Dr. Mourad Preure, Enseignant et Consultant en Stratégie et Géopolitique de l’énergie : « L’Algérie est qualifiée pour être le grand hub gazier méditerranéen »
Entretien réalisé par
Samira Ghrib
Le groupe russe Gazprom a annoncé une nouvelle fois mercredi un arrêt momentané des livraisons de gaz via le North Stream 1. Il a également abaissé ses livraisons de manière continue. Y a-t-il un risque réel d’arrêt de l’approvisionnement en gaz russe d’ici l’hiver ? Dans l’état actuel des stocks européens, l’UE se dirige-t-elle vers une crise énergétique majeure ?
L’Europe occidentale traverse une grave crise énergétique du fait de son engagement dans la crise ukrainienne. Aurait-elle surestimé ses marges de manœuvre et l’issue de ce conflit et sous-estimé les capacités de résilience de la Russie qu’elle n’aurait pas fait pire. Au demeurant, cette crise surprend l’Europe alors que ses équilibres macro-économiques sont au plus mal. Inflation conséquente, frôlant les deux chiffres, alors que la Grande-Bretagne les a déjà atteints, endettement important, limites objectives à l’intervention de la Banque Centrale Européenne (BCE) pour soutenir l’euro et contenir les poussées inflationnistes tout en portant secours aux pays de l’Europe du Sud surendettés et en grave crise économique. L’impact inflationniste du prix d’une énergie rendue plus rare et risquée est encore difficile à prévoir considérant le potentiel déflagrant de la crise qui oppose à présent sur le front énergétique l’Union européenne, dont au premier chef la zone euro, à la Russie qui démontre chaque jour sa capacité à soutenir une crise de longue durée, ce qui est hors de portée pour l’Union européenne.
Face aux actions offensives russes qui se manifestent par l’imposition du rouble comme monnaie des transactions énergétiques d’une part, d’autre part par les arrêts intempestifs des approvisionnements gaziers, dont le Northstream 1 de nouveau en maintenance, l’Europe ne peut opposer que des manœuvres auprès de producteurs alternatifs, des actions volontaristes d’efficacité énergétique forcément coûteux et pénalisants pour l’économie ainsi qu’une forte communication insistant sur la diversification future de ses approvisionnements gaziers. Ce faisant, elle fait miroir à la Russie qui a déjà engagé la diversification de ses débouchés en direction de l’Asie, nouveau centre de gravité de la croissance mondiale. Le stockage volontariste en prévision de l’hiver qui peut être rigoureux ou pas, produit ses effets maximaux pour les pays européens qui approchent les 100% de leurs capacités à l’exception de la Bulgarie et de la Lettonie qui sont néanmoins au-dessus de la moitié de leurs capacités de stockage et dont la situation devrait s’améliorer.
Mais à quel prix et quelle est la soutenabilité d’une telle situation pour les pays européens ? Il semble que pour nombre de raisons, les marges de manœuvre sont très réduites. Paradoxalement au premier chef pour la première économie européenne qui s’est laissée entrainer dans une crise qui met à nu ses vulnérabilités. D’abord, parce que l’Allemagne était engagée dans un partenariat stratégique et de long-terme avec la Russie et dont l’énergie était le cœur, mais pas que… L’orientation eurasienne du développement et du déploiement de la puissance allemande, dont le symbole sera ce doublement du gazoduc Northstream à 110 milliards de m3/an semble être durablement compromis. La forte exposition de l’économie et de l’industrie allemandes aux approvisionnements énergétiques russes depuis son abandon du nucléaire est une grave vulnérabilité qui rebat les cartes, y compris dans l’équilibre entre puissances au sein de l’Union européenne, faisant voler en éclats le fameux couple franco-allemand, en réalité le leadership européen de l’Allemagne qui s’accommode d’une France au génie scientifique et technologique réel, mais quasi totalement désindustrialisée par le fait de politiques néolibérales bien éloignées du nationalisme allemand bien tenace. Dans ces conditions, on peut s’interroger sur la disponibilité de l’Allemagne à consentir que la BCE continue à porter à bout de bras des pays européens du Sud à la compétitivité incomparablement plus faible que la sienne ainsi qu’une France surendettée et aux entreprises sévèrement contenues par des traditions syndicales souvent hors du temps.
