Question mémorielle et essais nucléaires : Un déni qui empoisonne les relations algéro-françaises
Plusieurs personnalités françaises s’élèvent pour dénoncer les attaques de l’extrême droite et de la droite dure contre l’Algérie.
La crise entre l’Algérie et la France atteint son paroxysme enflammée par la droite et l’extrême droite françaises et leurs vassaux nostalgiques de l’Algérie française. L’on assiste depuis quelques mois à une surenchère haineuse contre tout ce qui est algérien. Et chacun dans l’Hexagone y va avec sa charge de rancune et d’inimitié. Cette aigreur exprimée avec tant de hargne n’a pourtant rien d’historique, les deux peuples ont de tout le temps su cohabiter et vivre ensemble allant jusqu’à tisser des liens de sang. Il s’agit en fait d’un hideux calcul politique dicté par des ambitions électoralistes dont « taper sur l’Algérien » semble le sujet porteur au sein du conglomérat électoral français. La dernière sortie médiatique du Président Abdelmadjid Tebboune à travers les pages du journal français « L’Opinion » semble avoir mis à nu cette supercherie que la droite et l’extrême droite en manque de notoriété tentent de faire admettre au citoyen lambda français. Tebboune a, à cet effet, affirmé que « le dialogue politique est quasiment interrompu ». Il évoquera les « déclarations hostiles tous les jours de politiques français, comme celles du député de Nice, Eric Ciotti, ou du membre du Rassemblement national Jordan Bardella ». Il évoque particulièrement « les médias de Vincent Bolloré dont la mission quotidienne est de détruire l’image de l’Algérie ». Et d’ajouter que les déclarations hostiles de politiques français à l’encontre de l’Algérie ont engendré un climat délétère qui a contribué à la détérioration des relations algéro-françaises. « Le climat est délétère, nous perdons du temps avec le président Macron. Nous avions beaucoup d’espoirs de dépasser le contentieux mémoriel. Une vague de réactions a été enregistrée ces derniers jours chez certains hommes et femmes politiques exaspérés par les attaques contre l’Algérie. Le dialogue politique est « quasiment interrompu » selon les mots du Président Abdelmadjid Tebboune, dans un contexte où l’Algérie est sans ambassadeur à Paris depuis plus de six mois.
Le contentieux historique des essais nucléaires français en Algérie occupe une place centrale dans les discussions. Tebboune affirme que la décontamination des sites d’essais nucléaires est « indispensable » et « obligatoire sur les plans humain, moral, politique et militaire ». Il précise que « l’Algérie doit le faire avec la France qui doit nous dire avec précision les périmètres où ces essais ont été réalisés et où les matériaux sont enterrés ». Il soulève également « la question des armes chimiques utilisées à Oued Namous ». Il est utile de rappeler les révélations du Nouvel Observateur dans son édition d’octobre 1997 sur l’utilisation d’agents toxiques neutralisants, incapacitants et létaux. A propos justement des essais nucleaires français en Algerie, le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, affirme que les réparations relatives aux explosions nucléaires et à l’utilisation d’armes chimiques par la France dans le Sud de l’Algérie est un sujet indispensable pour la reprise de la coopération bilatérale, appelant à régler définitivement ces contentieux. « C’est indispensable. Le dossier de la décontamination des sites d’essais nucléaires est obligatoire sur les plans humain, moral, politique et militaire. Nous pouvions le faire avec les Américains, les Russes, les Indonésiens, les Chinois. Nous estimons que l’Algérie doit le faire avec la France qui doit nous dire avec précision les périmètres où ces essais ont été réalisés et où les matériaux sont enterrés », a précisé le président de la République à l’Opinion. Il a indiqué dans le même cadre, qu' »il y a aussi la question des armes chimiques utilisées à Oued Namous ». Dans son édition du 23 au 29 octobre 1997 « Le Nouvel Observateur » titrait tristement son dossier exclusif sur les essais nucléaires français en Algérie « Quand la France testait des armes chimiques en Algérie », il citera la panoplie chimique dont trois principaux agents toxiques, à savoir ceux neutralisants, incapacitants et létaux. Il ne poussera pas son enquête pour expliciter la relation unique entre la France et l’Algérie qui était une colonie française qui a subi en plus de la colonisation, la déscolarisation des algériens pour les tenir dans l’ignorance, les exproprier de leur terres et enfin les aliéner pour ensuite les affamer et les martyriser pendant 132 ans.
La moindre des choses est de demander des excuses
Face à cette situation tendue, plusieurs personnalités françaises appellent à l’apaisement. Ségolène Royal, ancienne ministre et candidate à la présidentielle, dénonce la campagne de haine contre l’Algérie : « Il faut arrêter tous les discours méprisants pour l’Algérie » car « la façon dont vous parlez de l’Algérie résonne sur tout le continent africain ». Elle rappelle que « l’Algérie d’avant la colonisation était une grande civilisation broyée par le colonialisme français ». L’association France-Algérie, par la voix de son président Arnaud Montebourg, appelle les gouvernements à « réengager le dialogue pour permettre la désescalade verbale ». L’association souligne que « plus de sept millions de Français ont des liens personnels avec l’Algérie », formant « un pont humain francophone » entre les deux pays. Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre et président d’honneur de l’association, plaide pour « une normalisation, d’une relation d’égal à égal ». Il rappelle l’importance des liens bilatéraux : environ 3 millions d’Algériens ou Franco-Algériens vivent en France, les échanges commerciaux s’élèvent à 12 milliards d’euros par an, et la coopération est cruciale dans la lutte contre le terrorisme. Les enjeux sont considérables pour les deux nations. Comme le souligne l’association France-Algérie, « Une Algérie forte économiquement et diplomatiquement, stable d’un point de vue sécuritaire, est un allié indispensable à la France et à l’Europe ». Les deux pays ont « tant à construire ensemble dans tous les domaines – économique, culturel, éducatif, et mémoriel ». Le journaliste Jean-Michel Apathie est allé plus loin dans plusieurs de ses interventions sur les chaines françaises ces derniers jours. S’il dénonce le «révisionnisme historique » de la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen qui glorifie encore la colonisation, le journaliste et chroniqueur décrit avec force détails les atrocités des crimes commis par l’occupation française sur trois phase, soit durant la conquête, la période de spoliation et d’exploitation des richesses algériennes, et enfin durant la « Guerre d’Algérie ». Il a souligné que l’armée française a commis les pires crimes en Algérie, qualifiant Bugeaud d’ « assassin ». Il a affiché son incompréhension par rapport au fait que la Mairie de Paris « qui se dit humaniste » refuse encore de retirer la plaque commémorative dédié à l’auteur de tant de crimes. Il a souligné enfin que demander des excuses au peuple algérien est « la moindre des choses. Cette crise met en lumière la nécessité d’un dialogue constructif entre les deux pays, tout en soulignant l’importance de traiter les contentieux historiques, notamment la question mémorielle et celle des essais nucléaires, pour construire une relation d’avenir basée sur le respect mutuel et la reconnaissance des pages sombres de l’histoire commune.
Hocine Fadheli