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Amérique Latine : Le Pérou dans la tourmente

La justice péruvienne a rejeté la demande de remise en liberté du président destitué Pedro Castillo.

La Cour «déclare infondé le recours en appel introduit par la défense» du président destitué, arrêté le 7 décembre, a indiqué en effet mardi le juge César San Martin en lisant sa décision lors d’une audience télévisée. Elle estime notamment que l’échec de la tentative du coup de force de Castillo n’excuse pas son crime, soulignant qu’en voulant «instaurer un gouvernement d’exception, il voulait altérer l’ordre constitutionnel». Cette décision ouvre la porte à l’extension de sa détention. La Cour suprême avait ordonné son placement en détention provisoire pour sept jours le 7 décembre, jour de son arrestation, délai qui a expiré hier à 13h. Le Parquet devait donc demander une prolongation. Pendant l’audience, l’ancien président s’est montré combatif, saisissant l’occasion pour lancer : «Je ne renoncerai jamais et n’abandonnerai pas cette cause qui m’a amené ici. J’exhorte les forces armées et la police nationale à déposer les armes et à cesser de tuer ce peuple qui a soif de justice». «Je suis détenu de manière injuste et arbitraire, je ne suis ni un voleur, ni un violeur, ni un corrompu ou un voyou», s’est-il aussi défendu. Les manifestations exigeant la libération de Pedro Castillo, la démission de la nouvelle présidente Dina Boluarte – ex-vice-présidente de Pedro Castillo et issue du même parti radical de gauche que lui – et la dissolution du Parlement, se poursuivaient hier avec de nombreuses routes bloquées dans 13 des 24 régions, selon la police. «Les manifestations se sont intensifiées depuis le 7 décembre. Au début, il s’agissait d’une petite mobilisation (…) mais les jours suivants, elle est devenue plus importante (…) et plus violente», a estimé la médiatrice de la République Eliana Revollar à la presse. «C’est une convulsion sociale très sérieuse, nous craignons que cela ne débouche sur un soulèvement parce qu’il y a des gens qui appellent à l’insurrection, qui demandent à prendre les armes», s’est-elle inquiétée. Elle a confirmé le bilan de 7 morts, ajoutant que plus de 200 personnes avaient été blessées. La présidente Boluarte a, elle, appelé une nouvelle fois au «calme et à la paix», en annonçant que les autorités allaient «évaluer» en soirée la pertinence de déclarer l’état d’urgence sur tout le territoire. Lundi, le nouveau gouvernement avait déclaré l’état d’urgence pour 60 jours dans sept provinces de la région d’Abancay (Sud) et révoqué tous les préfets nommés par le gouvernement de Pedro Castillo. Mardi soir, après une réunion de crise, le ministre de la Défense Alberto Otarola a annoncé que l’état d’urgence avait été déclaré dans deux autres régions dans le sud, Arequipa (qui comprend la deuxième ville du pays) et Ica. Un cadre qui permet notamment à l’armée d’intervenir en même temps que la police. La partie sud du pays, avec la région touristique de Cuzco et la deuxième plus grande ville Arequipa, et celle au nord sont les zones les plus touchées par les manifestations. Le train reliant Cuzco et la citadelle inca du Machu Picchu, le joyau touristique du Pérou, a été suspendu mardi et mercredi en raison de la situation, a annoncé l’opérateur. À Lima, à l’image des derniers jours, des échauffourées ont eu lieu en soirée entre policiers et manifestants près du Congrès dans le centre-ville. Sous pression, Dina Boluarte avait annoncé dimanche soir vouloir avancer les élections générales de 2026 à 2024, sans parvenir à apaiser les tensions. Le 7 décembre, Pedro Castillo, 53 ans, avait ordonné la dissolution du Parlement qui avait peu après voté, à une large majorité, sa destitution pour «incapacité morale». Avant sa tentative ratée de dissoudre le Parlement, les procureurs avaient déjà accusé l’ex-président péruvien d’être à la tête d’une «organisation criminelle». Il fait l’objet d’enquêtes pour entrave à la justice, trafic d’influence, corruption ainsi que pour plagiat.

K.L. et agences

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