Soulignons donc que l’équation gazière, mais aussi pétrolière, nous ne l’aborderons pas dans le cadre limité de ce texte, est complexifiée par le déséquilibre profond qui frappe l’Europe tant sur le plan économique stricto sensu, qu’énergétique. La dépendance gazière européenne de l’ordre de 80% devient problématique lorsque les prix augmentent de 600% en 2021 alors qu’ils se situent aujourd’hui à leur pic historique depuis sept ans. Le gaz est valorisé à 45$/MBtu (millions de British thermal Units) soit 150 €/MWh Mégawatt/heure) ces dernières semaines, niveau insupportable pour l’économie européenne aujourd’hui. Dans ce déséquilibre où l’Europe consomme 400 milliards de m3 (Gm3/an, la Russie est le premier fournisseur de l’Europe avec près de 40% des approvisionnements et un volume de 170 Gm3 extrêmement difficiles à substituer. Au demeurant, le gaz russe était commercialisé dans le cadre de contrats de long terme, certes avec une part, souvent importante indexée sur les marchés spot. Dans tous les cas moins chers que le gaz que les États-Unis se proposent de livrer, qu’ils livrent déjà en quantités insuffisantes, à l’Europe et dont le prix est fixé par des mécanismes boursiers, forcément plus volatils et renchérissant dangereusement la facture énergétique européenne.
L’Europe entame la préparation de l’hiver, certes avec des stocks conséquents, mais avec une incertitude totale sur ses approvisionnements gaziers et une inflation considérable sur leurs prix. Qui plus est avec une Russie soufflant le chaud et le froid sur ses approvisionnements, car il est bien évident que les opérations de maintenance du Northstream 1, opportunément venues pour justifier les arrêts d’approvisionnement (le gazoduc fonctionnait déjà à 20% de sa capacité) mettent le doigt sur un problème réel qui constitue encore une vulnérabilité russe, l’approvisionnement en pièces de rechange et les opérations de maintenance de turbines ou autres externalisées vers l’Allemagne. Tout comme l’exigence du paiement en roubles est une réponse à l’exclusion de la Russie du système Swift ! En ce sens, l’arrêt de l’approvisionnement gazier du Français ENGIE reste un acte symbolique, Gazprom n’ignorant pas la faible exposition de la France au gaz russe ni la forte nucléarisation de la production électrique de ce pays. Dans tous les cas, il nous apparait que, dans le choix du timing ainsi que dans les actions ciblées, notamment celles affectant le chef de file de l’Union européenne, l’Allemagne, le déclenchement de la crise par la Russie, sa gestion, la communication qui l’entoure, donnent à observer une excellente lecture du théâtre d’opérations et une réelle intelligence tactique des dirigeants russes.
Dans la conjoncture actuelle, l’ensemble des pays européens tournent le regard vers l’Algérie. Quel avantage représente le gaz algérien par rapport aux autres alternatives posées sur la table et quelles sont les perspectives qui s’ouvrent pour l’Algérie sur le marché européen du gaz ?
Bien entendu, toutes proportions gardées, l’Algérie fait partie de la solution pour l’Europe. Cela pour sept raisons principales : (i) du fait de ses ressources gazières, du potentiel de développement de ses gisements en activité et de la prospectivité de son domaine minier des hydrocarbures ; (ii) du fait du potentiel d’ensoleillement de l’Algérie (3500 d’ensoleillement dans le Sud, soit 86% du territoire national et 2650 heures dans le Nord. Pour comparaison, l’ensoleillement de la France varie entre 1100 et 1400 heures par an, ce qui n’a pas empêché EDF, l’électricien français d’engager un programme de 35 milliards d’euros pour produire 30 TW Térawatts). Investir dans la transition énergétique en Algérie est aussi, pour les États et entreprises européens, le moyen e plus sûr, le moins coûteux et le plus rapide de libérer des volumes jusqu’alors adressés à la demande interne nationale pour les orienter vers l’exportation en direction de l’Europe ; (iii) de la qualité et de la fiabilité de la source algérienne qui n’ont jamais occasionné aucune rupture d’approvisionnements, même durant la décennie de risque terroriste ; (iv) de l’expertise et du sérieux de notre compagnie nationale, pionnier du GNL, mais aussi, on l’ignore souvent, des pipes en eau profonde avec le gazoduc Algérie-Italie et la traversée du détroit de Messine ; (v) l’Algérie, avec