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Nouvelles adhésions aux BRICS : Quel impact sur la reconfiguration des relations internationales ?

Par Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international.

La ville du Cap, en Afrique du Sud a accueilli la réunion préparatoire des BRICS, les 02/03 juin 2023 . Les ministres des Affaires étrangères du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de l’Afrique du Sud et le vice-ministre chinois des Affaires étrangères ont planché sur la préparation du sommet des chefs d’État qui doit se tenir fin août 2023 à Johannesburg, l’Afrique du Sud exerçant la présidence tournante.

Le dossier de l’élargissement des BRICS à de nouveaux membres, que ce soit comme membres à part entière ou comme membres observateurs sera examinée lors de ce sommet. Cette rencontre évoquera également des dossiers brûlants, les conflits régionaux et les tensions au Soudan qui risquent de déstabiliser une partie de l’Afrique.

Dix neuf pays ont exprimé leur intérêt à rejoindre les BRICS dont 13 ont officiellement déposé des demandes d’adhésion au groupe, selon l’ambassadeur de l’Afrique du Sud au sein du groupe BRICS, Anil Sooklal, dans un entretien avec l’agence américaine Bloomberg. Il s’agit de l’Arabie saoudite, l’Iran l’Argentine, Émirats arabes unis, l’Algérie, l’Égypte, le Bahreïn et l’Indonésie, ainsi que deux pays d’Afrique de l’Est et un autre d’Afrique de l’Ouest, (sans les citer). Formé du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud, les BRICS sont considérés comme les grandes puissances émergentes actuelles avec une démographie de 3,2 milliards d’habitants. Malgré cela, le groupe ne dispose que de 15% des droits de vote à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international. Selon les données internationales officielles dont celles du FMI et de la Banque mondiale pour 2021, le PIB des Brics en 2021 atteint 25.488 milliards de dollars usur n total de 95.610 milliards de dollars au niveau mondial pour 2021, soit près de 27% du total ventilé comme suit : – le Brésil, 1.608 milliards de dollars de PIB pour une population de 214 millions– la Russie 1.750 milliards de dollars de PIB pour une population de 143 millions ; – l’ Inde , 3.250 milliards de dollars de PIB, pour une population de 1,4 milliard ; l’ Afrique du Sud avec 420 milliards de dollars de PIB, pour une population de 59 millions et enfin la Chine avec 18.460 milliards de dollars de PIB pour une population de 1,4 milliard, et des réserves de plus de 3300 milliards de dollars. La Chine représente ainsi 72,54% du PIB des BRICS, étant largement leader. Le PIB des BRICS va augmenter de manière substantielle avec les nouvelles adhésions. Le PIB des candidats selon les données du pour l’année 2021, est ventilé comme suit : -l’Algérie a un PIB de 163 milliards de dollars et une population de 44 millions d’habitants (198 milliards de dollars de PIB en 2022 pour 45 millions d’habitants) – l’Arabie Saoudite a un PIB de 844 milliards de dollars et une population de 36 millions ; les Emirats arabes unis a un PIB de 415 pour une population de 10 millions ; – l’Iran a un PIB de 360 milliards de dollars et une population de 88 millions ; – l’Egypte a un PIB de 404 milliards de dollars et une population de 110 millions ; – l’Argentine a un PIB de 487 milliards de dollars et une population de 46 millions ; – le Mexique a un PIB de 1.273 milliards de dollars et une population de 127 millions ; le Nigéria a un PIB de 441 milliards de dollars et une population de 213 millions.

Se pose la question de savoir quel impact aura l’élargissement des BRICS, d’autant plus que nous devrions assister à une nouvelle configuration internationale, s’orientant vers un monde multipolaire, avec les impacts du conflit en Ukraine, le rétablissement des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie Saoudite et le poids croissant des Brics.

