Haïti : L’ONU alerte contre une explosion de la violence
Des agences des Nations Unies, des organisations non gouvernementales et des bailleurs de fonds ont récemment lancé un cri d’alarme concernant la situation catastrophique qui prévaut en Haïti. Ces organisations ont dénoncé « une vague de brutalité extrême » qui sévit depuis fin janvier dans ce pays des Caraïbes, poussant des milliers d’habitants de Port-au-Prince à fuir leurs quartiers pour échapper aux violences des gangs. Dans un communiqué publié lundi, ces institutions ont exprimé leur profonde préoccupation : « Nous sommes profondément alarmés et consternés par l’intensité inacceptable et inhumaine de la violence qui s’abat sur Haïti, une vague de brutalité extrême qui, depuis la fin janvier, a entraîné de nombreuses pertes en vies humaines » et provoqué le déplacement de plus de 10.000 personnes. Le communiqué décrit des scènes d’horreur : « Des familles entières ont été brutalement anéanties dans leurs foyers, tandis que d’autres, incluant des enfants et des bébés, ont été abattues pendant qu’elles tentaient de s’échapper. » Face à cette situation dramatique, ces organisations appellent « toutes les parties impliquées dans ces violences à rompre ce cycle de terreur et à mettre fin à cette spirale incontrôlée. » La violence qui sévit en Haïti n’est pas nouvelle, mais elle s’est considérablement intensifiée depuis février 2024, lorsque des groupes armés ont lancé des attaques coordonnées à Port-au-Prince pour obtenir la démission du Premier ministre de l’époque, Ariel Henry. Ce dernier a effectivement quitté ses fonctions en mars 2024, laissant place à des autorités de transition censées permettre un retour à la stabilité. Malgré l’arrivée d’environ 1.000 policiers étrangers issus de six pays, déployés dans le cadre de la mission multinationale de soutien à la sécurité (MMAS), la situation ne s’est guère améliorée. Selon l’ONU, les gangs contrôlent aujourd’hui 85% de la capitale haïtienne. La violence a récemment fait une nouvelle victime au sein des forces internationales : un policier kényan, blessé par balles lors d’une attaque survenue dimanche et attribuée à « des membres présumés de gangs », a succombé à ses blessures, comme l’a rapporté la police kényane. Face à cette situation, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a déclaré lundi que les autorités étaient « en guerre » contre les gangs. « Nous nous engageons sans répit pour permettre à la police, à l’armée et à la MMAS de mettre les gangs hors d’état de nuire, » a-t-il promis lors d’une allocution marquant ses 100 jours à la tête du gouvernement. Le bilan humain de cette violence est effroyable. Selon l’ONU, au moins 5.601 personnes ont été tuées par les gangs en Haïti l’an dernier, soit mille de plus qu’en 2023. Plus d’un million de personnes sont aujourd’hui déplacées à l’intérieur du pays, ce qui représente environ trois fois plus qu’il y a un an, d’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Face à cette crise humanitaire, les Nations Unies et leurs partenaires ont réclamé mardi 908 millions de dollars pour venir en aide à près de quatre millions de personnes en Haïti au titre de l’année 2025. Comme l’a souligné Stéphane Dujarric, porte-parole de l’ONU, lors de son point de presse quotidien, « près de la moitié de la population a besoin d’aide » en Haïti. Il a ajouté que la violence armée « a causé d’innombrables souffrances en Haïti, en particulier parmi les femmes et les enfants, déplaçant plus d’un million de personnes et plongeant près de la moitié de la population haïtienne dans une insécurité alimentaire aiguë. » Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), les services de base, notamment les soins de santé, sont au bord de l’effondrement. Lors de sa participation à la 48e réunion ordinaire de la Conférence des chefs de gouvernement de la communauté des Caraïbes (CARICOM) qui s’est tenue mercredi dernier à la Barbade, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a dénoncé la violence des gangs qui « infligent des souffrances intolérables à une population désespérée et effrayée » en Haïti. Il a annoncé son intention de présenter prochainement au Conseil de sécurité une proposition visant à ce que l’ONU assume la responsabilité des dépenses structurelles et logistiques nécessaires au fonctionnement de la force multinationale actuellement déployée en Haïti, alors que les salaires de cette force sont payés via le fonds fiduciaire déjà existant. Guterres a également insisté sur la nécessité de continuer à œuvrer pour un processus politique « appartenant et dirigé par les Haïtiens » en vue de rétablir les institutions démocratiques dans le pays par le biais d’élections.
L.S.