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Tensions en Tunisie, crise libyenne, jeu dangereux du Maroc et poudrière sahélienne : Le Maghreb face à de nombreux périls

Dans la région, tout laisse penser que les zones de turbulences seront nombreuses lors des prochains mois. Le constat vaut pour au moins trois pays voisins de l’Algérie. Il s’agit de la Tunisie, du Maroc et de la Libye.

Les ingrédients d’une explosion sociale d’ampleur sont fortement présents au Maroc. Caractérisé par un chômage endémique, une économie en récession gangrénée par une corruption généralisée, des disparités sociales et une répression féroce de l’opposition et des militants des droits de l’homme, le royaume chérifien trône sur une véritable poudrière. Il ne se passe pratiquement plus une semaine sans que les syndicats marocains ne descendent dans la rue pour dénoncer les conditions de vie intenables de la population dont la paupérisation a atteint d’importantes proportions. Certaines régions pauvres du royaume sont au bord de la désobéissance civile. Autre facteur aggravant qui ne passe pas au sein de la quasi-totalité de la population marocaine est le rapprochement inédit opéré par le Makhzen avec l’entité sioniste. Les Marocains ne sont pas prêts à laisser passer cette normalisation qu’ils assimilent à une trahison. Pour eux, l’affront ne sera lavé que lorsque l’entité sioniste sera chassée du Maroc.

En offrant un poste avancé à l’entité sioniste en Afrique du nord, le Makhzen a fait accroître de façon considérable les tensions dans une région déjà en quasi situation de guerre froide en raison de ses provocations répétées à l’endroit de l’Algérie et de son refus de collaborer avec l’Onu pour trouver une issue au conflit du Sahara Occidental conforme à la légalité internationale. En laissant volontairement traîner ce conflit de près d’un demi-siècle et en optant pour la stratégie de la tension permanente, le Makhzen installe le Maghreb dans une instabilité durable qui ne profite en réalité à personne. Même pas pour lui. La logique d’escalade dans laquelle le Maroc a installé la région peut donner lieu à tous les scénarios possibles,y compris celui de la confrontation. Et à ce jeu aussi dangereux que malsain, le Maroc risque de se brûler les doigts.

Présenté au lendemain de sa Révolution du Jasmin (2011) comme un modèle à suivre pour tout le monde arabe, la Tunisie n’a pas arrêté ces dernières années de s’enfoncer dans la crise. Tenaillé par d’innombrables difficultés socio-économiques et croulant sous le poids d’une dette extérieure abyssale, ce pays risque de passer une année 2023 particulièrement difficile, surtout qu’à ces éléments s’agrège une crise politique chronique. Le président Kaïs Saied se doit de redresser très vite la barre s’il ne veut pas se retrouver dos au mur.

Inquiétudes et menaces diffuses

L’autre motif d’inquiétude est bien entendu la Libye. Plus d’une décennie après le renversement et l’assassinat par les Occidentaux de Mouammar El Gueddafi au motif d’y instaurer la démocratie, l’ex-Jamahiriya libyenne se débat toujours dans une crise inextricable. Profondément divisé, le pays est dirigé par deux gouvernements rivaux. La difficulté des différents protagonistes de la crise à s’entendre sur une issue politique et pacifique à la crise s’explique en partie par le fait que le pays est sous influence. La Libye est devenue un terrain d’affrontement en puissances régionales et extra-régionales. Ces luttes en cas d’exacerbation peuvent déboucher sur une fragmentation du pays. Le scénario est à éviter à tout prix dans la mesure où ses conséquences risqueraient d’être calamiteuses pour les pays voisins dont bien entendu l’Algérie. Ouverts aux quatre vents, les immenses stocks d’armes et de munitions légués par El Gueddafi continuent encore d’alimenter l’instabilité tant au Maghreb qu’au Sahel.

Pour les pays du Maghreb, la menace vient aussi du sud et plus précisément du Sahel avec lesquels ils partagent plusieurs grandes frontières. Cette sous-région de plus 8 millions de kilomètres carrés et à cheval sur une dizaine de pays est devenue au fil des années l’épicentre du terrorisme en Afrique. Les groupes criminels s’y livrent des guerres sans merci pour le contrôle des territoires et des populations. Connue pour être parmi les régions les plus pauvres au monde, le Sahel réunit des Etats faillis ou en voie de l’être. C’est une véritable zone grise où règnent également des narcotrafiquants et des bandes criminelles. Pour le Sahel, l’année 2023 s’annonce tout aussi difficile qu’a été l’année 2022, surtout que le terrorisme a gagné du terrain.

C’est le cas tout au moins au Mali et au Burkina Faso. Cette avancée terroriste intervient dans un contexte où ces deux pays se sont enlisés dans la tourmente politique et les aléas des transitions chaotiques. Les régimes en place peinent à affronter les deux défis cruciaux du dialogue national inclusif et de la lutte contre le terrorisme. Combien de temps ces pays peuvent encore tenir face aux coups de bélier des groupes terroristes ? Certainement très peu. Un effondrement d’un ou plus État sahélien serait une catastrophe non seulement pour l’Afrique de l’Ouest mais également pour le Maghreb. C’est la raison pour laquelle il importe pour les Maghrébins de surveiller cette région comme on surveillerait une casserole de lait sur le feu.

Khider Larbi

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