le Centre National de Distribution du Gaz (CNDG) de Hassi Rmel ainsi que ses capacités de liquéfaction non encore saturées du fait de la baisse de nos exportations, mais aussi ses gazoducs transcontinentaux ainsi que sa proximité avec les marchés européens est qualifiée pour devenir le grand hub gazier du Sud méditerranéen, accueillant le gaz nigérian à travers le gazoduc en projet, mais aussi le gaz libyen et d’autres gaz africains ; (vi) avec son marché domestique, l’Algérie est en mesure de soutenir l’expansion des entreprises européennes pénalisées par l’impossibilité d’une relance de type keynésien du fait de la grave crise économique vécue par l’Europe et la fièvre qui la signale avec insistance, l’inflation conjuguée avec une récession rampante avec à l’horizon le spectre d’une stagflation. Bien entendu, si le marché algérien peut être une planche de salut pour l’Europe, il revient d’abord de droit aux entreprises algériennes. Pour y accéder et résister à la concurrence asiatique, elles doivent construire des partenariats stratégiques avec celles-ci, impliquant nos universités et notre recherche. Dans la suite de ce qui a été avancé plus haut pour les énergies vertes, nous avons ici une configuration idéale pour faire émerger des leaders technologiques et industriels dans la transition énergétique, algériens et européens, avec même des liens de capital à travers des filiales à fort potentiel ; (vii) Enfin, l’Algérie est également puissante par ses ressources minières. Mon ami, l’expert géologue Nacer Kazi-Tani n’a cessé de l’affirmer, se fondant sur les très sérieuses études qu’il a faites, l’Algérie est riche de ressources précieuses aujourd’hui, lithium, silice et est créditée de 20% des réserves de terres rares.
Pour conclure ce point, toutes ces caractéristiques font de l’Algérie un partenaire stratégique d’excellence qui ne doit pas être confiné au rôle de simple source, simple exportateur de matières premières. L’Algérie doit s’appuyer sur ses avantages comparatifs naturels et construits pour s’imposer comme le partenaire incontournable de l’Europe à travers ses ressources naturelles, ses entreprises, ses universités et sa recherche, à travers fondamentalement l’intelligence des Algériens qui doit trouver là une chance de se déployer et s’épanouir. Sonatrach, entrainant dans son sillage entreprises et universités, peut être le vaisseau amiral de ce partenariat de type nouveau qui devra impérativement exercer un effet de levier sur notre développement scientifique, industriel et technologique. Dans ce cadre, l’augmentation des capacités d’exportation gazières, mais aussi énergétiques en général, algériennes peut être une solution d’avenir pour assurer les équilibres énergétiques européens qui ne peuvent faire l’économie d’un nouveau paradigme qui impliquerait l’exportation de gaz et d’électricité verte depuis l’Algérie, mais aussi des partenariats industriels avec des chaines de valeur enjambant la Méditerranée et n’hésitant pas à localiser dans notre pays des segments à haute intensité technologique. Ici encore la transition énergétique est doit être considérée un thème partenarial fort.
Pour ce qui est de l’incrément de volume de gaz que l’Algérie pour fournir à l’Europe, l’Italie et la France essentiellement, celui-ci ne doit pas se faire au détriment de la santé de nos gisements déjà éprouvés par un arrêt de notre développement gazier vingt ans durant, par la surexploitation de gisements stratégiques comme Hassi Rmel où la réduction de la réinjection, déjà faite par le passé, pour augmenter les volumes exportables peut occasionner de graves et irréparables dommages. L’augmentation de nos exportations vers l’Europe ne saurait dépasser, toutes choses égales par ailleurs, un seuil maximal autour 3 Gm3/an, bien loin de remplacer les 170 Gm3 russes. Mais une action conjuguée énergéticiens européens-Sonatrach avec un partage de l’investissement et du risque pourrait, dans le cadre de ce que nous développons dans cet article, accroitre sensiblement ces volumes.
Peut-on dire que le modèle de coopération qui a été établi avec l’Italie en matière d’investissement dans l’amont hydrocarbures et la transition énergétique est aujourd’hui le modèle sur lequel seront calqués les futurs contrats gaziers de l’Algérie ? Quels en sont les enjeux à moyen et long terme ?
