliards de dollars; les Emiraties arabes unis 115 milliards de dollars; les Philippines 94 milliards de dollars; le Vietnam 85 milliards de dollars; la Turquie 74 milliards de dollars; -l’Iran 65 milliards de dollars, l’Algérie 64 milliards de dollars, le Nigéria 37 milliards de dollars; l’Egypte 34 milliards de dollars et l’Éthiopie 1,6 milliards de dollars. En comparaison, les réserves de change des banques centrales étaient selon le FMI à fin octobre 2022 autour de 12.000 milliards de dollars, alors qu’à fin 2021, il avait atteint le niveau de 12.920 milliards de dollars.
Une partie des réserves de la Banque des BRICS pourrait être concentrée, par l’émission d’emprunts sur le marché financier international afin de servir à la construction des infrastructures dans les BRICS. Les avantages de la Nouvelle Banque de développement tournerait autour de cinq axes directeurs : Premièrement , c’est sous l’impulsion des BRICS que le G20 a transformé le forum de stabilité financière en conseil de stabilité financière, les BRICS ayant soutenu le rapport sur les G-SIFI pour réduire les risques moraux des institutions financières systématiquement et globalement importants, les fonds de couverture, le shadow banking, les produits dérivés financiers des marchés offshore et les agences de notation ayant été ramenés pour la première fois sous la supervision ; deuxièmement, utiliser leurs devises étrangères afin de réduire le risque d’inflation et de rétrécissement de leur réserve de devises étrangères, et de mieux servir leurs économies réelles; troisièmement, les bénéfices que la banque de développement pourraient tirer de l’investissement dans les économies réelles et dépasseraient largement ceux que les banques centrales pourraient tirer de l’achat de bons du Trésor des pays développés, et l’investissement dans les infrastructures pourrait stimuler la demande intérieure de ces pays, entraînant la croissance économique; quatrièmement , la Nouvelle Banque de développement ferait la promotion de l’usage des monnaies nationales des pays membres, ce qui pourrait promouvoir le commerce intérieur et l’investissement réciproque de ces pays, réduisant ainsi la dépendance au dollar. Cinquièmement , au prochain sommet il serait prévu la mise en place d’un mécanisme de paiement durable pour le commerce bilatéral , des pays du BRICS, l’objectif à terme, pas dans l’immédiat étant la création d’une monnaie commune adossé à l’or dont les réserves sont pour la Russie 2327 tonnes, la Chine 2068, l’Inde 795 ; le Brésil 130, et l’Afrique du Sud 125 tonnes.
D’une manière générale, l’action des BRICS a permis de soulever des problèmes jusque-là ignorés par les pays développés dans un esprit dépassé de domination, comme le déséquilibre de l’économie mondiale, qu’il ne peut y avoir de développement global sans le développent et de prospérité de la majorité des pays en voie de développement, proposant de créer un partenariat global fondé sur le dialogue productif par une compréhension mutuelle et une coordination des efforts entre le Nord le Sud afin de résoudre les nombreux défis de notre monde. Mais il faut être réaliste sur un PIB mondial en 2022 dépassant les 100.000 milliards de dollars, les USA avec près de 25.000 milliards de dollars de PIB en 2022, pour une population d’environ 320 millions habitants reste la première puissance économique mondiale. L’Europe vient après la Chine avec un PIB de 19.100 milliards de dollars mais pour 1,4 milliard d’habitants) y compris la Grande Bretagne plus de 17.000 milliards de dollars de PIB pour une population inférieure à 600 millions d’habitants. Bien qu’en baisse , le dollar reste dominant dans les transactions internationales suivi de l’euro. Entre 2021/2022, selon les données du FMI du 28 avril 2023, la part du dollar, dans les paiements mondiaux s’élève à environ à 38 %, l’euro faisant jeu égal avec le dollar ; les avoirs de réserves de change sont d’environ 20 % pour l’euro tandis que celle du dollar américain se situait aux alentours de 60% et la part du dollar dans les réserves de changes mondiales est passée de 71% en 1999, à 58% en 2022, l’euro 20,5%, le yen 5,5%, la livre sterling 5% et le yuan chinois 2,7%.
Selon le FMI, sur un PIB nominal mondial qui est passé de 96.100 milliards de dollars en 2021 à plus de 100.000 milliards de dollars en 2022 le total du PIB des cinq pays des BRICS est de 27.700 milliards de dollars soit 27,7% du PIB mondial en 2022 pour une population de 3,2 milliards d’habitants. Avec les nouvelles adhésions, hypothèse de structure stable en 2022 par rapport à 2021, nous aurons un ratio de 33/34% du PIB mondial pour 50% de la population mondiale, dépassant le G7, environ 30/31%.Les Brics, accroissent leur part dans le commerce mondial qui a atteint en 2022, 32.000 milliards de dollars où la Chine représente 21,5% du commerce mondial , les importations de biens étant de 2.688,63 milliards de dollars et les services 441,31 milliards de dollars, les exportations de biens de 3.363,83 milliards de dollars et les services 392,19 milliards de dollars , les principaux clients de la Chine pour 2022 étant successivement : les USA avec 16,2%., l’ASEAN avec 15,8% et l’Union européenne avec 15,6%. Mais malgré le poids croissant des Brics. avec une démographie de 3,2 milliards d’habitants, le groupe ne dispose que de 15% des droits de vote à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international. L’avenir des pays des BRICS dépendra de son poids en référence à l’évolution de l’économie mondiale. La valeur d’une monnaie étant fonction de la production et des structure des taux de productivité, l’action de la Nouvelle Banque de développement traduit la volonté des BRICS d’une rénovation de leur gouvernance interne, favoriser le co- développement, se fondant sur le respect du choix du système politique et économique de chaque nation, tenant compte de son histoire et de son anthropologie culturelle.
A.M.