Blé dur : l’autosuffisance assurée pour 2026
L’Algérie franchit une étape décisive vers la sécurité alimentaire nationale avec des prévisions de récolte record qui promettent l’autosuffisance en blé dur dès 2026
Dans le contexte d’une politique agricole résolument tournée vers l’indépendance alimentaire, la campagne agricole 2024-2025 s’annonce exceptionnelle. Le ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Youcef Cherfa, a annoncé, lors du lancement officiel de la campagne de moisson-battage à Chlef, que « la production de blé dur attendue durant cette saison agricole permettra d’assurer l’autosuffisance nationale pour toute l’année 2026 et de ne plus recourir à son importation », a déclaré le ministre Cherfa. Cette déclaration marque l’aboutissement d’une stratégie pluriannuelle visant à réduire drastiquement la dépendance de l’Algérie aux importations céréalières, un objectif stratégique fixé par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune.
La performance remarquable de cette campagne agricole repose sur des fondements solides et une mobilisation sans précédent des moyens de production. Le ministre a qualifié cette campagne de « prometteuse », soulignant que les rendements obtenus dépassent toutes les attentes. Dans les wilayas du sud, la récolte a atteint des niveaux « excellents » avec des rendements « très prometteurs » dépassant les 55 quintaux à l’hectare et atteignant parfois 80 quintaux à l’hectare, témoignant de l’efficacité des nouvelles techniques agricoles adoptées et de l’expansion des surfaces irriguées.
Cette réussite s’étend également à l’orge, céréale stratégique pour l’alimentation du bétail. « Nous avons beaucoup évolué, et nous allons pouvoir couvrir une bonne période de l’année prochaine à partir de la production nationale », a précisé le ministre, ajoutant que la production de cette année sera « beaucoup mieux » que celle de l’année dernière, enregistrant une « cadence positive d’année en année ». Cette progression constante reflète l’efficacité des investissements consentis dans la modernisation du secteur agricole et l’amélioration des techniques culturales.
La diversification agricole accompagne cette montée en puissance céréalière. Le colza, cultivé sur une superficie globale de 21 000 hectares à l’échelle nationale, représente une avancée significative vers l’autosuffisance en huiles végétales. « Cette culture industrielle, dont les unités de trituration sont disponibles au niveau national, va renforcer la production de l’huile de table dans le pays », a expliqué Youcef Cherfa. Cette orientation s’inscrit dans une logique de substitution aux importations et de valorisation des ressources nationales.
L’introduction du soja constitue une autre innovation prometteuse, malgré une superficie encore modeste de 100 hectares pour cette première expérience nationale. Le ministre a souligné « la nécessité de réserver plus d’exploitations agricoles pour sa culture dans le but d’arriver à une production nationale assez confortable ». Cette culture présente un double intérêt : sa trituration pour la production d’huile et sa transformation en aliment pour bétail, répondant ainsi à deux besoins stratégiques de l’économie nationale.
La réforme du foncier agricole accompagne cette dynamique de croissance. Le ministre a annoncé « l’entame de l’assainissement du foncier agricole » grâce à une circulaire conjointe entre les ministères de l’Agriculture, des Finances et de l’Intérieur, permettant de « prendre en charge plus de 90 problématiques posées ». Cette initiative promet de « bonnes perspectives » pour le secteur, reconnaissant que « l’agriculteur est le seul à même de développer le secteur » tandis que « l’administration a un rôle de l’accompagner, l’assister et assurer la vulgarisation qu’il faut ».
Cette performance s’inscrit dans une stratégie nationale d’envergure qui vise des objectifs précis et ambitieux. Le président Abdelmadjid Tebboune a défini un calendrier strict : l’autosuffisance en blé dur en et en orge d’ici 2026. Cette vision s’accompagne d’un programme de réduction drastique des importations céréalières, avec une baisse prévue de 799 millions de dollars en 2024 à 378 millions de dollars en 2026, générant une économie substantielle de 421 millions de dollars pour le budget national.
L’expansion des surfaces irriguées constitue l’épine dorsale de cette transformation agricole. L’objectif d’augmentation des superficies irriguées de 345 000 hectares en 2024 à 800 000 hectares en 2025 témoigne de l’ampleur des investissements consentis. Cette expansion permettra de sécuriser la production et d’optimiser les rendements, particulièrement dans les régions sahariennes où plus d’un million d’hectares devraient être aménagés d’ici 2028.
La répartition stratégique des surfaces cultivées révèle une approche raisonnée et ciblée. Sur les 3,069 millions d’hectares alloués aux céréales cette année, 52% sont dédiés au blé dur et 32,5% à l’orge, concentrant les efforts sur les deux céréales où l’Algérie peut atteindre rapidement l’autosuffisance. Ces efforts s’accompagnent du développement d’infrastructures de stockage adaptées avec la construction programmée de 30 silos d’une capacité de 30 millions de quintaux et 350 centres de stockage intermédiaire, garantissant une meilleure conservation des récoltes et un approvisionnement régulier des marchés.
Les partenariats internationaux avec des entreprises qataries et italiennes enrichissent ce dispositif en apportant expertise technique et transfert de technologies, notamment dans les wilayas d’Adrar et Timimoun. Cette coopération technique permet d’optimiser les pratiques agricoles et d’accélérer l’adoption des innovations les plus performantes.
La campagne de moisson-battage 2024-2025 mobilise des moyens considérables avec plus de 2 000 moissonneuses-batteuses et 15 000 tracteurs déployés sur l’ensemble du territoire national. Cette mobilisation technique et humaine sans précédent illustre la priorité accordée par l’État à la réalisation des objectifs d’autosuffisance alimentaire, et la réduction de la dépendance aux importations.
Sabrina Aziouez
