Actualité

Rabah Sbaa, anthropologue et écrivain : «L’Algérie veut se réconcilier avec elle-même»

La Sentinelle : Quelle dimension revêt aujourd’hui la célébration du 60e anniversaire de l’indépendance ?

Raba Sbaa : Il y a  une heureuse coïncidence que tout le monde entier peut constater : l’Algérie est en train de célébrer son indépendance alors qu’elle accueille l’ensemble des pays de la Méditerranée à Oran dans le cadre des Jeux méditerranéens. En fait, il s’agit de toute une symbolique d’une Algérie qui reçoit le monde chez elle. Cela signifie que l’Algérie n’est pas un pays isolé comme veulent le faire croire un certain nombre de thèses. Il s’agit d’une Algérie ouverte sur le monde et qui fête le monde et qui se célèbre en même temps. Car, ce 60e anniversaire, on ne peut que le constater,  a suscité un énorme intérêt aussi bien à l’étranger que chez nous. D’ailleurs, je reviens d’un colloque tenu à la Sorbonne à propos du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algerie. J’ai constaté, il faut le dire, qu’il y avait beaucoup de propos positifs. Je m’attendais un peu à trouver de l’animosité et de l’hostilité. Bien au contraire, j’étais très content de voir que les gens essayent de comprendre l’évolution de l’Algérie. Dans l’ensemble, les gens considèrent que le bilan est globalement positif

Qu’est-ce qui caractérise, selon vous, les célébrations cette année ?

Je crois, et contrairement à ce que disent certains journaux ou certaines thèses, l’Algérie ne veut pas briller juste pour redorer son blason à l’extérieur. Elle veut aussi se réconcilier avec elle-même. En fait, elle fait ça pour ses enfants. Si l’on se rappelle, on parlait pendant longtemps de la fête de la jeunesse lors du  5 juillet. Mais là, nous parlons du 60e anniversaire de l’Indépendance. Il s’agit d’une étape  que nous avions passée. Et maintenant, il nous reste encore du chemin  à parcourir. Je trouve que cela est une bonne chose de le faire dans la joie.

L’Algérie est un très grand pays. Il faut que les gens, notamment l’entourage hostile, comprenne que  l’Algérie a un grand rôle à jouer non seulement dans la région mais aussi au niveau continental. D’ailleurs, nous constatons que l’Algérie est en train de retrouver sa place dans le concert des Nations, en accomplissant magnifiquement sa mission. 

D’autres challenges importants attendent l’Algérie

Bien évidement. Nous savons maintenant que le monde entier a compris l’Algérie. L’Algérie est une puissance énergétique. La crise en Ukraine et son impact ont fait que beaucoup de pays lorgnent sur l’Algérie. Et comme unbonheur ne vient jamais seul, on vient de découvrir un nouveau gisement gazier à Hassi Rmel. Cela montre que l’Algérie a un atout extraordinaire et qu’il faut compter avec. Ceci dit, je trouve qu’il est bien de montrer au monde que nous sommes bien chez nous, que nous recevons les autres.

Croyez-vous que cette célébration est le symbole d’un nouveau départ et qu’une page est tournée?

En vérité, on ne tourne jamais définitivement la page du passé. Le passé nourrit le présent. Et le présent, qui se nourrit du passé, nourrit l’avenir et le devenir. Quand on regarde le chemin parcouru en Algérie, ce 60e anniversaire est une étape très importante et sur beaucoup de dossiers importants. Comme je l’ai dit, il y a beaucoup de choses qui restent perfectibles, sur le tous les plans, à savoir au niveau de la justice, des médias. Il y a pleins d’insuffisances.  Toutes les sociétés sont constituées d’êtres vivants. Elles vivent dans leur réussite et de leurs difficultés. L’Algérie ne fait pas exception. Il y a des problèmes à l’université, il y  a des problèmes au niveau de la santé,  au niveau de la communication, dans la recherche dans l’histoire et dans la mémoire, qui doivent être pris en charge

Quels sont justement les chantiers à lancer à propos du travail de mémoire ?

Sur ce point particulier, je trouve que les colloques d’aujourd’hui tombent à point nommé pour répondre à certaine thèses négationnistes destinées à effacer l’histoire de l’Algérie avant le colonialisme. Ces polémiques n’ont ni queue ni tête. Les conférences ont démontré que l’épaisseur historique de l’Algérie va chercher depuis le néolithique. Je trouve que le Haut commissariat à l’amazighité avec le centre de recherches  en anthropologie font un travail qui avait besoin d’être fait. Les travaux qui ont été présentés et les travaux de mémoire montrent  que la Nation algérienne s’inscrit dans l’épaisseur historique et dans la durée. Le travail présenté par le Professeur Berramdane et d’autres montre bien le concept d’algérianité qui est allée prendre ses racines depuis le Néolithique.

Entretien réalisé par Amar Malki

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *