ContributionDébats

Un système d’information transparent fondement de toute politique économique

Par Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international

Sans la stabilité juridique et monétaire et un système d’information fiable, il est impossible à tout gouvernement de définir une bonne politique socioéconomique.

L’absence de visibilité économique compliquerait la tâche à tout entrepreneur qui veut investir à moyen et long terme dans des segments à valeur ajoutée. L’absence d’un système d’information fiable renvoie notamment à la non maitrise de la sphère informelle. Selon le dernier rapport de la banque d’Algérie du 02 avril 2024, le montant de la monnaie fiduciaire en circulation hors circuit bancaire a atteint 8026,19 milliards de dinars à fin septembre 2023 contre 7392,8 milliards de dinars à fin décembre 2022 soit au cours de 134 dinars un dollar 61,64 milliards de dollars, environ 33% de la masse monétaire en circulation. Les déclarations contradictoires entretiennent ce manque de visibilité. Le cas des réserves de change est à prendre en considération. Il serait souhaitable, et il y va de la crédibilité de l’Algérie, que le gouvernement explique à l’opinion publique nationale et internationale la différence importante de 4 milliards de dollars concernant le montant des réserves de change du fait de déclarations contradictoires entre avril/ septembre 2023 reprise par l’ensemble de la presse nationale, l’ENTV -APS et les agences internationales AFP, Reuters et celle du 27 avril 2024 donnant un autre montant.

Des responsables du gouvernement entre avril et septembre 2023 ( source APS) lors de sa présentation de la déclaration de politique générale devant l’Assemblée populaire nationale que les réserves de change du pays devraient atteindre 73 milliards de dollars et environ 85 milliards de dollars d’ici la fin de l’année 2023, en prenant en compte les réserves d’or. Le 27 avril 2024, le ministre des Finances qui a animé une conférence sur les conclusions des Réunions de printemps 2024 du Groupe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, a affirmé que les réserves de changes avaient progressé de 61 milliards USD en 2022 à 69 milliards USD en 2023, soit l’équivalent de 16 mois d’importations de marchandises que les exportations en hydrocarbures ont reculé à 49 milliards USD en 2023, contre 56 milliards USD en 2022, sous l’effet de la baisse des prix du pétrole sur les marchés internationaux et que le solde de la balance des paiements avait affiché un excédent de 6,53 milliards USD en 2023 . Aussi si l’on s’en tient aux dernières données du 27 avril 2024, le taux d’endettement extérieur est faible moins de 1,5% du PIB donnant des marges de manœuvres à l’Algérie mais avec un déficit budgétaire prévisionnel pour 2024 important plus de 46 milliards de dollars au cours actuel d’avril 2024 de 134 dinars un dollars, les réserves de change étant, selon la définition du FMI, l’ensemble des disponibilités composant le portefeuille des actifs que sa Banque centrale détient (devises, or, droits de tirages spéciaux – DTS) qui tiennent la cotation du dinar officiel à plus de 70% ont évolué ainsi de 2001 à fin 2023: – 2001 : 17,9 milliards de dollars, – 2005 : 56,2 milliards de dollars, – 2010 : 162,2 milliards de dollars, – 2011 : 175,6 milliards de dollars, – 2012 : 190,6 milliards de dollars, – 2013 : 194,0 milliards de dollars, – 2014 : 178,9 milliards de dollars, – 2015 : 144,1 milliards de dollars, – 2016 : 114,1 milliards de dollars, – 2017 : 97,33 milliards de dollars, – 2018 : 79,88 milliards de dollars, – 2019 : 62 milliards de dollars, – 2020 : 44,2 milliards de dollars, – 2021 : 47 milliards de dollars, – 2022 : 61 milliards de dollars. Fin 2023, 69 milliards de dollars non compris les réserves d’or de 173 tonnes dont le stock n’a pas évolué depuis 2008, qui connaît d’importantes fluctuations, l ‘once d’or étant passée de 280 dollars en 2000 à 1800 en 2021 et est coté le 28 avril 2024 à 2338 dollars

