Soudan : Une catastrophe humanitaire sans précédent
Le Soudan s’enfonce dans une crise humanitaire d’une ampleur alarmante, comme en témoignent les derniers rapports présentés au Conseil de sécurité de l’ONU. Depuis le déclenchement du conflit en avril 2023 entre l’armée soudanaise du général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide du général Mohamed Hamdane Daglo, le pays est plongé dans un chaos qui ne cesse de s’aggraver. La famine, spectre tant redouté, est désormais une réalité. Le comité international chargé d’évaluer l’insécurité alimentaire a officiellement déclaré son existence dans le camp de déplacés de Zamzam, près d’El Fasher, capitale du Darfour du Nord. Stephen Omollo, du Programme alimentaire mondial, souligne la gravité de la situation : « C’est la première fois que le comité confirme une famine depuis plus de sept ans et seulement la troisième fois depuis le début du système de surveillance lancé il y a 20 ans. » Les chiffres sont vertigineux : 26 millions de Soudanais souffrent de faim aiguë. Plus de 10 millions de personnes ont été contraintes de fuir leur foyer, fuyant la violence, la faim et les privations. Le bilan humain est tout aussi lourd, avec environ 18 800 morts recensés depuis le début du conflit. Edem Wosornu, du Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), dresse un tableau sombre de la situation : « La situation humanitaire au Soudan reste une catastrophe absolue. » Elle pointe du doigt l’effondrement du système de santé et la privation d’éducation pour une génération entière d’enfants, pour la deuxième année consécutive. Au-delà de la faim, la violence reste omniprésente. Les crimes de guerre, notamment la violence sexuelle envers les femmes et les filles, sont une source de préoccupation majeure. « Les femmes et les filles du Soudan continuent d’être exposées aux pires comportements des parties au conflit, » déplore Mme Wosornu, évoquant des « niveaux horribles de violence sexuelle » touchant des filles dès l’âge de neuf ans. Face à cette situation dramatique, la réponse de la communauté internationale est jugée largement insuffisante. L’appel humanitaire pour le Soudan n’est financé qu’à hauteur de 32%, un chiffre qui témoigne du manque d’engagement global. Cette inaction suscite l’indignation des responsables onusiens. « Quand une famine se produit, cela veut dire que c’est trop tard. Cela veut dire que nous n’avons pas fait assez. Cela veut dire que nous, communauté internationale, avons échoué, » fustige Edem Wosornu.
Stephen Omollo renchérit, pointant du doigt le manque d’attention politique et diplomatique accordée à cette « crise oubliée ». Il espère que la déclaration officielle de famine servira de « signal d’alarme pour la communauté internationale et pour les membres du Conseil ». La situation au Soudan est qualifiée de « crise entièrement créée par les humains » et de « tache honteuse sur notre conscience collective » par les représentants de l’ONU. Ils rappellent que les avertissements lancés n’ont pas été entendus, malgré la clarté des mises en garde sur le risque de famine. L’urgence est désormais à une mobilisation internationale de grande ampleur. Les besoins sont immenses et multiples : aide alimentaire, soins médicaux, protection des civils, rétablissement des services de base. Mais au-delà de l’aide humanitaire, c’est aussi une solution politique durable qui est nécessaire pour mettre fin au conflit et permettre au Soudan de se reconstruire. Le cas du Soudan illustre de manière tragique les conséquences dévastatrices des conflits armés sur les populations civiles. Il soulève également des questions sur la capacité de la communauté internationale à prévenir et à répondre efficacement aux crises humanitaires. Alors que le pays s’enfonce chaque jour un peu plus dans le chaos, l’appel à l’action lancé par l’ONU résonne comme un ultime cri d’alarme. Le temps presse pour le Soudan et ses millions d’habitants pris au piège d’une catastrophe sans précédent.
R.I.