La Banque d’Algérie renforce son arsenal de stabilité financière : Un mécanisme de liquidité d’urgence instauré
Un dispositif cadré pour prévenir les crises bancaires tout en préservant la discipline de marché
La Banque d’Algérie vient d’adopter le règlement n° 25-04 du 7 mai 2025, instaurant un cadre réglementaire précis pour l’octroi d’apports de liquidité d’urgence aux établissements bancaires en difficulté. Cette mesure s’inscrit dans une démarche de renforcement de la stabilité du système financier algérien, tout en maintenant des conditions strictes pour éviter l’aléa moral.
Le nouveau texte, publié dans la dernière livraison du Journal officiel, établit deux catégories d’intervention distinctes. Pour les banques « solvables et viables » confrontées à des problèmes temporaires de liquidité, l’aide sera accordée contre présentation de garanties appropriées couvrant intégralement le montant emprunté. En revanche, pour les établissements présentant des incertitudes sur leur solvabilité, l’intervention nécessitera une garantie intégrale de l’État. Cette distinction traduit une approche graduelle du risque systémique. Les banques fondamentalement saines bénéficient d’un accès direct au mécanisme, tandis que celles en situation plus fragile requièrent l’engagement de la puissance publique, signalant ainsi la gravité de leur situation aux autorités.
L’accès au dispositif reste conditionné par l’épuisement préalable de toutes les sources alternatives de financement, incluant le soutien actionnarial, les financements interbancaires et les opérations classiques de refinancement de la Banque centrale. Cette exigence vise à préserver la discipline de marché et à éviter que le mécanisme d’urgence ne se substitue aux solutions normales de financement. La banque demandeuse doit également présenter un plan d’action crédible détaillant les mesures correctives envisagées pour restaurer durablement sa situation de liquidité. Cette obligation renforce la dimension préventive du dispositif et responsabilise les établissements bénéficiaires.
Les conditions d’octroi reflètent le caractère exceptionnel de ce mécanisme. Le taux appliqué correspond au taux de facilité marginale majoré d’une marge pénalisante, décourageant ainsi les recours abusifs. La durée maximale d’engagement est limitée à six mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions.
Le montant accordé fait l’objet d’une évaluation mensuelle basée sur l’estimation des flux nets de la banque, permettant un ajustement fin aux besoins réels. Cette approche dynamique évite les sur-financements tout en assurant une couverture adéquate des besoins légitimes.
Toute décision d’octroi relève du Conseil monétaire et bancaire, garantissant une évaluation collégiale des risques. Le ministère des Finances est systématiquement informé des opérations, assurant une coordination entre les autorités monétaires et budgétaires, particulièrement cruciale lorsque la garantie de l’État est engagée. Le règlement prévoit également une adaptation spécifique pour les banques pratiquant la finance islamique, reconnaissant les particularités de leur modèle d’affaires et de leurs instruments financiers.
Ce nouveau cadre s’inspire des meilleures pratiques internationales en matière de prêteur en dernier ressort. Il concilie la nécessité de prévenir les crises systémiques avec l’impératif de maintenir la discipline de marché. L’exigence de garanties appropriées et le caractère pénalisant du taux d’intérêt dissuadent les comportements opportunistes tout en préservant l’efficacité du mécanisme en situation de crise véritable.
L’entrée en vigueur de ce règlement marque une étape importante dans la modernisation du cadre prudentiel algérien. Il dote la Banque centrale d’un instrument d’intervention gradué, capable de répondre aux différents degrés de stress financier sans compromettre la stabilité d’ensemble du système bancaire national.
Sabrina Aziouez