Je crois que j’ai répondu en grande partie à cette question plus haut. Mais je voudrais m’attarder spécifiquement sur l’Italie qui reste dans le cœur des Algériens le pays d’Enrico Mattei, le patron emblématique de la compagnie pétrolière italienne ENI, notre partenaire, qui a apporté un soutien déterminant à l’Algérie en guerre pour son indépendance et dont notre plus important gazoduc transcontinental porte le nom. Je pense que tous les principes et approches que j’ai abordés plus haut s’appliquent particulièrement à l’Italie. Il ne faut pas hésiter à engager des partenariats stratégiques avec ce pays, renforcer les liens entre nos énergéticiens, nos entreprises, nos universités. Le partenariat entre Sonatrach et l’ENI, la première compagnie venue s’engager dans l’amont algérien dans le cadre de la loi de 1986, un pionnier du prolifique bassin de Berkine, une compagnie qui ne nous a pas quittés dans les moments les plus durs de notre histoire récente, est encourageant. Ce partenariat embrasse l’amont, mais aussi les énergies vertes et l’hydrogène. L’Italie veut s’imposer comme un hub gazier pour l’Europe, je pense qu’elle a tous les atouts et est la plus qualifiée pour atteindre cet objectif. Considérons cette ambition comme un projet commun et pensons à deux hubs gaziers, un en Algérie, Hassi Rmel et un en Italie qui se complètent et se développent en commun.
L’Italie a réussi dès le mois de mars à sécuriser une partie de ses approvisionnements grâce à de nouveaux accords signés entre ENI et Sonatrach. Le Français Engie négocie une augmentation de ses achats de gaz algérien, tandis que l’Espagne qui se rend compte tardivement de la gravité des conséquences de la brouille diplomatique avec Alger tente de revenir sur la scène. L’intérêt pour le gaz algérien est certain. Sur un plan économique et géopolitique, dans quelle mesure l’Algérie peut-elle mettre à profit la conjoncture actuelle ?
La visite du président français fut une réussite, mais laisse perplexe, car aucun projet industriel structurant et intégrant pour notre économie et nos entreprises ne l’a prolongée, pas même l’énoncé d’une vision dans ce sens. La France est plus qu’un voisin puisqu’une importante diaspora algérienne y vit, puisque pour nombreux Français aussi, l’Algérie est un pays proche pour lequel ils portent un regard bienveillant. Je pense, pour ma part, que cela est vrai aussi pour les Algériens qui ne comprennent pourtant pas de nombreux discours et postures touchant notre pays. Pour cela, il me semble déceler dans la vision française une panne stratégique considérant l’Algérie. Toutes les affinités manifestes sont occultées dans la géopolitique régionale de la France, de même que les industriels français semblent considérer l’Algérie essentiellement comme un marché et non comme un partenaire stratégique au potentiel infini. Pendant que Renault édifiait un immense complexe industriel dans un pays voisin, il construisait dans la banlieue de Boufarik une académie pour former sa force de vente. Pendant que Peugeot s’engageait dans ce même pays dans un projet grandiose (et Dieu sait si les voitures Peugeot, depuis la 404, puis la 504 étaient chères au cœur des Algériens qui aujourd’hui tendent à regarder de plus en plus du côté de la Corée du Sud et du Japon, déjà de la Chine… peut-être irréversiblement), la visite du Premier ministre français en Algérie se concluait par la signature d’un contrat pour la construction d’une usine de mayonnaise !
Ceci étant posé, ENGIE, mais aussi TOTAL sont des partenaires de longue date et qui me semblent vouées à le rester, nos équipes opérationnelles se connaissent et se respectent. Je pense que les discussions avec Sonatrach ont été fructueuses et qu’elles porteront leurs fruits. Il est normal que contractuellement l’on réévalue périodiquement les prix dans les contrats gaziers, car les conditions du marché changent. Parfois les prix ont été réévalués à la baisse, au bénéfice des pays européens et à notre détriment ! Je suis optimiste quant à ces partenariats. Il faut cependant souhaiter que les énergéticiens français s’engagent davantage dans le développement de notre amont et dans la transition énergétique pour former, pourquoi pas, un puissant champion industriel et technologique qui sera dans le peloton de tête dans la transition énergétique. L’ENI italienne peut compléter ce partenariat stratégique qui figurera parmi les leaders, j’en suis persuadé. Ce partenariat de type nouveau serait salutaire pour impulser les relations économiques entre l’Algérie et la France. Je le vois pour ma part comme un partenariat algéro-européen. De la même manière que le charbon et l’acier ont été à l’origine du partenariat qui a conduit à la Construction européenne, l’énergie peut l’être dans la Méditerranée occidentale avec comme leaders l’Algérie, l’Italie et la France.
L’Allemagne est également un acteur qui se manifeste et exhume le projet du gazoduc Midcat pour interconnecter la péninsule ibérique au réseau européen et ainsi acheminer le gaz algérien via deux voies, la voie italienne et la voie espagnole. Quelle pourrait être l’intérêt stratégique de ce projet et pourquoi n’a-t-il pas été réalisé jusqu’à présent ?