Impact des nouvelles adhésions

Avec les nouvelles adhésions, le groupe des BRICS+ représentera un groupe de population qui s’accroitra de 674 millions d’habitants, et nous référant à l’année 2021, nous aurons un accroissement du PIB de de 6.551 milliards de dollars qui s ‘ajoutent aux 25.488 milliards de dollars . Le PIB des BRICS+ atteindra ainsi un total 32.039 milliards de dollars, sur un PIB mondial dépassant les 100.000 milliards de dollars, en 2022, hypothèse de structure stable en 2022 par rapport à 2021, soit un ratio de 32,03%. Mais pour l’instant entre 2022/2023, les USA et l’Europe y compris la Grande Bretagne, pour moins d’un milliard d’habitants accaparent , représente environ 40% du PIB mondial . D’une manière générale, l’action des BRICS a permis de soulever des problèmes jusque-là ignorés par les pays développés dans un esprit dépassé de domination, comme le déséquilibre de l’économie mondiale, qu’il ne peut y avoir de développement global sans le développent et de prospérité de la majorité des pays en voie de développement, proposant de créer un partenariat global fondé sur le dialogue productif par une compréhension mutuelle et une coordination des efforts entre le Nord le Sud afin de résoudre les nombreux défis de notre monde. C’est sous l’impulsion des BRICS que le G20 a transformé le forum de stabilité financière en conseil de stabilité financière, les BRICS ayant soutenu le rapport sur les G-SIFI pour réduire les risques moraux des institutions financières systématiquement et globalement importants, les fonds de couverture, le shadow banking, les produits dérivés financiers des marchés offshore et les agences de notation ayant été ramenés pour la première fois sous la supervision. Mais c’est pour échapper à la dépendance de l’hégémonie du dollar que les BRICS ont décidé de créer une nouvelle banque de développement à travers la contribution des banques centrales des BRICS, une partie des réserves de devises étrangères pourrait être concentrée, de même, par l’émission d’emprunts sur le marché financier international, on pourrait concentrer des fonds pour servir à la construction des infrastructures dans les BRICS. Les avantages de la Nouvelle Banque de développement tournerait autour de trois axes directeurs : premièrement de mieux utiliser leurs devises étrangères afin de réduire le risque d’inflation et de rétrécissement de leur réserve de devises étrangères, et de mieux servir leurs économies réelles; deuxièmement, les bénéfices que la banque de développement pourraient tirer de l’investissement dans les économies réelles et dépasseraient largement ceux que les banques centrales pourraient tirer de l’achat de bons du Trésor des pays développés, et l’investissement dans les infrastructures pourrait stimuler la demande intérieure de ces pays, entraînant la croissance économique; troisièmement, la Nouvelle Banque de développement ferait la promotion de l’usage des monnaies nationales des pays membres, ce qui pourrait promouvoir le commerce intérieur et l’investissement réciproque de ces pays, réduisant ainsi la dépendance au dollar, bien qu’en baisse mais dominant dans les transactions internationales suivi de l’euro. En somme, la création de la Nouvelle Banque de développement traduit la volonté des BRICS d’une rénovation de leur gouvernance interne. La stratégie des BRICS est de favoriser le co- développement, notamment en Afrique, se fondant sur le respect du choix souverain du système politique et économique de chaque nation, tenant compte de son histoire et de son anthropologie culturelle, ce continent, possédant des richesses importantes dont la population en 2022 avoisine 1,4 milliard d’habitants. Cela explique les rivalités entre les grandes puissances notamment entre les USA et la Chine sur ce continent dont le PIB devrait passer de 2 980 milliards de dollars en 2022 à 4 288,08 milliards de dollars en 2027, loin de ses potentialités. Le continent est caractérisé par la faiblesse de son intégration qui est de l’ordre de 11/12 %, étant utopique de parler d’une Afrique des Afriques. Cela impose des sous intégrations régionales afin de dynamiser de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) afin de stimuler la croissance, de réduire la pauvreté et d’élargir l’inclusion économique dans les pays concernés.

En conclusion, outre les facteurs géopolitiques , les candidats devront avoir une économie diversifiée, pour avoir une influence sur les décisions internationales et profiter de cette intégration . Contrairement au G7, les différents pays des BRICS et de ceux qui adhèrent ont des systèmes politiques ( cas de l’Inde et de la Chine deux poids lourds) et économiques hétérogènes, certaines économies mono-exportatrices dans le domaine des hydrocarbures, (Russie, Arabie Saoudite pesant chacun plus de 11 millions de barils/j), avec des alliances militaires et politiques différentes et donc Il faut donc être réaliste, chaque pays défendra ses propres intérêts, car dans pratique des relations internationales et surtout économiques, il n’existe pas de sentiments, mais que des intérêts.

A.M.

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