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Commémoration du 62e anniversaire des explosions nucléaires de Reggane : Un crime colonial imprescriptible

L’Algérie commémore aujourd’hui, le 62e anniversaire des explosions nucléaires menées par la France coloniale àReggane, plus précisément dans la localité d’Hammoudia.

Un crime contre l’Humanité et qui illustre la sauvagerie du colonialisme français qui n’a pas hésité à se servir des Algériens comme cobayes pour ses expériences nucléaires. Un crime imperfectible dont la France refuse, jusqu’à aujourd’hui, refuse d’assumer la responsabilité. 

Une atrocité qui reste encore ancrée dans la mémoire des Algériens et des habitants du Sud en particulier. Des habitants de la région ayant vécu cet évènement apocalyptique perpétré par la France coloniale dans la zone de Hamoudia à Reggane disent « continuer à ce jour à souffrir de ce crime odieux contre l’humanité et du drame causé à l’Homme et à l’Environnement ». Ils se souviennent, à l’instar du moudjahid octogénaire Aabella Abdallah qui travaillait alors sur le site de ces explosions nucléaires, qu’au moment où les médias français s’enorgueillissaient de la réussite de leur pays à intégrer le cercle des puissances nucléaires avec les explosions de Reggane, les habitants locaux vivaient l’enfer et la terreur qu’ils avaient eu à subir à l’aube du 13 février 1960 du fait de ces très fortes explosions ayant provoqué de nombreuses victimes et une frayeur indescriptible. Les explosions nucléaires ont engendré par la suite l’apparition de nombreuses maladies étranges parmi la population locale, tels que les malformations congénitales chez les nouveau-nés, des maladies ophtalmologiques et des cancers, en plus des dommages occasionnés à l’environnement et qui se sont répercutés sensiblement sur l’agriculture.

Ainsi, le président de l’association « El-Gheith El-Kadem » d’aide aux malades à Adrar, Abderrahmane Touhami, a fait le lien entre la radioactivité engendrée par les explosions nucléaires de Reggane et l’apparition de nombreuses maladies étranges ces derniers temps dans la région. Il alerte sur la nécessité de préserver la santé publique, surtout avec la multiplication de cas de malformations congénitales chez les nouveau-nés, en plus des cas d’handicap physique et mental et de l’accroissement de divers types de cancer. Des rapports scientifiques ont démontré, à ce sujet, le lien de causalité entre l’apparition de ces pathologies et la présence de radioactivité dont la région de Reggane souffre encore. A ce titre, de nombreux acteurs associatifs et défenseurs de droits de l’homme locaux appellent à prendre les mesures légales et préventives nécessaires pour faire face à ce risque nucléaire et ses répercussions dramatiques sur l’homme et l’Environnement. Il s’agit de répertorier les indices condamnant les crimes nucléaires français à l’encontre du peuple algérien, de consolider le système de santé dans la région et de renforcer en équipements le centre anticancéreux d’Adrar, et de décontaminer l’environnement de la radioactivité qui constitue une lourde menace sur la vie des populations locales, leur eau et leur sol, a-t-on souligné. Par ailleurs, les participants à une journée d’études organisée sur la question à Blida ont appelé hier « à déployer plus d’efforts pour dénoncer les crimes de la France coloniale et en vue de protéger les habitants de ces régions des dangers des radiations ».

Dans ce sens, le professeur en histoire moderne de l’université d’Adrar, le professeur Abdeselam Khemoune, a rappelé « les effets immédiats des explosions nucléaires ayant provoqué la mort de dix mille Algériens », précisant que « les effets actuels demeurent toujours, comme les malformations congénitales, d’autres cérébrales et moteurs, sans citer la pollution dévastatrice de l’environnement ce qui fait de cette région, une zone ou la vie est déconseillée ». « Ces crimes ont été décidés pour permettre à la France de se venger des défaites qu’elle avait subies face à l’armée  et le Front de libération national ainsi que l’échec du plan de la ligne Challe qui a nécessité une mobilisation d’énormes moyens, matériel et humain », souligne d’ailleurs l’universitaire. De son coté, le docteur Ghrib Sahraoui, cadre au sein de la direction des affaires religieuses, a appelé les chercheurs et physiciens algériens  à « s’intéresser un peu plus à la région de Reggane en mettant en avant les effets provoqués par ces essais et en soumettant  cette région à de minutieuses études en vue de dévoiler d’autres effets dans le but d’imposer à la France de présenter des excuses et de reconnaitre les crimes commis ». L’animateur du mouvement associatif et néanmoins l’un des nobles de la région de Reggane, Cheikh Hamel Si Amr, a insisté dans son intervention sur la nécessité de pousser la France à reconnaitre ses crimes », saluant sur son passage « les efforts déployés par l’ANP dans les opérations de décontaminations de la région ».

