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Entretien avec Mohammed Yaddadene, consultant dans l’automobile : « Je suis optimiste pour la reprise en 2023 »

Dans cet entretien, le consultant dans le domaine de l’automobile, Mohamed Yaddadene, s’exprime les sujets qui marquent l’actualité du secteur en 2023 et décrypte les dernières décisions du Gouvernement, notamment les dossiers relatifs à l’importation des véhicules neufs et la construction mécanique en Algérie. Optimiste, il assujettit un retour à la normale à plusieurs conditions.

Entretien réalisé par :

Riad Lamara

Les décret exécutif fixant les conditions et les modalités d’exercice de l’activité de concessionnaire de véhicules neufs et les conditions et les modalités d’exercice de l’activité de construction de véhicules sont effectifs depuis le mois de novembre dernier. Comment se présente, selon vous, le marché de l’automobile en Algérie pour l’année 2023 ?

Il y a un grand espoir pour que le marché reprenne durant l’année 2023. D’abord, il y a l’adhésion de plusieurs concessionnaires aux clauses de ces deux cahiers des charge, ensuite il y a de grandes attentes pour que le parc automobile soit revigoré. Après, il y a toutes les procédures administratives qui suivent ces deux décrets et toutes les démarches que les opérateurs devront entreprendre avant de pouvoir se souscrire à l’importation ou encore à la construction de véhicules. Car, même si tout ira comme il se doit au niveau de nos opérateurs, les maisons-mères, elles, rencontrent actuellement beaucoup de problèmes en termes d’approvisionnement de composants. Pour certaines usines en Europe, l’acquisition de ces composants prennent entre neuf et douze mois. Ce n’est pas une mince affaire. Rien que pour les importateurs qui souscrivent pour exercer l’activité de concessionnaires de véhicules neufs, il faudra attendre au moins quatre à cinq mois au minimum pour que le premier véhicule soit importé.

Le nouveau décret interdit désormais l’importation des voitures équipées de motorisations en diesel et encourage les motorisations hybrides et électriques. Que pensez-vous de cette nouveauté qui entre en vigueur en 2023 ?

C’est un choix stratégique pour lequel il faudra mettre les moyens adéquats pour notamment la protection de l’environnement. L’interdiction d’importer les motorisations en diesel et l’encouragement des motorisations hybrides et électriques est judicieux dans le sens où il faut un début à tout. En revanche, cela prendra le temps qu’il faudra pour notre pays appelé à s’adapter aux nouvelles technologies et aux nouvelles motorisations. Il faut savoir que le marché de l’automobile algérien est fortement diéselisé. Vous n’avez qu’à prendre l’exemple des transports en commun, comme les bus et les taxis, le camion, ou encore l’utilitaire de manière générale, comme le Pick-up et les fourgonnettes. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas dans les pays développés où ce choix a connu une mise en pratique progressive. A mon sens, le véhicule hybride et électrique est un choix qu’il faudra aborder en se préparant. Vous n’avez qu’à voir ce qui se passe dans l’Union européenne qui a opté pour ce choix stratégique qui nécessite un accompagnement sans faille.

Après Fiat, l’usine Renault a annoncé la reprise de l’activité, alors que d’autres firmes mondiales vont bientôt arriver. Comment se présente, selon vous, le paysage de la construction mécanique pour l’année 2023 ?

Le paysage de la construction mécanique en Algérie va s’éclaircir au fur et à mesure que les constructeurs s’installent, produisent et investissent dans l’intégration. Les clauses du cahier des charges relatif à la construction automobile ont été revues et permettent aux opérateurs d’atteindre des taux d’intégration très raisonnables, voir encourageants. Ça, c’est formidable ! Après, il faudra s’étaler sur certaines motorisations auxquelles le consommateurs algériens sont habitués depuis des années, à commencer par la petite citadine qui est très demandée jusqu’au SUV et aux Pick-up. Et là, il s’agit d’une option que les constructeurs doivent prendre en considération, que ce soit Fiat où une autre marque de véhicule. Mais, globalement, le nouveau cahier des charges a tracé un cadre très fluide qui permet aux firmes d’avoir une visibilité de notre marché et de ses besoins.

Pourrions-nous nous attendre à l’émergence d’un tissu de sous-traitants important durant l’année en cours ? N’est-ce pas l’une des priorités de ce nouveau décret ?

Dans une certaine mesure, oui. Il faudra encourager l’émergence d’un tissu de sous-traitants important pour accompagner les firmes qui désirent s’installer. Cela va de soit et constitue une priorité à tous les opérateurs soucieux de développer une industrie mécanique digne de ce nom. Mais, avant, il faudra redynamiser tout le secteur industriel. Et c’est comme cela qu’on pourrait stimuler les opérateurs à s’investir dans la sous-traitance.

L’année 2023 sera marquée par l’importation, par les particuliers et à leurs propres frais, des voitures de moins de trois ans. Qu’en est-il de ce choix à la fois revendiqué par les consommateurs et acté par le Gouvernement ?

L’importation par les particuliers des voitures de moins de trois ans a toujours constitué une solution intermédiaire. Pour le cas de l’Algérie, ce choix est dicté par le souci majeur par la longue et épineuse pénurie qui a sévi depuis cinq ans (2017, année de l’arrêt des importations des voitures neuves-ndlr). Mais, il ne faut pas crier victoire ! A titre illustratif, en Europe, le véhicule d’occasion est cher. Une voiture de moins de trois ans, équipée d’une motorisation thermique (essence et diesel-ndlr), dans le Vieux continent n’est pas à la portée de toutes les bourses pour des raisons évidentes, notamment la tendance inflationniste. Le véhicule d’occasion équipé d’une motorisation thermique est de moins en moins disponible en Europe. Et pour cause, actuellement les garagistes, comme les marques, délivrent une garantie allant jusqu’à trois ans sur un véhicule d’occasion, alors que celle-ci ne dépassait pas six mois il y a seulement quelques années. Il est vrai que cette mesure parait salvatrice pour le consommateur algérien, mais faudra-t-il déployer, avant tout, une assise réglementaire, un décret d’application qui impliquerait plusieurs institutions, dont l’industrie et les douanes, pour pouvoir assurer cet attrait.

Pensez-vous que l’Algérie pourra combler en 2023 le déficit enregistré depuis cinq ans ?

Tout est possible tant qu’il y a des lois qui cadrent ces activités, même si cela reste un objectif pas très smart à réaliser en un laps de temps aussi court qu’une année. Entre le client flotte et le client particulier, on estime, aujourd’hui, le besoin annuel, à quelques 400.000 et 500.000 véhicules. C’est énorme. Personnellement, je suis optimiste pour la reprise et le redémarrage en 2023 de cette activité aussi stratégique que névralgique. Après, il faudra que cet espoir et cet optimisme soient intimement liés à une croissance progressive.

R.L.

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