Actualité

Usage d’armes chimiques en Algérie par la France  : Un scientifique comme témoin de l’Histoire

L’université Hadj Lakhdar de Batna-1 a accueilli une conférence scientifique organisée par le laboratoire d’études en histoire, culture et société de la faculté des sciences humaines et sociales. Cette rencontre placée sous le thème « Les gaz toxiques et leur utilisation en Algérie durant la période coloniale » a mis en lumière un chapitre sombre mais essentiel de l’histoire coloniale française en Algérie. Christophe Lafaye, chercheur français spécialiste de l’histoire militaire et des conflits coloniaux, a présenté les résultats de ses recherches de terrain, notamment une enquête méticuleuse menée sur le site de Ghar Ouchttouh, dans la commune de Taxlent. Ce site conserve des traces tangibles de l’utilisation de gaz toxiques par l’armée coloniale française durant la Guerre de libération nationale. Ses travaux portent particulièrement sur une unité spécialisée dans l’usage des gaz toxiques dans les grottes pendant cette période cruciale de l’histoire nationale.

Bien que la conférence ait traité ce délicat sujet d’un angle purement scientifique et historique, elle a néanmoins suscité de nombreuses réactions et échanges animés avec l’assistance, témoignant d’un intérêt croissant pour une approche objective et précise de l’histoire. Cet engouement s’explique par l’importance du sujet traité : la question de la mémoire et les essais nucléaires opérés par la France coloniale dans le Sahara algérien demeurent au cœur des sujets que la France tente systématiquement d’éviter dans ses relations diplomatiques actuelles.

Des faits historiques accablants

Les recherches présentées par Christophe Lafaye jettent une lumière crue sur l’utilisation massive de gaz asphyxiants par la France durant la guerre de libération nationale. Entre 1956 et 1962, la France a expérimenté, autorisé puis utilisé des armes chimiques pour capturer ou tuer les soldats de l’Armée de libération nationale (ALN) qui s’étaient abrités dans des grottes, casemates ou silos à grains. Dans certaines régions, ces grottes servaient également d’abris pour les populations civiles lors des opérations militaires françaises. C’est dans ce contexte que se sont produits des crimes de guerre, comme celui de Ghar Ouchettouh les 22 et 23 mars 1959, cité par le conférencier comme exemple particulièrement documenté. La France coloniale a aussi systématiquement traité par ces moyens chimiques les grottes trop vastes pour être détruites, afin d’empêcher leur réutilisation par les moudjahid. Une réalité alarmante persiste aujourd’hui : plus de soixante ans après ces événements, certaines de ces grottes restent extrêmement dangereuses pour quiconque s’y aventurerait, témoignant de la persistance environnementale de ces agents chimiques. Le chercheur a également réalisé un film documentaire sur ce sujet, dont la censure par les autorités françaises semble confirmer indirectement la véracité des faits rapportés concernant l’usage de gaz toxiques. Cette censure illustre les difficultés persistantes à aborder sereinement ces questions mémorielles entre les deux pays. Il est important de noter que, du fait de l’amnistie générale incorporée dans les accords d’Évian, ces actes ne peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires, ce qui renforce l’importance d’un travail historique rigoureux pour établir la vérité.

Une démarche scientifique au service de la mémoire

L’importance de cette conférence, même si elle a été orientée vers un angle purement scientifique, se rapporte également à la préservation de la mémoire historique de la Guerre de Libération Nationale. D’où l’engouement manifeste de l’assistance pour cette rencontre, qui a rassemblé un grand nombre de chercheurs, d’historiens, mais aussi d’enseignants universitaires et d’étudiants, tous désireux d’approfondir leurs connaissances sur cet aspect méconnu du conflit. Cette initiative de l’université Hadj Lakhdar de Batna-1 s’inscrit dans une démarche plus large de réhabilitation de la mémoire historique, visant à documenter des aspects souvent occultés de la colonisation. Elle encourage également la recherche académique sur les crimes environnementaux et les atteintes à la dignité humaine perpétrés pendant cette période, tout en favorisant un dialogue scientifique international sur ces questions mémorielles sensibles.

Sofia Chahine

admin

admin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *