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Macron désavoue Retailleau

La crise diplomatique entre l’Algérie et la France prend un nouveau tournant.

Au deuxième et dernier jour de sa visite au Portugal, le président français Emmanuel Macron a tenu à apaiser les tensions avec Alger, désavouant clairement son ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau qui avait multiplié les déclarations incendiaires ces dernières semaines. « Il ne faut pas que les relations fassent l’objet de jeux politiques », a déclaré le président français vendredi lors d’une conférence de presse à Porto, mettant ainsi un frein aux propos de son ministre. Cette intervention survient alors que les relations bilatérales se sont fortement dégradées, atteignant un niveau de tension sans précédent. L’inquiétude grandit dans les milieux politiques français quant à cette escalade alimentée par les cercles de droite et d’extrême droite au regard des intérêts économiques et sécuritaires qui lient les deux pays. Rappelons que la France est le second partenaire commercial de l’Algérie et importe 8% de son gaz d’Algérie. Premier message fort du président français: les accords de 1968 ne seront pas remis en cause de manière unilatérale. « On ne va pas les dénoncer de manière unilatérale. Ça n’a aucun sens », a-t-il affirmé catégoriquement. Pour Emmanuel Macron, le problème ne réside pas dans ces accords « sur lesquels il y a beaucoup de commentaires, parfois d’ailleurs factuellement faux », a-t-il précisé. Il s’agit là d’un désaveu cinglant pour Bruno Retailleau qui avait multiplié les attaques contre cet accord franco-algérien, le présentant comme la source de tous les maux migratoires en France. Le second désaveu pour le ministre français de l’Intérieur porte sur la méthode employée.

Guerre au sommet

Selon Macron, « les choses se font bien quand elles se font avec exigence, avec engagement. Mais il ne faut pas qu’elles fassent l’objet de jeux politiques. Il faut qu’elles soient faites avec ce que notre pays mérite quand on parle de sa sécurité, c’est-à-dire un sens du réel et simplement une culture du résultat et de l’efficacité, et ensuite ce que le lien qu’il y a entre nos pays exige. Et donc nous, on veut être respecté et on le fera aussi avec respect ». Ce passage constitue une critique à peine voilée de la gestion de la crise par Bruno Retailleau, dont les ambitions politiques ne sont plus un secret. Le ministre français de l’Intérieur vise en effet la présidence du parti Les Républicains pour se positionner dans la course à l’élection présidentielle de 2027, ce qui dénote clairement de tensions pour ne pas dire de guerre au sommet de l’État français. Dans cette perspective, l’Algérie représente un sujet qui offre une bonne visibilité dans l’opinion publique française. Mais ses déclarations sur l’Algérie et les Algériens ont manifestement dépassé les limites du respect qu’une relation entre deux pays exige, provoquant cette mise au point présidentielle.

Une provocation de trop

Pourtant, malgré ces propos apaisants de Macron, la situation s’est encore envenimée quelques heures plus tard lorsque, selon l’agence APS, l’épouse de l’ambassadeur d’Algérie au Mali s’est vu refuser l’entrée sur le territoire français par les services de la police des frontières, prétendument parce qu’elle n’avait pas d’argent, alors même qu’elle était en règle, munie d’un certificat d’hébergement, d’un document d’assurance et de la carte de crédit de son époux. L’APS qualifie cet incident de « provocation de trop » de la part du ministre de l’Intérieur, soulignant que « ce ministre qui fait de l’Algérie son seul et unique programme a décidé de jouer la carte de la rupture avec l’Algérie sur le dos de son président ». Face à ce que l’agence décrit comme un « double langage au sommet de l’État français », l’Algérie ne peut plus « rester les bras croisés et va prendre toutes les mesures de riposte qu’impose cette situation ». Cette riposte a d’ailleurs été formalisée la veille par le ministère des Affaires étrangères algérien, qui a annoncé jeudi sa détermination à répondre à toute mesure restrictive imposée par Paris. Dans un communiqué ferme, il a indiqué que l’Algérie « rejette catégoriquement les ultimatums et les menaces » et « appliquera une réciprocité stricte et immédiate à toutes les restrictions apportées aux mobilités entre l’Algérie et la France ». Le ministère algérien a tenu à souligner que « dans la montée en cadence de l’escalade et des tensions que la partie française a imprimées à la relation entre l’Algérie et la France, l’Algérie n’a pris l’initiative d’aucune rupture et a laissé la partie française en assumer seule la responsabilité pleine et entière ». Alger affirme s’être « astreinte au calme, à la mesure et à la retenue », avec pour unique objectif « d’exercer ses droits et d’assumer ses devoirs vis-à-vis de ses ressortissants vivant en France ». Les autorités algériennes ont également rappelé que « le droit français, les conventions bilatérales, le droit européen et le droit international sont tous du côté de l’Algérie, notamment en matière de protection consulaire de ses ressortissants ». Elles dénoncent particulièrement « le recours abusif et arbitraire aux décisions administratives d’éloignement des ressortissants algériens, les privant de l’usage des voies de droit que leur garantit la législation française elle-même ». L’Algérie réaffirme son attachement « au respect de l’intégralité du corpus juridique régissant les mobilités entre l’Algérie et la France, sans sélectivité et sans détournement de ses vocations, telles qu’elles ont été identifiées conjointement par l’Algérie et la France ». Mais cet attachement aux principes s’accompagne désormais d’un avertissement clair : « toute remise en cause de l’Accord de 1968, qui a été au demeurant vidé de toute sa substance, sera suivie de la part de l’Algérie d’une même remise en cause des autres accords et protocoles de même nature, sans préjudice d’autres mesures que ses intérêts nationaux lui dicteraient d’adopter ». Le ministère conclut par une critique acerbe de l’influence de l’extrême droite française sur la relation bilatérale : « Ainsi, l’extrême droite française revancharde et haineuse aura réussi son pari. La relation algéro-française qu’elle a prise en otage aura été mise au service de basses œuvres politiciennes indignes d’elle. » Cette crise diplomatique pourrait avoir des conséquences significatives sur les échanges économiques, culturels et humains entre les deux pays si elle venait à s’aggraver davantage, malgré les tentatives d’apaisement du président français qui semblent contredites par les actions sur le terrain attribuées à son ministre de l’Intérieur.

Hocine Fadheli

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