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Accord céréalier Russie-Ukraine : Quand l’Occident affame le monde

Ledevenir du Tiers Monde est en réalité le cadet des soucis occidentaux. Ces derniers se soucient si peu de l’Afrique qu’ils ne se sont pas gênés de siphonner les gros de la production céréalière mise sur le marché par l’Ukraine.

Les Occidentaux, en particulier les Européens, n’ont pas favorisé la conclusion de l’accord céréalier entre la Russie et l’Ukraine pour sauver l’Afrique ou les pays pauvres des autres continents de la crise alimentaire qui pesait sur le monde après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Ce n’est pas du tout cela. Les grands bénéficiaires de cet accord signé, il faut le dire, grâce à la persévérance et aux bons offices de la Turquie sont en premier lieu des Etats de l’Union européenne. Le devenir du Tiers Monde est en réalité le cadet des soucis occidentaux. Ces derniers se soucient si peu de l’Afrique qu’ils ne se sont pas gênés de siphonner les gros de la production céréalière mise sur le marché par l’Ukraine. Et les statistiques sont là pour le prouver. Le ministre turc de l’Agriculture et des Forêts, Vahit Kirisci, a fait savoir hier que la part des céréales fournies aux pays nécessiteux n’a atteint que 5,4%, a fait savoir hier. « Au 8 janvier, 16,9 millions de tonnes de céréales et de produits alimentaires ont été transportés à bord de 633 navires par le couloir céréalier. La part du blé allant vers les pays les moins développés n’a été que de 5,4% », a-t-il indiqué à la chaîne de télévision A Haber. Mais il n’y a pas que cela. Les Occidentaux ont également tout fait pour bloquer les engrais russes destinés à l’Afrique, cela à croire qu’ils veulent affamer le continent et casser en même temps sa production agricole.

L’accord céréalier, signé le 22 juillet 2022 par la Russie, l’Ukraine, la Turquie et l’ONU, prévoit l’exportation de blé, de produits alimentaires et d’engrais ukrainiens via la mer Noire depuis trois ports, dont Odessa. Il prévoyait aussi le déblocage des exportations alimentaires et d’engrais russes, mais, d’après Moscou, cette partie des ententes n’a jamais été respectée, malgré les assurances de l’ONU. Vladimir Poutine avait déjà noté il y a quelques mois que l’Occident acheminait la majorité des céréales ukrainiennes dans ses ports et non pas vers l’Afrique. Mais à l’époque personne n’avait voulu le croire. Dans ce contexte, Moscou s’était dit prêt à offrir l’ensemble des céréales russes concernées par l’accord à l’Afrique. Hier à Antalya, le président Tayip Erdogan a réitéré leur volonté commune d’approvisionner en blé les pays africains. « 44-46% des produits alimentaires vont où? En Europe […] Nous sommes résolus à les envoyer vers les pays pauvres africains via le couloir céréalier », a-t-il déclaré.

Jeu trouble

Le jeu trouble des Occidentaux sur la question des exportations russes de céréales et d’engrais avait, rappelle-t-on, amené Vladimir Poutine à s’interroger sur l’utilité d’un tel accord. Il avait alors décidé de suspendre sa participation, surtout que l’Ukraine ne semblait pas aussi avoir respecté sa part du contrat. Il reviendra toutefois sur sa décision après les sollicitations de l’ONU et d’un certain nombre de présidents africains, contribuant ainsi à stabiliser le marché des céréales.

À chaque secousse géopolitique, c’est sur le blé que s’expriment toutes les inquiétudes, même si le maïs représente près de la moitié des grains exportés par bateaux. Selon certains spécialistes, son prix monte plus haut, car il sert à l’alimentation humaine et non pas animale. À ces inquiétudes s’ajoutent d’autres problèmes liés notamment au climat, comme la dégradation de la récolte de blé en Argentine, qui pâtit à la fois de la sécheresse et de fortes gelées. La Bourse de Rosario a d’ailleurs révisé à la baisse son estimation de production annuelle de blé à 13,5 millions de tonnes contre 22 millions l’an dernier, ce qui marquerait un plus bas depuis sept ans. Cette piètre quantité a poussé le gouvernement argentin à vouloir « sécuriser son marché intérieur et à réfléchir à des mesures » pour éviter que tout le blé ne parte à l’export. De plus, les premières estimations sur la qualité du blé d’hiver américain qui sera récolté en 2023 sont les plus mauvaises jamais enregistrées à cette date.

Ce contexte de tension qui caractérise le marché des céréales de manière générale a déjà eu des conséquences désastreuses sur l’Afrique. Peu de pays ont les moyens de se ravitailler en blé vu son prix prohibitif. Cette année 2023, les prévisions de l’ONU montrent que si rien n’est fait, jusqu’à 48 millions de personnes pourraient souffrir de la faim en Afrique centrale et de l’Ouest. C’est ce qu’a indiqué l’Organisation des Nations unies (ONU) dans un communiqué publié le 8 décembre dernier. Selon l’Organisation, plus de 35 millions de personnes dans la région – soit environ 8% de la population évaluée – sont actuellement incapables de satisfaire leurs besoins alimentaires et nutritionnels de base. Parmi elles, 6,7 millions d’enfants avec une situation particulièrement alarmante dans les zones de conflit du bassin du lac Tchad et la région du Liptako-Gourma (Burkina Faso, Mali et Niger). Et si des solutions urgentes et durables ne sont pas mises en place, ce nombre pourrait considérablement évoluer l’année prochaine pour atteindre 9 millions d’enfants. Mais tous ces chiffres alarmants ne semblent pas émouvoir les Occidentaux. 

Khider Larbi

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