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Hirak et propagande médiatique en contexte postcolonial : Les mécanismes de la guerre de quatrième génération décortiqués

Le mouvement populaire appelé communément «hirak populaire», déclenché le 22 février 2019 continue toujours de susciter l’intérêt des chercheurs et universitaires algériens et étrangers. Ainsi, « Hirak et propagande médiatique en contexte postcolonial » est un nouvel essai critique signé par l’anthropologue et chercheur Yazid Ben Hounet aux éditions de l’ANEP. Ce chercheur décortique notamment l’attitude l’attention des médias français et leurs discours qui s’inscrit dans des relations d’hégémonie et de domination coloniale et postcoloniale qu’ils tentent de prolonger. Cet essai apporte un regard critique sur la propagande médiatique visant à déformer la réalité politique algérienne. Ainsi, la propagande médiatique en contexte postcoloniale se nourrit de l’action conjointe du néo-colonisé et du néo-colonisateur. 

La préface de l’ouvrage a été rédigée par le ministre de la Communication, Ammar Belhimer, qui dénonce l’action déstabilisatrice de certaines ONG étrangères et leurs relais médiatiques, dont «l’objectif concernant l’Algérie est on ne peut plus clair : éloigner l’Armée nationale populaire de son rôle historique naturel de protection de l’Etat-nation -seul garant de la souveraineté nationale, du progrès et de la justice sociale». Et d’ajouter dans la foulée que «les relais internes de ces ONG feignent d’ignorer qu’aucun des pays ayant emprunté la voie du processus constituant issu des laboratoires atlantistes n’est sorti indemne de l’effondrement de l’Etat national, de la partition territoriale et de la guerre civile». Le ministre de la Communication a souligné qu’ «entre silence et aplaventrisme, l’immaturité des groupuscules laïco-démocrates, ultra-minoritaires dans le corps social et fortement arrimés au sacro-saint logiciel alarmiste transitionnel et constituant ne laisse aucun doute sur leur identifiant politique, même s’ils font grand bruit dans les médias étrangers». Cette attitude s’explique, selon le ministre, par la position constante et inaliénable de l’Algérie en faveur la défense des causes justes, à l’instar de celles des peuples sahraoui et palestinien et son refus «de toute normalisation avec l’Etat sioniste, très en vogue ces derniers temps». Ce qui a entrainé, selon lui, des attaques médiatiques et des critiques de la part de mercenaires de tous bords. La voie idoine empruntée pour ses attaques est la guerre électronique, explique-t-il. Plus explicite, il a averti que «le cyber-harcèlement émanant d’usines à trolls étrangères, notamment israéliennes ou marocaines-avec le soutien technologique français-s’acharne à faire voler en éclat le tissu social et à déstabiliser notre pays». Une menace qui se précise davantage avec le soutien apporté par le Makhzen marocain au mouvement séparatiste «MAK», dirigé par Ferhat Mhenni qui revendique l’autonomie de la Kabylie. Par ailleurs, cet ouvrage éclaire, selon son auteur, au retour l’intérêt porté, par les autorités algériennes, à la guerre de quatrième génération -comprenant la manipulation des médias- destinée à déstabiliser les Etats qui ne s’inscrivent pas dans les logiques des puissances et lobbys néocoloniaux et impérialistes. 

Ce chercheur a relevé que depuis 2019, l’Algérie a connu plusieurs changements politiques via des élections « qui, si elles n’ont pas mobilisé beaucoup d’électeurs, se sont néanmoins déroulées de manière transparente », précisant au passage que « l’armée n’a pas été utilisée pour réprimer la population algérienne, ni d’autres populations d’ailleurs et les seuls militaires morts dans leur mission l’ont été en sauvant des citoyens lors des incendies survenus au mois d’août 2021 en Kabylie ».

Continuant sur sa lancée, l’auteur relève que sur la même période soit 2019-2021, «la France, septième puissance militaire du monde, en opération dans plusieurs pays -dont le rapport Duclert (2021) a mis en avant le rôle d’appui dans le génocide au Rwanda-, soutenait militairement encore le dictateur tchadien Idriss Déby mort en 2021». En métropole et dans les territoires ultra-marins, le mouvement social des Gilets jaunes faisait l’objet d' »une des répressions les plus féroces depuis 1962″ et au Maroc, « une bonne partie de l’armée demeurait employée à occuper illégalement le Sahara occidental et à y réprimer les populations locales », alors qu’Israël « utilisait encore son armée pour maintenir son occupation coloniale, mettre au pas les Palestiniens et bombarder Ghaza de manière répétée », a souligné l’auteur.

Curieusement, dans les médias mainstream français, notamment, observe Yazid Ben Hounet, l’Algérie est toujours dépeinte comme « une dictature ou un régime militaire », alors que dans ces médias « il est à peine permis de s’inquiéter de la dérive autoritaire de la France », le Maroc est « encore présenté, en particulier dans Le Monde, comme un ami de la France, ‘à l’inquiétante régression autoritaire’ – pas encore un régime autoritaire donc », et « Israël est, bien entendu, toujours ‘la seule démocratie au Proche-Orient’ ».

Notons que Yazid Ben Hounet est anthropologue, chercheur au Centre national de recherche scientifique et membre du Laboratoire d’anthropologie sociale (CNRS – Collège de France – EHESS). Il est docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (Paris). Ses travaux se situent à l’interstice de l’anthropologie politique et de l’anthropologie du droit, en contexte musulman notamment au Maroc, en Algérie et au Soudan.

Faiçal Bedjaoui

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