Au cœur de la question mémorielle

En février de l’année passée, l’armée nationale populaire (ANP) a exigé de la France de décontaminer les sites sur lesquels ont eu lieu ces essais nucléaires. C’est par la voix du général de corps d’armée et chef de l’état major de l’ANP , Said Chengriha, a réclamé en avril 2021, l’assistance de la France pour la décontamination des sites d’expérimentation nucléaire dans le Sud algérien et la récupération des archives des zones d’enfouissement du matériel radioactif. C’était au cours d’une entrevue qui s’était tenue entre le chef de l’état major de l’ANP et le général Le Cointre effectuant une visite à Alger, que cette demande a été faite, pour inclure ce point  au menu de la 17e session du groupe Algéro- Français, prévu en mai mais qui a été reporté à cause de la pandémie du COVID19.

Cette déclaration n’était pas la seule qui a été faite par l’Etat Algérien, qui en effet, en l’espace de deux mois, les autorités Algériennes étaient revenues à la charge sur cet héritage colonial radioactif, le plaçant comme l’un des principaux contentieux mémoriels entre les deux pays. En effet, le président de la République avait auparavant déclaré à l’occasion de la célébration de la journée de la victoire (19 mars), que « ces événements ne s’effacent pas de l’histoire des Nations par prescriptions », considérant  la remise des cartes d’enfouissement des déchets nucléaires comme « un droit que l’Etat Algérien revendique fortement, sans oublier la question de l’indemnisation des victimes Algériennes de ces essais ». Rappelons que les retombées radioactives de ces essais, ou explosions nucléaires, se font ressentir jusqu’à aujourd’hui et le nuage radioactif, atteint la région de Tamanrasset dans le grand sud Algérien, puis Ndjamena et Bangui en Afrique central pour qu’il remonte vers l’Afrique de l’ouest pour arriver dans le ciel de Bamako quatre jours seulement après l’explosion et enfin de compte, ce nuage chargé de la radioactivité n’a pas épargné les côtes méditerranéennes en atteignant l’Espagne et la Sicile en Italie. L’Algérie a signé le traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) ; lequel « comporte des obligations qui peuvent être utiles pour la décontamination des sites nucléaires effectués dans le Sahara Algérien. C’est ce qu’avait en effet affirmé l’expert nucléaire, Remki Merzak,  en septembre de l’année passée, indiquant qu’ « en ce qui concerne l’Algérie, et une fois ratifié, le traité comporte des obligations qui peuvent être utiles pour le traitement des sites  d’essais nucléaires Français effectués à Reggane et In Ekker ». Les essais nucléaires menés par la France dans le Sud algérien, restent parmi les  pires crimes perpétrés durant un siècle et demi d’occupation coloniale, dont l’impact sur l’homme et sur l’environnement exige de la France à en assumer la responsabilité. « Ces essais constituent une illustration des crimes les plus abjects ayant caractérisé la politique génocidaire pratiquée par le colonisateur que la France officielle doit pleinement assumer et reconnaitre », avait déclaré  le docteur Ammar Mansouri.  «  A cet égard il est devenu nécessaire de récupérer les archives de la période coloniale », cat dit-il « elles constituent l’instrument juridique permettant de définir le nombre exact de victimes de ces essais », avait souligné il ya de cela quelques mois, Me Fatima Benbraham, car, selon elle « le refus de la France de remettre les archives à l’Algérie et d’ouvrir les dossiers des essais nucléaires est déjà une preuve incontestable des crimes perpétrés contre le peuple Algérien en raison de ces essais dont les plaies demeurent béantes à travers le temps » L’avocate estime également que « la France a voulu effacer définitivement les traces de ses crimes en veillant à emporter avec elle la plupart des archives civiles et celles relatives aux essais nucléaires afin d’échapper aux sanctions », ce qui  a compliqué selon Me Benbraham, la définition exacte du nombre de victimes.Selon le président de l’association du « 13 février 1960 », Omar El Hamel, « il est nécessaire de prendre des mesures pratiques, pour éliminer la radioactivité nucléaire induite par les essais Français dont la répercussion perdure encore et sont susceptibles d’hypothéquer et mettre en péril, l’avenir des futures générations ».

Boubekeur Amrani

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