Régularisation du commerce du « cabas » : Tebboune accélère le processus
Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a présidé dimanche une réunion de travail consacrée à la finalisation du décret exécutif sur les petits importateurs, en prévision d’une publication imminente du texte.
Cette annonce, diffusée sur la page Facebook officielle de la présidence de la République, marque l’aboutissement d’un processus de régularisation du commerce informel transfrontalier, communément appelé « commerce du cabas », décidé lors du conseil des ministres du 18 mai dernier. La publication imminente de ce texte réglementaire concrétise la volonté présidentielle d’intégrer cette activité parallèle dans l’économie formelle plutôt que de la réprimer. Cette démarche de régularisation répond à un phénomène économique d’ampleur considérable qui touche plusieurs centaines de milliers de personnes en Algérie. Selon une récente analyse du Cercle de réflexion autour de l’entreprise (CARE), le commerce du cabas représenterait un flux marchand annuel de 2 à 3 milliards de dollars, donnant la mesure d’une activité qui dépasse largement le simple commerce de proximité. Ces chiffres, bien qu’à prendre avec précaution selon le think tank économique, révèlent l’importance économique et sociale d’un secteur longtemps ignoré par les autorités malgré son caractère institutionnalisé de fait.
Le commerce du cabas concerne principalement de jeunes commerçants qui font entrer des marchandises sur le territoire national en petites quantités, usant de stratagèmes pour contourner la réglementation douanière et commerciale. Par ce circuit informel, ils parviennent à inonder le marché de produits étrangers en principe interdits à l’importation ou soumis à de fortes taxes. Cosmétiques, confiseries, habillement, téléphones portables et autres marchandises sont ainsi importés illégalement depuis la Turquie, la Chine, les Émirats arabes unis, la France et d’autres pays.
Ces derniers mois, l’étau s’est progressivement resserré sur ces activités avec l’intensification des contrôles douaniers et des services du commerce. Cependant, plutôt que d’opter pour une stratégie purement répressive, le chef de l’État a choisi une approche pragmatique de régularisation et d’intégration dans le circuit formel. Cette décision s’inscrit dans une logique de protection sociale et économique des jeunes entrepreneurs informels, reconnaissant leur rôle dans l’économie nationale.
Le communiqué du conseil des ministres du 18 mai avait explicitement mentionné cette orientation : « Par souci de la situation des différentes franges de la jeunesse, le président de la République a ordonné un règlement global et définitif de la situation des jeunes travaillant dans l’auto-importation et leur protection par leur intégration dans l’activité régulière du commerce extérieur en leur accordant les avantages prévus par la loi de l’auto-entrepreneur. » Cette approche témoigne d’une volonté de transformation structurelle plutôt que de simple régulation.
L’analyse du CARE souligne que ce phénomène, bien qu’on le retrouve sous d’autres formes ailleurs, a pris en Algérie une ampleur tout à fait singulière, devenant « une modalité de subsistance institutionnalisée, à défaut d’être reconnue ». Le commerce du cabas porte principalement sur des produits de première nécessité, des articles introuvables localement ou inaccessibles à des prix raisonnables, ainsi que des biens recherchés pour leur qualité perçue. Contrairement aux idées reçues, il ne concerne ni des volumes industriels ni des réseaux organisés de fraude, mais répond à une demande populaire réelle.
Loin d’être un simple parasite économique, ce commerce informel remplit plusieurs fonctions sociales et économiques vitales selon les experts. Il agit comme une soupape pour les ménages modestes et un filet de sécurité pour les sans-emploi.
Samir Benisid