Culture

« Distance zéro » présenté au 12e FIOFA: Quand le cinéma devient acte de résistance au Festival d’Oran

La 12e édition du Festival international d’Oran du film arabe (FIOFA) a été marquée par un moment fort : la projection de la deuxième partie de la série de films « Distance zéro », une œuvre collective initiée par le réalisateur palestinien Rachid Mechharaoui. Intitulée « Distance zéro d’Oran à Ghaza », cette série de 11 courts métrages réalisés par 22 jeunes cinéastes vivant dans la bande de Ghaza s’impose comme le point d’orgue du festival, offrant un témoignage poignant et nécessaire des réalités vécues sous l’occupation israélienne.

Ces films, qui vont de « Maladh Djahim » (Havre de l’enfer) de Karim Satom à « Sahwa » de Mehdi Kerara, en passant par « 24 Heures » d’Alaa Damo et « Fragments » de Basil Mekouassi, offrent un panorama saisissant de la vie quotidienne à Ghaza. Ils capturent la résilience, la créativité et l’humanité des Palestiniens face à des conditions de vie extrêmement difficiles.

Chaque court métrage apporte sa pierre à l’édifice, révélant une facette différente de la réalité Ghazaouie. « Jad et Natalie » de Aoues El-Banna explore les relations humaines dans un contexte de conflit, tandis que « Recyclage » de Rabab Khamis met en lumière les stratégies de survie dans une économie asphyxiée. « Taxi et Nissa » de Iatimed Wichah offre un regard sur la condition féminine, et « Un chiffre » de Hana Aliwa humanise les statistiques souvent déshumanisantes du conflit. Lors du débat qui a suivi la projection, Rachid Mechharaoui a souligné l’importance cruciale de ces « contes palestiniens » dans le contexte géopolitique actuel : « La guerre est, aujourd’hui, une guerre de récits, d’histoires et d’images. Nous sommes mobilisés pour cette guerre et nous ne devons laisser aucun espace à l’entité sioniste pour relater son histoire erronée mise en scène et diffusée à travers le monde. »

Cette déclaration met en lumière le rôle vital du cinéma comme outil de résistance et de préservation de la mémoire collective. Face à la machine de propagande israélienne, ces jeunes réalisateurs palestiniens opposent leurs récits personnels, leurs expériences vécues, offrant au monde une perspective rarement vue dans les médias mainstream.

Le réalisateur a également évoqué les défis considérables de production de ces films, réalisés grâce au soutien de bénévoles, de donateurs et d’organisations, sans aucune condition. Il a mis en lumière les risques encourus par ces jeunes cinéastes dans leur quête de vérité et d’expression artistique, soulignant ainsi le courage et la détermination nécessaires pour faire du cinéma dans une zone de conflit. Cette série de films témoigne non seulement de la situation à Ghaza, mais aussi de la vitalité de la scène cinématographique palestinienne, capable de produire des œuvres de qualité malgré des conditions extrêmement difficiles.

Un festival qui donne voix aux sans-voix

Si « Distance zéro » a particulièrement marqué les esprits, le reste de la programmation du FIOFA 2024 s’inscrit dans la même lignée, offrant une plateforme à des voix souvent marginalisées dans le paysage cinématographique mondial. La compétition officielle des longs métrages a notamment présenté des œuvres traitant de sujets sociaux et humanitaires profonds. Le film tunisien « Un oiseau du paradis » du réalisateur Mourad Bencheikh a exploré les défis des relations interculturelles, tandis que le long métrage égyptien « Ikhtiyar Meriem » (Le choix de Meriem) de Mahmoud Yahia a sondé les dilemmes éthiques en temps de crise économique. Le film mauritanien « Thé noir » d’Abderrahmane Sissako a quant à lui posé un regard poétique sur l’exil et la découverte culturelle. La section documentaire a également brillé par sa diversité et sa profondeur. Du court métrage tunisien « Tayout » de Roaa Salah, qui explore les réalités de la contrebande à la frontière tuniso-libyenne, au film algérien « Tahtouh » de Mohamed Ouali, qui nous ramène 29 ans en arrière dans un village algérien marqué par le terrorisme, les réalisateurs ont su capturer des tranches de vie révélatrices des défis sociaux et politiques de la région.

Le FIOFA 2024 s’affirme ainsi comme bien plus qu’un simple festival de cinéma. Il devient un espace de dialogue interculturel, de réflexion politique et de découverte artistique. La diversité des œuvres présentées, tant en termes de genres que de pays d’origine, témoigne de la vitalité du cinéma arabe contemporain et de sa capacité à aborder des sujets complexes et souvent controversés. L’accent mis sur les documentaires et les films engagés comme « Distance zéro » souligne le rôle crucial du cinéma comme outil de témoignage et de transformation sociale. Dans un monde où l’image est omniprésente mais souvent superficielle, ces œuvres rappellent la puissance du cinéma à révéler des vérités profondes et à susciter l’empathie. Le festival d’Oran se positionne ainsi non seulement comme une célébration du 7ème art, mais aussi comme un espace de résistance culturelle et de réflexion sur les enjeux sociaux, politiques et humains qui façonnent le monde arabe contemporain. Il invite le public à dépasser les clichés et à plonger dans la complexité et la richesse des réalités arabes, un film à la fois. Le FIOFA 2024 prouve, s’il en était besoin, que le cinéma arabe, dans toute sa diversité et sa créativité, a encore beaucoup à offrir au monde, tant sur le plan artistique que sur le plan humain.

Mohamed Seghir

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