ContributionDébats

Pour un grand ministère de l’Économie

Par Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international,haut magistrat,premier conseiller et directeur général des études économiques à la Cour des comptes 1980/1983.

« Les vérités qu’on aime le moins à apprendre sont celles que l’on a le plus d’intérêt à savoir ».Proverbe chinois

Le président de la République est en colère a titré l’organe officiel APS le 22 février, dénonçantl’hydre bureaucratique qui touche certains ministères, wilayas et institutions de l’Etat et l’effritement du système d’information qui ne permet pasle suivi régulier des projets. Cela souligne l’urgence, comme je le préconise depuis 1995, de la création soit d’un grand ministèred’Etat chargé de la planification stratégique ouun grand ministère de l’économie nationale

À l’origine des surcoûts et des longs retards dans les réalisations,figurent des études techniques non maîtrisées, des retards nécessitant des réévaluations excessives des coûts, un mode de financement favorisant le gaspillage des deniers publics et la corruption. Cela montre la non-maîtrise du suivi des projets et de la gestion de la dépense publique. Or, toutprojet doit montrer clairement la hiérarchie des objectifs, les résultats escomptés par secteur, ainsi que la portée, les indicateurs de performance, les indicateurs des objectifs et des échéanciers précis et enfin l’hypothèse de risques. Or, lecontrôle de la qualité de gestion doit avoir pour finalité l’appréciation des conditions d’utilisation et de gestion des fonds gérés par les services de l’Etat, les établissements et organismes publics et, enfin, l’évaluation des projets, programmes et politiques publics où souvent on constatel’absence de maîtrise dans la gestion des projets qui font l’objet de surcoûts et de réévaluations permanentes, d’où la faiblesse de l’impact de ces projets en termes de rentabilité et de retour d’investissements. Les déficiences observées dans le processus budgétaire et les goulets d’étranglement institutionnels ont entraîné systématiquement une mauvaise exécution des programmes d’investissement. Toutes ces insuffisances ont abouti à une mauvaise programmation, à la surestimation des dépenses et à de longs retards dans la réalisation. Parmi les carences importantes observées dans ce registre, il y a le décalage entre la planification budgétaire et les priorités sectorielles, l’absence d’interventions efficaces due à un morcellement du budget résultant de la séparation entre le budget d’investissement et celui de fonctionnement et les écarts considérables entre les budgets d’investissement approuvés et les budgets exécutés. Ce qui témoigne de la faiblesse de la capacité d’exécution des organismes concernés. Les nombreuses faiblesses trouvent leur origine dans la faiblesse dela préparation technique du personnel d’exécution et la qualité des projets qui sont généralement faibles et inégales et le chevauchement des responsabilités entre les diverses autorités et parties prenantes.

