Le mausolée de Massinissa sur la voie du patrimoine mondial
Dans les collines d’El Khroub, près de Constantine, un monument vieux de plus de deux millénaires pourrait bientôt rejoindre les rangs prestigieux du patrimoine mondial de l’UNESCO. Le mausolée du roi numide Massinissa fait l’objet d’une démarche ambitieuse portée par le ministère de la Culture et des Arts algérien, qui entend valoriser ce témoignage exceptionnel de la civilisation berbère antique. Jeudi dernier, une équipe de chercheurs du Centre national de recherche en archéologie s’est déployée sur le site pour entreprendre un diagnostic approfondi de l’état du monument, première étape cruciale vers une reconnaissance internationale.
Cette initiative s’inscrit dans une stratégie plus large de mise en valeur du patrimoine archéologique algérien, particulièrement riche en vestiges de l’époque numide. Farid Zaiter, directeur de la culture et des arts de Constantine, souligne l’importance de cette démarche qui vise à « préserver ce monument pour les générations futures et d’assurer sa sauvegarde en tant que symbole du patrimoine mondial ». L’ambition dépasse le cadre purement conservatoire pour embrasser une dimension identitaire forte, le responsable évoquant les « efforts du ministère de la Culture et des Arts visant à valoriser les mausolées royaux, en particulier le mausolée de Massinissa qui figure parmi les principaux monuments historiques de l’ère numide ».
Le mausolée de Massinissa, roi légendaire des Numides qui régna de 238 à 148 avant notre ère, représente bien plus qu’un simple monument funéraire. Il incarne la grandeur d’une civilisation berbère qui domina l’Afrique du Nord durant plusieurs siècles, jouant un rôle déterminant dans les équilibres géopolitiques méditerranéens de l’Antiquité. Massinissa avait su unifier les tribus numides et créer un royaume puissant s’étendant de l’actuelle Tunisie au Maroc. Son tombeau, édifié selon les canons architecturaux de l’époque, témoigne de cette grandeur passée et de la sophistication atteinte par l’art funéraire numide. Dr Wafia Adel, qui dirige l’équipe de chercheurs du CNRA, insiste sur la valeur exceptionnelle du site, qu’elle qualifie de « témoin unique de la civilisation numide, incarnant la profondeur des racines historiques de l’État algérien ».
Le processus de classement UNESCO exige une documentation scientifique rigoureuse que les chercheurs s’emploient désormais à rassembler. Dr Adel précise que le travail « se poursuit pour préparer un dossier scientifique intégré, étayé par des documents, des cartes, des photos et des résultats de recherches qui devraient assurer l’acceptation du classement par l’UNESCO ». Le dossier technique qui sera soumis à l’institution onusienne devra répondre aux critères stricts de l’UNESCO en matière de valeur universelle exceptionnelle. Les chercheurs s’attachent donc à collecter « toutes les informations historiques et archéologiques relatives au mausolée et son état actuel, y compris la date de sa construction et les rois qui y ont été enterrés, ainsi que les matériaux et les techniques utilisés pour sa construction ». Cette documentation exhaustive permettra aux experts internationaux d’évaluer la pertinence de la candidature algérienne.
L’enjeu dépasse largement le cadre patrimonial pour toucher aux questions de rayonnement culturel et de développement touristique. Un classement UNESCO constituerait une formidable vitrine pour l’Algérie, encore peu présente sur la carte du tourisme culturel international malgré la richesse exceptionnelle de son patrimoine archéologique. Le pays ne compte actuellement que sept sites inscrits au patrimoine mondial, un chiffre modeste au regard de son potentiel historique et culturel.
M.S.