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Révision  de l’accord d’association Algérie-UE : Au-delà des concessions à la marge

Lors de sa visite lundi à Alger, le président du conseil européen Charles Michel a émis la possibilité de réviser l’accord d’association conclu par l’Algérie et l’Union européenne en 2002. « Nous avons considéré que l’Accord d’association est un cadre devant donner lieu à des améliorations avec la volonté, de part et d’autre, d’identifier les priorités conjointes dans l’intérêt mutuel», a indiqué Charles Michel dans une déclaration à la presse au terme de son entretien avec le président Abdelmadjid Tebboune.

L’annonce a surpris plus d’un observateur dans la mesure où Bruxelles avait jusque-là émis un niet catégorique à toute possibilité d’amender le texte que les autorités algériennes trouvaient trop déséquilibré. Face aux demandes insistante d’Alger, la commission européenne a fini néanmoins par consentir de petits ajustements à la marge, prétextant qu’une éventuelle révision serait trop fastidieuse eu égard à la lourdeur de la machine bureaucratique européenne.

L’attitude de Bruxelles a bien évidemment irrité le gouvernement qui s’est toujours senti floué. Et il a commencé à le faire savoir dès 2015. La demande algérienne s’explique d’abord par le fait que l’accord, de l’avis de nombreux experts, a été mal négocié. Durant les années 2000, l’Algérie qui venait de sortir de plus d’une décennie de terrorisme été affaiblie et n’avait donc pas véritablement de cartes en main pour protéger au mieux ses intérêts ou à tout le moins peser pour mettre place un partenariat équilibré.

Au-delà de la nécessaire révision de certains de ses aspects, l’Algérie milite notamment et surtout pour que les Européens respectent les engagements pris en 2002 en matière de circulation des personnes et d’investissement. Comparativement aux immenses gains engrangés par l’UE dès l’entrée en vigueur de l’accord en 2015, l’Algérie n’a eu droit qu’à des poussières. Et le constat est valable pour tous les domaines. Les investissements consentis par les Européens en Algérie ces 20 dernières années sont insignifiants par rapport par exemple à ceux effectués au Maroc, en Tunisie ou en Egypte.

Les opérateurs algériens éprouvent par ailleurs encore et toujours les pires difficultés pour placer leurs produits sur le marché européen. La remarque vaut également pour un groupe comme Sonatrach qui s’est vu plusieurs fois refusé la possibilité de distribuer lui-même ses produits en Europe ou d’ouvrir des stations services. A chaque fois, l’UE a inventé des conditions pour bloquer les produits algériens. En contrepartie, l’UE a déversé des dizaines de milliards de marchandises sur le marché algérien sans aucun problème.

Inutile de dire aussi qu’en matière de soutien à l’économie algérienne, très peu de choses ont été faites. De nombreuses promesses d’aider l’Algérie à réformer et à diversifier son économie ont été faites. Comme pour les marchandises et le bilan en matière de libre circulation des personnes est tout aussi négatif. Il est toujours aussi difficile aux Algériens de se rendre en Europe. C’est toujours à sens unique. En contrepartie, Bruxelles n’hésite pas à jouer les donneurs de leçons et à s’ingérer dans les affaires internes de l’Algérie. Les Européens le font sous prétexte que l’accord d’association pose les jalons d’un dialogue politique entre les deux parties.

Qu’est-ce qui a pu maintenant faire changer d’avis aux bureaucrates de Bruxelles qui ont souvent pris un malin plaisir à rejeter les demandes d’Alger de réviser l’accord d’association ? La réponse s’impose d’elle-même. C’est bien évidemment le gaz qui fait courir les Européens. Pris à la gorge par la Russie qui a décidé de se venger d’eux en raison des sanctions qu’ils lui ont imposées en raison de la guerre en Ukraine, les principaux décideurs européens paraissent aujourd’hui prêts à d’énormes concessions pour obtenir de l’énergie. Une énergie indispensable à la stabilité de leur pays. Un manque durable de gaz peut non seulement mettre à genoux leurs économies mais être aussi à l’origine d’importants troubles sociaux.

En acceptant de revoir l’accord conclu avec l’Algérie, Bruxelles semble avoir enfin admis aujourd’hui qu’il y a une nouvelle donne géopolitique et que celle-ci n’est pas en sa faveur. Cette redistribution des cartes au nouveau régional et mondial induite par la guerre en Ukraine fait en effet de l’Algérie un acteur majeur dans l’espace euro-méditerranéen. Un acteur qui grâce à son hub gazier est devenu même vital pour la survie de l’Europe. Une révision qui devra dépasser les concessions à la marge qui devra s’inscrire dans la refonte globale des rapports entre l’Algérie et l’Europe. 

Khider Larbi

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