Regardez toutes ces routes mal faites, alors que doit être exigé des garanties avant le paiement intégral ,sans parler des coûts exorbitants selon des sources officielles relatant les données des responsables ( sourceAPS) del’autoroute Est Ouest dont le coût a triplé depuis son lancement,étantestimé à7 milliardsau début du projet, puisà 9 milliards de dollars en 2010,puisfin 2013de 11 milliards de dollars, puis en 2019 à15 milliards de dollarset selon les dernières estimations avec les annexes le coût a atteint 20 milliards de dollarsfin 2023, début 2024.Concernant le péage, selon différents ministres, celui-cidevait se faire en 2015, puis en 2018, puis en 2020, puis en avril 2022, puis en juin 2023 et maintenantselon l’agence APS, les travauxdevraient être finalisésdébut 2024. Il s’agitd’éviter, selon les données du Premier ministère reprises par l’APS fin 2021,tous cesassainissement répétésdes entreprises publiques (250 milliards de dollars durant les trente dernières années)et les différentes réévaluations ( entre 60/70 milliards de dollars durant les 10 dernières années) qui constituent un gouffre financier. Qu’en a-t-ilété de l’application des directives du Président sur le terrain. Certains ont affirmé en 2022que l’exploitation du gisement de fer de Gara Djebileta commencé alors que les mêmes responsables annoncenten février 2023que les infrastructuresvont seulement être lancées en 2022/2023etcomme rappelé par la majorité des expertsle fer de Gara Djebilet ne pourra pas être commercialisé sans la réductionde la haute teneur en phosphore du minerai.Autre communiqué officiel en 2022,le tronçon du gazoducNigeriaEurope Algérie est en voie de réalisation et brusquementon nous annonce en ce mois de février 2023, qu’il esttoujours à l’étude (source APS) et que pour le projet de zinc/plomb,il ne sera pas opérationnel avant 2026. Où en sontles grands projets structurants qui devaient voir le jour en 2022, du port de Cherchell, du projetd’exploitation du phosphate de Tebessa:a t-on signé des contrats fermes avec des partenaires étrangers, une lettre d’intention n’engageant nullement l’investisseur, ou ces projets sont-ils toujours à l’étude? Si l’on prend en compte toutes ces incohérence auxquelles s’ajoute le processus inflationniste non maîtrisé, le président de la République ne pouvait que réagir fermement au dernier conseil des ministres.La situation actuelle rappelle celle qui prévalait vers la fin des années 1980 et après la grande pénurie que connaissait le pays après la crise de 1986, un ministre algérien avançait avec assurance à l’ENTV que le marché était saturé selon les données en sa possession, la présentatrice lui rétorquant s’il a fait un jour le marché. Comment ne pas se rappeler également qu’un ministre vers les années 2002,a déclaré officiellementqu’enAlgérie, il n’y a pas de pauvres mais des nécessiteuxet cetteimage de la télévision algérienne en 2015 où, à une question sur le taux de chômage, un ministre affirmera que les enquêtes donnent moins de 5%de taux de chômage et qu’un journaliste lui répliqua : êtes-vous sûr de vos données ? Certains responsables oublientleurs déclarations passées , face à la population qui, elle, se souvient de tout. Cela a pour conséquence l’accélération de la rupture Etat/citoyens accentuée par l’effritement du système de la communication. Avec Internet, le monde est devenu une maison de verre, mais nous assistons à des déclarations contradictoires des mêmes responsables à intervalles réguliers. Or, plusieurs conseils deministres avec des directives précisesont été consacrés à une meilleure maîtrisedes dépenses et de suivi des projets .

Sur le terrain, nous assistons à des pénuries avec l’extension de la sphère informelle. Justement concernant ce dossier épineux, le président de la République a fait unconstat en janvier 2021,et faute d’un système d’informationfiable,il a estimé les fonds circulant dans la sphère informellef entre 6000et 10.000 milliards de dinars, différence énorme, entre 33 et 45% du PIB. Le ministère du Commerce et le Conseil économique et social (source APS) avaient promis de livrer des recommandations opérationnelles fin 2021,début 2022, et se pose cette question où en sont ces recommandations ?Les expériences des pays développés montrent clairementqu’unebalance commerciale excédentaireen étouffant les entreprises pour leur fonctionnementet le citoyenconfronté à des pénuries interminables avec des hausses de prixde 100 à 200% pour les produitsnon subventionnés comme lespièces détachées n’est pas signe de développement :c’est comme un ménagequi réduit sa consommation mais cela le conduit à de nombreuses maladies. L’inertie est aussi alimentée par une bureaucratie toujours pesante. Allons voirle système financier dans son ensemble ( banques, douanes, domaine ,fiscalité)et essayons de demander la délivrance d’un livret foncier et c’est le calvaire pour le citoyen ; allezconcrétiser un projetet c’est les interminables négociations pour obtenir le terrainviabiliséet le financement. Consulter les citoyenspour les logements , avec des méthodes de construction du passé, énergivores,livrésavec des malfaçons où les citoyensrefont les seconds œuvressur leur propre budget . Certains dans l’euphorie, épaulés parcertains soi disant experts organiques pour reprendre la formule du philosophe italien Gramsci,ont avancé10 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures fin 2023, sans ventiler la structureen valeur et en volume par produits et sans dresser la balance devises, devant soustraire le montant des subventionset des matières premières importées en devises. Or,en,2022,selon les statistiques officielles de la douane 60/70% de ces exportations proviennent des dérivées d’hydrocarbures qui ont connu une flambée de prix au niveau international, donnant en additionnant leshydrocarbures brutes, semi

En conclusion, rendre plus efficace la gestion et lutter contre la corruption, produit du cancer de la bureaucratie paralysante,s’impose uneplanification stratégique, les plus grands planificateurs en ce monde incertain et en pleinbouleversementétant actuellement les multinationales.Il s’agit de ne pas confondre le tout Etat(solution de facilité des bureaucrates en panne d’imagination) avec l’importance de l’Etat régulateur stratégique en économie de marché, mais qui suppose un degré de compétences élevés pour réguler, en ce monde en perpétuel mouvement et dont les effets des tensions géostratégiques actuelles augurent de profonds bouleversements entre à l’horizon 2030.

A. M.

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