Ce fameux projet Midi-Pyrénées – Catalogne, dit MidCat ! Ah combien nous l’avions souhaité et réclamé, alors que la partie française s’y opposait. Le résultat est que la gaz algérien était piégé dans la péninsule ibérique et ne pouvait accéder au marché gazier européen fortement interconnecté par gazoducs. Nous aurions pu vendre par des opérations de swap du gaz acheminé vers l’Espagne depuis le défunt Gazoduc Maghreb – Europe ou le Transmed aux pays Nord européens, dont l’Allemagne qui étaient demandeurs. Las. Nous devions nous contenter de la péninsule ibérique par ailleurs innervée en gaz par des usines de regazéification de GNL. C’est ainsi que les volumes que nous livrions à l’Espagne dépassaient les limites fixées par les autorités. Il est vrai que l’État espagnol revendiquait avec insistance l’ouverture d’une route transpyrénéenne pour le gaz, y voyant par ailleurs des avantages stratégiques certains. L’opposition de la France notamment invoquant des raisons écologiques et le coût (500 millions de dollars est-ce un coût prohibitif ?) est aujourd’hui contrariée par les nouvelles conditions qui affectent la scène énergétique européenne et l’insistance de l’Allemagne à intégrer cette voie comme un élément de la solution. Nous ne pouvons que soutenir cette démarche, n’oublions pas aussi que nous sommes actionnaires dans l’usine de regazéification de Reganosa en Espagne. Ceci dit, dans cette bataille entre l’Espagne qui veut devenir un hub gazier et l’Italie, je crois bien que ce dernier pays, proche de la source algérienne, accessible aux sources africaines demain et fortement interconnecté au réseau gazier européen, a pris une avance difficile à combler.
L’Algérie dispose de deux gazoducs, le Medgaz et le Transmed, pour alimenter l’Europe en gaz en plus d’importantes capacités de liquéfaction et de détenir via la Sonatrach des parts dans un terminal de regazéification dans la péninsule ibérique. Elle devient cependant un acteur central en matière d’approvisionnement en gaz de l’Europe. Elle est également appelée à devenir un hub de l’acheminement du gaz africain vers la Méditerranée à moyen terme grâce au lancement du projet de gazoduc transsaharien. Peut-on s’attendre à voir l’Algérie et ses partenaires investir dans de nouvelles capacités de transport de gaz ? Y-t-il une possibilité de relancer le Galsi projet abandonné en raison d’un manque d’intérêt côté européen ?
En effet, l’Algérie voit sa position renforcée, pas seulement sur le plan gazier ni énergétique en général comme je l’ai exposé plus haut. Dans la stratégie évoquée dans ce texte, le gazoduc Galsi, reliant les côtes algériennes, donc Hassi Rmel et la Sardaigne revient en effet à l’ordre du jour. Il sera une pièce maitresse dans la stratégie gazière algérienne, mais aussi italienne et européenne. L’argent étant le nerf de la guerre, pour que toutes les pièces du puzzle puissent s’assembler, il faut que les énergéticiens et entreprises européennes en général investissent en Algérie, notamment dans nos gisements, mais aussi dans l’exploration et la transition énergétique. Le potentiel de notre pays est particulièrement souligné aujourd’hui comme cela a été démontré plus haut. L’Algérie est, selon mon expression qui s’est popularisée, une pile électrique à ciel ouvert dont les Européens auraient tort de se priver des possibilités infinies qu’elle ouvre. J’ajouterai que notre pays présente de fortes caractéristiques légitimant son ambition d’émergence. Pour cela, il est attentif aux solutions partenariales, que ce soit dans les domaines énergétique ou minier en particulier, ou plus généralement dans le domaine industriel dans des perspectives d’import-substitution qui peuvent être avantageusement intégrées dans un partenariat stratégique global, mais aussi et surtout dans les domaines de la science et de la technologie, le jeu est ouvert. Et nos amis européens savent parfaitement qu’en matière de stratégie il n’est pas de place pour l’erreur. L’Algérie est un partenaire stratégique de choix pour les pays européens, non pas seulement du Sud, qui devront surveiller comme le lait sur le feu et se méfier de leurs concurrents asiatiques, dont la Chine aux relations historiquement fortes avec l’Algérie. Comme nous l’enseignent les stratèges militaires, l’espace nous pouvons le dominer, mais le temps nous domine toujours.
S.G.