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Concrétiser les réformes économiques

La relance économique a été au cœur de l’année 2022, avec le lancement des premières réformes devant ouvrir la voie à la diversification tant escomptée. 2023 sera marquée la poursuite de la refonte du cadre réglementaire régissant les activités économiques. Elle devra surtout signer le début de la concrétisation des réformes engagées. Modernisation des systèmes financiers et bancaires, ouverture sur le privé, développement de l’investissement, promotion des exportations hors-hydrocarbures, consolidation de la sécurité alimentaire et valorisation des richesses du sous-sols en hydrocarbures et en terres rares, les défis sont nombreux, mais ils s’articulent autour d’un seul objectif réduire les vulnérabilités économiques et consolider les assises d’une économie émergente.

L’année 2023 sera encore celle des incertitudes économiques. La persistance des tensions géopolitiques pèsera sur l’économie mondiale. Les marchés des matières seront marqués par d’importantes fluctuations sur fond de craintes sur la croissance économique et de tensions sur l’offre dans le sillage de la guerre en Ukraine. Une guerre qui continuera à peser sur les prix des produits alimentaires et de l’énergie, mais contribuera aussi à alimenter les facteurs inflationnistes. Le contexte économique mondial s’annonce difficile et exige des solutions.

Pour l’Algérie, le défi sera double, car il s’agira de contrer les pressions inflationnistes, tout en concrétisant les réformes nécessaires à la diversification économique nécessaire à son affranchissement de sa dépendance aux marchés pétroliers et gaziers pour ses ressources et aux marchés des produits alimentaires de bases pour ses approvisionnements. C’est dans ce contexte que s’inscrit la Loi de finances pour 2023, laquelle est entrée en vigueur hier. Un budget résolument tourné vers les questions sociales, d’autant que la LF23 prévoit un budget de fonctionnement en hausse de plus de 26%, tiré vers le haut essentiellement par l’impact financier de la hausse des salaires de la Fonction publique (les hausses prévues varient entre 4.500 DA et 8.500 DA), de l’allocation chômage qui passe de 13.000 à 15.000 DA et des seuils minimaux des retraites à 15.000 et 20.000 DA en attendant leur actualisation annuelle au mois de mai. Une hausse justifiée aussi par l’effet de l’intégration des personnels employés dans le cadre du pré-emploi, ainsi que des enseignants contractuels, sans oublier une augmentation substantielle des transferts sociaux dans le cadre de la politique de soutien aux prix des produits alimentaire de base notamment. Des mesures dont le maintien a été imposé par le contexte inflationniste, en attendant de relancer le processus de révision du système des subventions pour le centrer sur l’aide ciblée aux ménages.

Une loi qui a également prévu une série de mesures et d’incitations fiscales pour stimuler la croissance et encourager le développement de la finance islamique.

Cependant, le principal challenge à relever sera celui de la diversification. La promotion des exportations hors-hydrocarbures reste le principal objectif assigné avec le défi de parvenir à atteindre le seuil des 10 milliards USD de recettes dès cette année. De nouvelles mesures sont annoncée en faveur des exportateurs ainsi que de nouveaux textes pour stimuler l’export. L’ouverture des corridors économiques en direction de l’Afrique grâce au déploiement de lignes aériennes et maritimes, sans oublier la route transsaharienne et la route Tindouf-Zouérate s’inscrivent dans cette logique de diversification des exportations de redéploiement économique et commercial de l’Algérie dans sa profondeur africaine. L’année 2023 sera aussi, celle de l’ouverture de de succursales de banques publiques algériennes à Nouakchott (Mauritanie), Dakar (Sénégal), Abidjan (Côte d’Ivoire), Bamako (Mali), à Londres (Royaume-Uni), Paris (France) et en Allemagne. Des représentations chargées d’accompagner les exportateurs et investisseurs algériens à l’étranger.

Réformes structurelles

Or, et en amont de cet objectif persiste l’urgence de la relance de la production industrielle et agricole. Si dans le secteur de l’agriculture, les résultats sont satisfaisants dans certains secteurs qui permettent de couvrir plus de 70% de la demande globale en produits alimentaires, certaines vulnérabilités persistent notamment en ce qui concerne la couverture des besoins en produits alimentaires de base : céréales, aliment de bétail, oléagineux, sucre et lait. Des vulnérabilités qui imposent un redéploiement des cultures stratégiques, notamment dans le cadre de l’agriculture saharienne. Les objectifs ont été assignés et une feuille de route à l’horizon 2025 a été mise en place. Reste à la concrétiser, en évitant les tâtonnements qui ont fait obstacle au développement de ces filières par le passé. Il s’agit donc de bien étudier le développement de ces filières et de maturer les projets mis en place. Le cas de la filière colza devrait être dans ce sens un exemple à méditer. En attendant, le développement des filières stratégiques, le département de l’agriculture se penche sur la maîtrise des circuits de production et de distribution des produits alimentaires et des ressources végétales et animales, afin d’éviter les déperditions et limiter les pratiques spéculatives. Aussi, dans un contexte de tensions sur les marchés mondiaux, il se penche sur la gestion des stocks alimentaires stratégiques, notamment les céréales, qu’il entend améliorer à travers sa numérisation.

La relance du secteur de l’industrie est aussi une priorité. La promulgation du nouveau code de l’investissement, la relance du secteur de l’industrie mécanique et les mesures prises en faveur de l’entrepreneuriat et des start-ups (diplôme start-up, loi sur l’auto-entrepreneur, institution d’un congé entrepreneurial), vont dans le bon sens. Mais il s’agit de donner un véritable coup d’accélérateur aux réformes économiques structurantes. Et les textes les plus attendus en ce sens sont assurément l’amendement de la Loi sur la monnaie et le crédit et la Loi sur la partenariat public-privé.  Le premier texte est en bonne voie pour être promulgué dans les prochaines semaines. L’amendement de la Loi sur la monnaie et le crédit a été validé la semaine dernière en Conseil des ministres et devrait atterrir prochainement au Parlement. Le texte doit consacrer la modernisation du marché bancaire et financier, la digitalisation des moyens de paiements et le renforcement du développement de la finances islamique, ainsi que la refonte de la gouvernance des banques et de la Banque d’Algérie, avec le renforcement des prérogatives du Conseil de la Monnaie et du crédit et de la Commission bancaire. Reste à connaître l’étendue de ces réformes qui doivent, en théorie réhabiliter les BA dans ses missions non seulement de contrôle bancaire, mais aussi de première autorité formulant les politiques monétaires en toute autonomie.

L’autre texte est celui lié au partenariat public-privé. Un texte qui doit être « prochainement » examiné par le Gouvernement, a assuré jeudi le ministre des Finances. Un texte qui doit permettre de relancer le débat sur le financement de la réalisation des infrastructures, qui reste l’un des principaux leviers de croissance dans la majorité des pays du monde, en se défaisant de la dépendance aux ressources budgétaires de l’État.

Économie émergente

La valorisation des ressources naturelles reste, bien entendu, un axe majeur des politiques économiques. Le renforcement des capacités de production d’hydrocarbures et particulièrement de gaz reste au cœur des préoccupation. La Sonatrach entend porter la production de gaz commercialisable de 85 milliards m3 actuellement à plus 100 milliards de m3 en 2023 afin de renforcer les volumes disponibles à l’export, et tirer profit de la conjoncture actuelle pour consolider ses positions notamment sur le marché européen, d’autant plus que l’Algérie s’est hissée en 2022 au rang de second plus grand fournisseur de gaz de l’UE. Elle compte surtout investir dans la transition énergétique avec la mise en place d’une feuille de route pour le développement de l’hydrogène vert.

Il s’agit également et surtout de valoriser les ressources en terres rares. L’Algérie dispose abrite 20% des réserves mondiales de terres rares dont il faudra tirer parti pour alimenter son développement industriel. Des projets ont été annoncés et des accords ont été signés il s’agit de passer à la phase de la concrétisation. La finalité est de consolider les assises d’une économie émergente, d’autant que l’Algérie ambitionne d’entrer dans le club des BRICS. L’Algérie a d’ailleurs formulé une demande officielle pour rejoindre ce club d’économies émergente, laquelle devrait être examinée en juin 2023. Une demande qui a d’ailleurs reçu l’aval de la Chine et de la Russie.

Samira Ghrib

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