D’une manière générale, non inclus les importations de services figurant dans la balance des paiements, document beaucoup plus significatif que la balance commerciale, ayant varié entre 6/7 milliards de dollars/an entre 2022/2023 montant qui doit s’ajouter à la valeur des importations de biens, actualisant , pour l’ONS , pour la clôture de l’année 2023, les données des échanges extérieures de marchandises enregistrent un recul de l’excédent commercial qui passe de 3.668,8 milliards de DA en 2022 à 1.612,3 milliards de DA en 2023, soit une diminution de 56,1%. Toujours selon l’ONS, pour 2023 les exportations ont été de 55,27 milliards de dollars pour un cours moyen de 134 dinars un dollar contre 68,70 milliards de dollars en 2022 soit une baisse d’environ 13,43 milliards de dollars alors que les importations en 2023 ont été de 43,24 milliards de dollars contre 41,34 milliards de dollars en 2022, cette désagrégation de l’indice de valeurs unitaires » étant due à une diminution des prix des hydrocarbures de 21,7% mais également à la baisse du volume et les prix des « exportations des produits hors hydrocarbures qui ont connu une baisse de plus de 20% par rapport à l’année 2022. Devant être réaliste afin de ne pas induire en erreur les décideurs du pays, ni sinistrose, ni autosatisfaction contraire à la réalité, spéculant sur un cours supérieur à 90/100 dollars le baril en moyenne annuelle, fonction à la fois de facteurs économiques dont la croissance de l’économie mondiale et de facteurs géopolitiques conjoncturels , si l’on tient aux prévisions réentes du FMI réalistes, commentant les rapports que lui a fournis l’Algérie qui a réévalué le PIB d’environ, 30% incluant la valeur ajoutée de la sphère informelle, l’inflation a dépassé le s9%, le taux de chômage avec la forte pression démographique ( 47 millions d’habitants au 01 janvier 2024) avoisinant les 14% touchant paradoxalement les diplômés, le taux de croissance pour 2023 a été de 4,2% avec une prévision de 3,8%, en 2024 et 3,1% en 2025 soutenue en partie par d’importantes dépenses budgétaires. Pour le FMI se basant sur un taux de croissance moyenne de 3 à 4% par an l’Algérie aurait un PIB à prix courant de 270 milliards de dollars en 2024, 326 en 2026, 370 en 2028 contre 243 milliards de dollars en 2023, (la BM donne 227 milliards de dollars) car pour créer 350.000/400.000 emplois par an qui s’ajoute au taux de chômage, il faudrait avoir un taux de croissance de 8/9% par an sue plusieurs années. Ces projections selon le FMI ne sont réalisables que sous réserve de profondes réformes structurelles, une rationalisation des choix budgétaires, une lutte contre la corruption et un accroissement des recettes d’hydrocarbures durant cette période qui devront être affectées aux secteurs productifs.

Il existe une loi économique universelle, l’accroissement du PIB dépend du taux de croissance réel, les exportations hors hydrocarbures selon les statistiques douanières, donc officielles étant passée de 7 milliards de dollars en 2022 à 5 en 2023 et sur ces 5 milliards de dollars 67% sont des dérivées d’hydrocarbures avec selon le Ministère du commerce en avril 2024 (source APS) la part de l’Afrique dans les exportations algériennes en 2023 ayant été de 2,7 milliards de dollars dont 650 millions hors hydrocarbures, (1,85% du total des exportations). Le taux d’intérêt des banques pour éviter leur déstructuration doit être supérieur de deux à trois points au taux d’inflation interne, et que toute baisse en dessus de ce taux qui est assimilable à une subvention, où la loi de finances 2023 avait prévu un total de transferts sociaux de 5000 milliards de dollars , avec un accroissement de 7% pour 202,4 soit plus de 38 milliards de dollars, au cours actuel, incluant les nombreuses bonifications de taux d’intérêts pour bon nombre de secteurs , ce qui risque de nécessiter le recours à leur la recapitalisation comme par le passé pour combler la différence entre le taux d’intérêt réel et les taux bonifiés. Comme toute appréciation d’une monnaie est fonction fondamentalement de l’accroissement de la production et de la productivité qui en Algérie est tirée en 2022/2023 et certainement en 2024 par la dépense publique via la rente des hydrocarbures.

En conclusion, dans un monde marqué par la transition énergétique et numérique dont les nouvelles technologies de l’information devraient contribuer à une profonde reconfiguration de l’économie mondiale, l’Algérie pays à importantes potentialités, sous réserve d’une bonne gouvernance et la valorisation du savoir par des stratégies d’adaptations face aux mutations internes et des nouvelles mutations géostratégiques et économiques mondiales peut devenir un acteur pivot, facteur de stabilité de la région méditerranéenne et africaine son espace naturel.

A.M.

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