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Lutte contre la spéculation : Tebboune sort la grosse artillerie

 La décision du président Abdelmadjid Tebboune de consacrer hier une réunion du Haut conseil de sécurité au problème de spéculation illicite montre que le phénomène inquiète au plus haut niveau de l’Etat. C’est au moins la quatrième fois en moins d’une semaine que les plus hautes autorités du pays évoquent cette problématique.

L’intérêt pour ce dossier peut s’expliquer par le fait que malgré la batterie de mesures prises ces derniers mois pour mettre fin à cette pratique, la plupart des produits de large consommation restent inabordables. La situation est aggravée par la résurgence de manière épisodique de pénuries de lait, d’huile ou de farine et un contexte d’inflation. Un tel cocktail ne peut en effet que susciter des inquiétudes dans la mesure où il peut générer, avec le temps, un mécontentement de la population, scénario que veulent bien évidemment éviter les autorités. Des interventions des uns et des autres, il ressort que le Gouvernement est persuadé qu’il y a une volonté claire de déstabiliser l’Etat.   

Lors de son passage, la fin de la semaine dernière, à l’APN pour la présentation de la Déclaration de politique générale du gouvernement, le Premier ministre Aimene Benabderrahmane a d’ailleurs carrément menacé d’être intraitable à l’encontre des spéculateurs et accusé certaines parties de vouloir instaurer un climat de confusion. «L’Etat frappera d’une main de fer quiconque oserait se livrer à la contrebande, avec pour visées, de créer un climat de confusion, et de toucher aux vivres des Algériens», a-t-il affirmé. Pour rassurer la population, Aimene Benabderrahmane a néanmoins assuré que les produits à large consommation « sont disponibles et en quantités suffisantes », avec l’existence d’«un stock stratégique important pour tous ces produits». Le Premier ministre a tout de même tenu à présenter « ses excuses à l’endroit de tout chef et de toute cheffe de famille ayant trouvé des difficultés à se procurer certains produits de large consommation ».

Le même jour, le ministre de la Justice a affirmé, pour sa part, que des groupes organisés œuvrant à la déstabilisation de la société et des institutions de l’Etat, étaient à l’origine du phénomène de la spéculation illicite et des pénuries de certains produits de large consommation. «Il est incontestablement établi à tous que ces actes (inscrits dans le cadre de la spéculation illicite) sont devenus des crimes organisés commis par des groupes qui veulent déstabiliser la société et les institutions de l’Etat en alimentant le désespoir chez les citoyens et en frappant directement leur pouvoirs d’achat », a-t-il déclaré à la Télévision algérienne. A l’occasion, il a annoncé que la spéculation illicite « est passée actuellement à un autre stade qui dépasse la flambée des prix. C’est ce qui se confirme d’après les preuves qui établissent que cette spéculation est désormais un acte organisé visant la déstabilisation directe de l’Etat ». Cet état de fait a conduit à l’annonce sur la « classification des affaires ayant trait à la spéculation illicite dans la case des crimes qui sont traités au niveau du service de lutte contre le terrorisme et le crime organisé transnational », a-t-il souligné.

Lors du dernier Conseil des ministres, le président de la République est revenu sur le sujet en mettant en avant « le rôle du gouvernement dans la garantie de la disponibilité et de la stabilité des produits alimentaires, notamment ceux subventionnés, tout en luttant contre la spéculation sous toutes ses formes ». Il a rappelé la nécessité d’«accorder un intérêt accru à l’amélioration de la situation sociale du citoyen, en premier lieu ».

Le président ne semble pas apparemment se contenter de ses mesures prises jusque là. En réunissant hier le Haut Conseil de sécurité, élargi aux ministres des Finances, de l’Agriculture, de l’Industrie du Transport et du Commerce, il apparaît avoir décidé carrément de faire de la lutte contre la spéculation une question de sécurité nationale. Surtout qu’il y va de la stabilité de l’Etat. Lors de cette réunion qui a porté plus exactement « la situation actuelle du marché, les perturbations dans la distribution de certains produits de consommation et le diagnostic du dysfonctionnement», le président Tebboune a ainsi donné « des instructions pour lutter et faire face fermement à ces comportements ».

Comment les autorités comptent-elles s’y prendre ? Difficile à dire pour le moment. Une chose est sûre, l’alerte générale est maintenant lancée. De nombreux observateurs estiment que les autorités ne peuvent concrètement parvenir à reprendre le contrôle du marché et enrayer la spéculation que si elles s’attaquent frontalement au marché de l’informel. Pourquoi particulièrement le marché de l’informel ? Simple. Assis sur des centaines de milliards de dinars, ce sont les barons de l’informel qui font la pluie et le beau temps dans le secteur du commerce. Tout le monde le sait.

Pour rappel, ils ont déjà tenté plusieurs fois par le passé de déstabiliser l’Etat ou de l’empêcher de mettre de l’ordre dans le marché, comme ce fut le cas en 2011 lorsque le Gouvernement Ouyahia avait tenté d’introduire l’usage du chèque dans les transactions dépassant les 50.000 dinars afin de mettre en place un outil de traçabilité. L’on se souvient, les tenants du marché informel qui se recrutent pour leur plupart dans les milieux islamistes ou dans les lobbies de l’importation avaient suscité des troubles et provoqué une pénuries d’huile de table qui avaient contraint le Gouvernement à faire machine arrière. Leur force tient du fait qu’ils ont souvent bénéficé de solides relais politiques dans l’administration. Il n’est pas interdit de penser que cela soient eux, aujourd’hui, qui sont également à la manœuvre pour tenter de fragiliser l’Etat. En s’attaquant à ce dossier explosif, le Président Tebboune s’apprête sans nul doute à mener le combat le plus important et le plus dur de son mandat.

Khider Larbi

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